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De féroces combats font des dizaines de morts tandis que les forces libyennes avancent sur Syrte

En une journée, le bilan s’élève à au moins 36 combattants tués et 140 blessés, alors que les dirigeants libyens demandent l’aide de la communauté internationale pour chasser l’EI
Les combattants libyens ont subi de lourdes pertes sur les champs de bataille autour de Syrte (AFP)

SYRTE, Libye – Les hôpitaux de campagne derrière les lignes de front à Syrte étaient bondés ce mercredi après des combats acharnés contre les militants de l’État islamique (EI) qui ont fait 36 morts et plus de 140 blessés en une seule journée – le bilan devrait s’alourdir puisque les batailles continuent.

« Je suis tellement en colère et bouleversé que j’en ai presque perdu mes mots », a déclaré à MEE Mohamed al-Ghossri, porte-parole des forces libyennes opérant sous les ordres du gouvernement d’union nationale (GUN) soutenu par l’ONU. « Si nous avions été soutenus par des véhicules blindés, des armes et des munitions décentes, bon nombre de ces pertes auraient pu être évitées. »

Le petit hôpital de campagne en dehors de Syrte a été submergé de blessés. Le nombre restreint d’ambulances disponibles a peiné à transférer les blessés graves à l’hôpital de Misrata. Beaucoup avaient perdu des membres ou souffraient de blessures causées par des shrapnels.

La plupart des victimes étant originaires de Misrata, des parents inquiets se pressaient à l’extérieur de l’hôpital de la ville aux premières heures mercredi matin, attendant désespérément des nouvelles de leurs proches.

« On ne va pas continuer à demander de l’aide au gouvernement ou à la communauté internationale », a déclaré Ghossri, qui a passé le mois à implorer publiquement un soutien. « Si quelqu’un veut aider, cela serait bienvenu, mais nous allons poursuivre cette bataille nous-mêmes, jusqu’à ce que nous détruisions Daech. »

Aucun équipement de sécurité

Beaucoup de soldats du gouvernement d’union nationale sur le front de Syrte se sont plaints du manque de munitions et d’un manque d’équipements de sécurité. Parmi les jeunes hommes utilisant des armes antiaériennes russes vieillissantes et les adolescents en tongs avec des AK-47, seuls quelques-uns ont un gilet pare-balles et ils sont encore moins nombreux à avoir un casque.

Depuis que l’opération soutenue par le gouvernement contre l’EI a commencé début mai, plus de 200 combattants ont été tués et environ 640 blessés. Il n’y a aucun chiffre disponible concernant le nombre de victimes dans les rangs de l’EI, même si les forces gouvernementales affirment en avoir tué beaucoup.

Les pertes de mardi sont survenues alors que les forces libyennes ont renouvelé leurs offensives contre l’EI dans deux districts de Syrte, après avoir lutté pour obtenir des gains importants la semaine précédente.

Ils ont avancé de plusieurs kilomètres sur plusieurs fronts de la ville, notamment le district 700, où selon Ghossri les troupes libyennes étaient maintenant à seulement 1 km du centre Ouagadougou, ajoutant : « Ils ne seront jamais en mesure de tenir cette position maintenant. »

Forces gouvernementales (GUN) et leurs alliées ; Milice de Toubous ; Armée libyenne ; Milice de Touaregs ; Villes contrôlées par les gardes des installations pétrolières, alliés du GUN ; Présence de l’État islamique et ses alliés

Le centre Ouagadougou est un vaste complexe construit par l’ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi et fut l’un des premiers saisis par l’EI quand il a pris le contrôle de la ville l’année dernière.

Ancien habitant de Syrte vivant aujourd’hui à Tripoli, Ahmed a rapporté que l’EI avait stocké des armes réquisitionnées aux unités militaires sur le terrain du complexe et prédit que sa prise serait difficile.

« Il recouvre plusieurs kilomètres et est presque aussi grand que le complexe résidentiel de Kadhafi à Tripoli », a-t-il déclaré.

Le château de l’EI

« C’est comme le château de l’EI à Syrte. Il y a un réseau de salles souterraines sous le centre qui rendra plus difficile de prendre le contrôle. »

Les forces du gouvernement d’union nationale ont également gagné du terrain le long du front de mer à l’ouest, réduisant l’accès à la mer de l’EI, lequel constituait la seule échappatoire pour les militants depuis que Syrte a été encerclée il y a dix jours.

« Aujourd’hui fut une grande victoire pour nous », a déclaré Ghossri. Montrant sur son téléphone portable des vidéos de bâtiments abandonnés par l’EI dans les combats de mardi, il a dit craindre que les militants essayent désormais de se cacher parmi les civils.

« Ils vivaient ici et nous avons trouvé beaucoup de cheveux sur le sol où ils ont selon toute évidence coupé leur barbe et leurs cheveux, dans l’espoir d’éviter d’être repérés en se présentant comme des civils », a-t-il indiqué.

Bien que la plupart des habitants de Syrte aient fui la ville au début du mois de mai, l’EI a contraint certaines familles à rester.

Ghossri estime que le territoire contrôlé par l’EI dans la ville a été réduit à environ 5 km². Cependant, Ahmed, l’ancien habitant, estime que ce secteur pourrait être le double, selon les rapports des médias, ajoutant que le centre Ouagadougou couvre à lui seul plusieurs kilomètres carrés.

« Bien que je ne sois plus à Syrte depuis trois mois, la dernière fois que j’y suis allé, l’EI concentrait ses activités sur le centre Ouagadougou et le port, et je pense que ces lieux constitueront les batailles à venir les plus difficiles », a-t-il jugé.

Au cours de la dernière semaine, le très disputé et stratégique port de Syrte a maintes fois changé de mains. Les revendications de contrôle par les forces gouvernementales ont été suivies rapidement par des communiqués de l’EI sur les réseaux sociaux montrant des images de ses combattants se déplaçant librement dans le port.

« Nous avons dû nous retirer du port car des snipers occupent un hôtel voisin qui le surplombe », a rapporté dimanche Mohamed, combattant de la brigade al-Wadi, à MEE. « La route jusqu’au port est sous notre contrôle, mais nous ne pