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L’aide humanitaire apportée par Israël aux Syriens n’a rien de sincère

Le recours à l’aide humanitaire pour dissimuler le bilan d’Israël en matière d’occupation et de violations des droits de l’homme n’est pas une nouveauté

La semaine dernière, l’armée israélienne a publié une déclaration au sujet de la fourniture d’aide humanitaire destinée à plusieurs milliers de Syriens déplacés. D’après cette déclaration, l’aide comprenait des tentes, de la nourriture, du matériel médical et des vêtements et a été livrée sur différents sites du côté syrien du plateau occupé du Golan, où des milliers de Syriens vivent dans des camps après avoir fui les bombardements touchant Deraa.

Si l’on remplaçait Israël et la Syrie par d’autres pays, disons l’Indonésie et les Philippines, cette nouvelle serait tout à fait normale et même réconfortante. Mais il est question ici d’Israël qui transfère de l’aide humanitaire à une population dont il continue d’occuper la terre – le plateau du Golan – depuis 1967.

Un mécanisme de dissimulation

Le recours à l’aide humanitaire pour dissimuler le bilan d’Israël en matière d’occupation et de violations des droits de l’homme n’est pas une nouveauté. Du Népal à Haïti, de l’Ouganda aux Fidji, cette aide humanitaire est toujours suivie d’un effort de propagande pour dire au monde entier qu’« Israël est humain », ce qui est éloigné de la réalité.

Quelques années plus tôt, une vidéo présentait des volontaires d’IsraAID, l’agence d’aide humanitaire israélienne, qui assistaient des réfugiés syriens arrivant sur les côtes grecques. S’ils étaient peut-être animés de bonnes intentions dans leur souhait d’aider les autres, les volontaires figurant sur cette vidéo sont devenus des éléments de la propagande de dissimulation israélienne.

L’aide humanitaire venant d’Israël ne peut être considérée comme un geste sincère. Elle soulèvera toujours ce qu’Israël essaie de dissimuler par ce biais. Si les motivations humanitaires d’Israël étaient sincères, son action devrait commencer à l’échelle nationale

La vidéo illustrait bien la manière dont Israël peut exploiter les instants les plus dangereux vécus par les réfugiés syriens, qui se pressent de rejoindre le rivage après un horrible voyage en mer, pour servir son programme de marketing. Il ne s’agit pas seulement du phénomène plus large des sauveurs « blancs » qui exploitent la situation critique des victimes à des fins d’autopromotion, mais aussi de la volonté d’Israël de détourner l’attention du public de son inhumanité, de sa brutalité et de son racisme à l’échelle nationale – à l’encontre des Palestiniens.

Le concept d’aide humanitaire a toujours été chargé. D’une part, pour les victimes en détresse, l’aide humanitaire apporte des secours immédiats et sauve des vies. De plus, elle peut renforcer la solidarité entre les nations et rassembler les gens. D’autre part, cela soulève la question de la distribution injuste des richesses et du pouvoir dans le monde.

Dans de nombreux cas, les pays qui fournissent une aide ont un intérêt personnel, comme par exemple éviter un afflux de réfugiés dans leur pays. L’aide israélienne aux Syriens revêt bien entendu cet intérêt, outre le programme de dissimulation.

L’aide humanitaire venant d’Israël, un État d’occupation et d’apartheid, ne peut être considérée comme un geste sincère. Elle soulèvera toujours ce qu’Israël essaie de dissimuler par ce biais. Si les motivations humanitaires d’Israël étaient sincères, son action devrait commencer à l’échelle nationale.

Charité bien ordonnée commence par soi-même

Environ 1,5 million de réfugiés palestiniens en détresse vivent dans les camps de réfugiés disséminés à travers la région. Ils ont traversé ce que les Syriens traversent aujourd’hui. Depuis plus de sept décennies, Israël leur refuse leur droit de retourner dans leur patrie.

Des Palestiniennes pleurent la mort de Mohammed al-Hamayda, 24 ans, lors de ses funérailles à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 30 juin 2018 (AFP)

La bande de Gaza vis depuis douze ans sous un blocus brutal imposé par Israël. Israël emprisonne deux millions de Palestiniens à Gaza, dans la plus grande prison à ciel ouvert au monde, contrôle la nourriture et les biens qui entrent à Gaza et a employé par le passé un calcul de calories pour limiter l’apport alimentaire des Palestiniens à Gaza. Israël bombarde occasionnellement Gaza et a lancé trois guerres qui ont tué près de 4 000 Palestiniens.

Au cours des trois derniers mois, l’armée israélienne a fait feu sur des manifestants non armés à Gaza, tuant plus de 130 manifestants pacifiques. L’incarcération d’enfants, la privation de liberté de mouvement, la démolition de maisons et le déplacement de communautés font partie des pratiques quotidiennes d’Israël.

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Si l’on peut recenser d’innombrables violations à l’encontre les Palestiniens, ceux des territoires palestiniens occupés comme ceux qui détiennent la citoyenneté israélienne, il est également important de ne pas tolérer le racisme d’Israël contre sa propre population juive non blanche et les pratiques inhumaines infligées aux réfugiés africains arrivés en Israël pour fuir les conflits touchant leur pays.

Plus tôt cette année, le gouvernement israélien a annoncé son intention d’expulser par la force des dizaines de milliers de demandeurs d’asile africains. Ces demandeurs d’asile viennent principalement d’Érythrée et du Soudan. Ces migrants n’étant pas juifs, Israël les considère donc comme une menace démographique à son obsession de maintenir une majorité juive en Israël. Ils sont confrontés au racisme et au rejet à tous les niveaux, des pogroms de rue à l’incitation politique et religieuse à la haine.

Un pays raciste avec un bilan éloquent en matière de crimes de guerre, de violations des droits de l’homme, d’occupation militaire, d’incarcération et de meurtre d’enfants, d’isolement d’une population entière dans une prison à ciel ouvert, de destruction de communautés et de rejet de demandeurs d’asile en détresse pour le simple fait de ne pas être juifs, ne peut être considéré comme sincère lorsqu’il offre une aide humanitaire aux Syriens ou à quiconque, car la moralité ne peut pas être divisée. Soit elle existe, soit elle n’existe pas.

- Abir Kopty est une écrivaine et doctorante palestinienne. 

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye

Photo : photo prise le 30 juin 2018 depuis le plateau syrien du Golan annexé par Israël, montrant un camp de déplacés syriens situé près du village syrien de Burayqah, dans la province méridionale de Quneitra (AFP)

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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