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Les « opérations noires » d'Israël contre les gouvernements étrangers sont immorales et paranoïaques

L’état d’esprit dominant au sein du gouvernement israélien est que le « monde est contre nous ». Mais laisser des gens comme Shai Mosat calomnier des politiques étrangers ne peut que mal tourner

Lorsqu’on a appris qu’un responsable d’ambassade israélienne conspirait pour « faire partir » des députés, le principal suspect fut le ministère israélien des Affaires stratégiques. Ces derniers mois, ce ministère a été chargé de combattre ce que le gouvernement israélien de droite considère comme des responsables et des politiques « anti-Israéliens » dans le monde entier.

Toutefois, il s’est avéré que le responsable qui a été filmé, Shai Masot, était en fait employé par le ministère israélien des Affaires étrangères.

C’est d’autant plus embarrassant : le ministère des Affaires étrangères est considéré comme un îlot de valeurs libérales, de modération et de raison dans la mer en pleine expansion des gens de droite contrôlant la bureaucratie israélienne.

Shai Masot était en fait employé par le ministère israélien des Affaires étrangères. Ce qui est d’autant plus embarrassant

Masot n’est pas un diplomate. Il a servi en tant que major dans la marine israélienne puis a été transféré dans l’unité de liaison de l’armée israélienne avec l’Autorité palestinienne.

Là-bas, il était chargé d’un département international, responsable des fonctionnaires et des diplomates étrangers visitant Gaza et les postes-frontières israéliens qui y conduisaient.

Il y a sept ans, il a quitté l’armée et a commencé à travailler pour Miri Regev, alors députée de droite et aujourd’hui véhémente et provocante ministre de la Culture et des Sports.

Il y a trois ans, Masot a déménagé à Londres et fut embauché à titre non diplomatique comme assistant d’Ethan Naeh, chargé d’affaires et numéro deux de l’ambassade. Dans le langage bureaucratique israélien, un tel poste est connu sous le nom de « travailleur local israélien ».

Toutes les missions diplomatiques israéliennes dans le monde emploient des centaines de travailleurs ayant un statut similaire en plus du millier de diplomates qualifiés et formés qui jouissent d’une immunité diplomatique complète.

Masot a été surpris en train de parler en octobre dernier à Maria Strizzolo, une fonctionnaire qui fut l’assistante d’un ministre conservateur. La conversation ciblait spécifiquement Alan Duncan, le ministre adjoint aux Affaires étrangères britannique, en raison de son opposition à la construction de colonies israéliennes.

L’ambassadeur israélien, Mark Regev, s’est excusé auprès de Duncan vendredi et a précisé que « l’ambassade considérait ces propos totalement inacceptables ».

Cependant, on ne sait pas précisément si Masot était à l’initiative de cette réunion et si les idées qu’il a exprimées étaient les siennes ou si son patron était au courant et approuvait.

En raison de la violation du protocole diplomatique, le ministère israélien des Affaires étrangères a décidé de mettre fin à son contrat de travail.

Néanmoins, la réaction rapide et chirurgicale ne peut cacher le fait que le comportement de Masot semble représenter quelque chose qui pénètre de plus en plus profondément dans de nombreuses parties du gouvernement et de la fonction publique israéliens.

« Travail secret, sous les radars »

Il existe un état d’esprit dominant qui répand largement l’idée paranoïaque que « le monde entier est contre nous » et la tendance à assimiler l’opposition à l’occupation israélienne de la Cisjordanie palestinienne et sa politique de colonisation à de l’« antisémitisme ».

Ces notions sont particulièrement exprimées par Netanyahou, qui a récemment riposté contre les Nations unies qui ont soutenu une résolution du Conseil de sécurité dénonçant les colonies.

Netanyahou a ordonné le rappel des ambassadeurs israéliens de certains de ces États, a annulé une visite du Premier ministre ukrainien et a arrêté le financement israélien partiel de l’ONU ainsi qu’un projet d’irrigation en Afrique.

La même attitude préside la décision de Netanyahou de confier au ministre de la Sécurité intérieure, Gilad Erdan, la direction du ministère des Affaires stratégiques et la lutte contre les « anti-Israéliens ».

À cette fin, le gouvernement a alloué un budget de près de 50 millions de dollars – dont la moitié consacrée aux « opérations ».

De telles actions ne sont pas seulement immorales et opposées à l’étiquette diplomatique, mais peuvent également se retourner contre Israël et lui causer plus d’ennuis vis-à-vis de la communauté internationale

Pour remplir sa mission, le ministère des Affaires stratégiques a désigné comme directrice générale l’ancien général de brigade Sima Vaknin-Gil, ancienne directrice de la censure de l’establishment de la défense. Elle a recruté d’anciens agents des renseignements pour travailler pour le ministère et a déclaré à la Knesset que « notre travail doit être secret et sous les radars ».

L’objectif principal du ministère des Affaires stratégiques est le BDS – la campagne internationale lancée il y a dix ans par un activiste palestinien pour le « boycott, [le] désinvestissement et [la] sanction » d’Israël mais, au vu de l’incident diplomatique londonien, il semble qu’il agit plus largement contre quiconque serait défini par le gouvernement israélien comme un « anti-Israélien ».

Certains Israéliens, moi y compris, ont mise en garde il y a plusieurs mois le gouvernement contre l’idée même de mener « opérations noires », ce qui inclurait des campagnes de diffamation contre des fonctionnaires, des diplomates, des politiques ou des militants étrangers.

De telles actions ne sont pas seulement immorales et opposées à l’étiquette diplomatique, elles portent également atteinte à la souveraineté des gouvernements étrangers et elles peuvent aussi se retourner contre Israël et lui causer plus d’ennuis vis-à-vis de la communauté internationale.

- Yossi Melman est un commentateur spécialiste de la sécurité et du renseignement israéliens. Il est co-auteur de Spies Against Armageddon.

Les opinions exprimées dans cet article nengagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : une touriste photographie une inscription appelant au boycott des produits israéliens venant des colonies juives peinte sur un mur de la ville biblique de Bethléem en Cisjordanie, le 5 juin 2015 (AFP).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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