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Vacances tendance dans les « camps d’entraînement antiterroriste fictif » israéliens

Le tourisme du terrorisme fait fureur en Cisjordanie occupée, alors qu’Israël transforme sa vaste expérience en matière d’occupation et de guerre en divertissement de propagande pour des visiteurs enthousiastes

Juste au moment où l’on pensait que les Israéliens ne pouvaient plus entasser d’autres bibelots dans un placard déjà plein à craquer de comportements grotesques, le journal israélien Haaretz a récemment publié un article intitulé « Les camps d’entraînement antiterroriste fictif sont en plein essor à travers Israël et la Cisjordanie – et les touristes en redemandent ».

(Et comme si cela ne suffisait pas, Haaretz nous suggère également de lire : « L’armée israélienne montre de faux membres amputés et peint des blessures sur des enfants pour le Jour de l’Indépendance ».)

L’article sur ces camps commence dans le bloc de colonies israélien illégal décrit comme « la région de Goush Etzion en Cisjordanie », où un bon matin, des touristes hongkongais « font semblant de faire partie des commandos de l’armée israélienne » dans une académie de formation à la lutte contre le terrorisme et à la sécurité baptisée « Caliber 3 » :

« Alors que leur formateur aux airs de Rambo aboie les ordres, ils mettent leur fusil d’assaut en position et répètent après lui le mot hébreu désignant "feu" : "Esh. Esh." »

« "Plus fort, ordonne-t-il. Je ne vous entends pas. Ne soyez pas si politiquement corrects." »

Alors que le politiquement correct ne fait probablement pas partie du forfait, ce dernier comprend beaucoup d’autres choses, comme « une simulation d’attentat-suicide dans un marché de Jérusalem, immédiatement suivie d’une attaque au couteau, ou encore une démonstration en direct avec des chiens d’attaque et un concours de tir ».

Les visiteurs les plus coriaces peuvent s’inscrire à un programme plus avancé comprenant « une mission de libération d’otages semblable à celle d’Entebbe ».

Apprendre aux enfants à aimer les armes

Au cours de cette matinée particulière, le contingent hongkongais est rejoint par des familles juives américaines qui participent également à l’aventure proposée par Caliber 3. D’après Haaretz, une famille est originaire du comté de Westchester, dans l’État de New York, où le père est « conseiller en patrimoine » chez Morgan Stanley.

Une relation d’amour spontanée avec les armes à feu devrait être une douce musique aux oreilles de tout parent

Le conseiller et son épouse se disent « soulagés » de constater que leur fils de 10 ans, qui « a eu peur du bruit des coups de feu lorsqu’il est entré et a menacé de ne pas participer » aux activités programmées, a maintenant « hâte que ce soit de nouveau son tour de tirer au fusil d’assaut ».

En effet, une relation d’amour spontanée avec les armes à feu devrait être une douce musique aux oreilles de tout parent.

Un instructeur israélien parle à des enfants étrangers portant des fusils en bois à la « Caliber 3 Israeli Counter Terror Security Academy », dans le bloc de colonies de Goush Etzion (Reuters)

Au cas où nous manquerions la morale de l’histoire, Haaretz cite l’épouse du conseiller en patrimoine, qui résume la fonction ultime de ce cours intensif à Caliber 3 : « Nos garçons comprennent désormais mieux ce qu’il faut pour défendre Israël et pour faire en sorte qu’Israël reste un État juif. »

Nous ne pouvons qu’espérer que les Hongkongais aient assimilé les mêmes leçons.

Le marketing de la répression

Selon l’article, une demi-douzaine d’établissements en Israël et en Cisjordanie proposent actuellement ce type de tourisme militaire – en effet, « des entrepreneurs locaux ont découvert qu’ils pouvaient canaliser la vaste expérience d’Israël en matière de guerre et de lutte contre le terrorisme dans cette direction ».

Une entreprise effectivement lucrative, puisque certains établissements factureraient jusqu’à 600 dollars par jour et par personne.

C’est d’ailleurs gentil de la part de Haaretz de contribuer aux efforts de marketing.

Pour sûr, aux yeux des entrepreneurs en première ligne de l’industrie du terrorisme, l’arrangement est depuis longtemps un cadeau perpétuel.

Le monopole israélien du champ lexical du terrorisme – qui permet à Israël de massacrer des Palestiniens par milliers en invoquant une prétendue « légitime défense » alors que tout acte de légitime défense littérale des Palestiniens est condamné comme du terrorisme – s’est révélé terriblement enrichissant non seulement en facilitant les objectifs politiques et territoriaux d’Israël, mais aussi en créant des opportunités internationales permettant à des individus israéliens et à des entités israéliennes de capitaliser sur l’expertise du pays en matière de répression.

Ainsi, par exemple, les entreprises israéliennes remportent des contrats pour aider à fortifier la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

Dans le cas des « camps d’entraînement antiterroriste fictif », ce marché génère simultanément un profit pour les personnes impliquées et participe à la diffusion mondiale de la propagande pro-israélienne sous le couvert d’un tourisme « cool » et alternatif.

On peut dire que c’est faire d’une pierre deux coups – tandis que les Palestiniens continuent d’être tués avec des équipements toujours plus destructeurs.

« L’armée la plus merveilleuse et la plus morale »

Bien sûr, il ne s’agit pas seulement de s’amuser avec des fusils d’assaut et de participer à des concours de tir. Le site web de Caliber 3 précise que l’académie, qui est « dirigée par des membres actifs de l’armée [israélienne] », fournit également « des solutions de sécurité de pointe, une protection contre les menaces élevées, des opérations de renseignement et des programmes de formation tactique à destination des armées, des forces de l’ordre, des agences gouvernementales et de clients commerciaux dans le monde entier ».

Un touriste participe à une expérience de « camp d’entraînement » de deux heures à la « Caliber 3 Israeli Counter Terror & Security Academy », dans le bloc de colonies de Goush Etzion, au sud de Jérusalem, en Cisjordanie occupée (Reuters)

Haaretz explique pour sa part que tandis que Caliber 3 et les autres établissements de tourisme militaire amassent des fonds supplémentaires en vendant des marchandises (« tout, des t-shirts aux équipements militaires purs et durs »), ces établissements ont tendance à minimiser l’importance des motivations financières et à décrire plutôt « leur mission en des termes plus idéalistes [:] montrer au monde que toutes les choses horribles dites au sujet de [l’armée israélienne] à l’étranger n’ont aucun fondement et qu’il s’agit de l’armée la plus merveilleuse et la plus morale qui soit ».

Dans l’un des passages de l’article les plus susceptibles de provoquer une rupture d’anévrisme, nous avons droit à une démonstration au cours de laquelle Zeus, le chien d’attaque, « se jette sur un "terroriste" brandissant un couteau, le contraint à se mettre au sol tout en déchirant sa combinaison rembourrée ».

Mais comme Zeus a un sens de l’éthique extrêmement développé, il se retire dès que sa cible lâche le couteau, gagnant les louanges d’un instructeur : « Même les chiens de [l’armée israélienne] accordent de la valeur aux vies humaines. »

Peut-être que Zeus est mieux formé que les êtres humains de cette même armée qui, par exemple, bombardent des hôpitaux et lancent des frappes aériennes contre des enfants qui jouent au football.

Des camps de la mort au tourisme du terrorisme

Les services de relations publiques de Haaretz n’auraient apparemment pas parachevé leur œuvre sans une citation du PDG de Caliber 3 sur ce qui l’a poussé à transformer son académie en attraction touristique :

« Un jour, je me suis demandé si un juif dans le camp de la mort d’Auschwitz avait pu rêver un jour de voir une académie comme celle-ci être créée en Israël et former des membres de l’armée allemande... Je me suis alors dit que j’allais ouvrir ce lieu au public pour montrer tout le chemin que les juifs ont parcouru en 75 ans. »

En cas de doute, il suffit de mentionner Auschwitz – un phénomène avec lequel les Palestiniens n’ont rien à voir.

Mais tant que nous y sommes, il convient de rappeler que de nombreux survivants de l’Holocauste ont plutôt vu les prétendus « progrès » d’Israël comme un cauchemar, fondé sur une politique de nettoyage ethnique.

Peut-être que les Palestiniens devraient faire la même chose et proposer des simulations dans lesquelles on peut être pulvérisé par un missile israélien ou vivre de l’intérieur la démolition de sa maison. Ça, au moins, ce serait du vrai tourisme du terrorisme.

Belen Fernandez est l’auteure de The Imperial Messenger: Thomas Friedman at Work (Verso). Elle collabore à la rédaction du magazine Jacobin.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : un groupe de touristes participe à une expérience de « camp d’entraînement » de deux heures à la « Caliber 3 Israeli Counter Terror & Security Academy », dans le bloc de colonies de Goush Etzion, au sud de Jérusalem, en Cisjordanie occupée (Reuters).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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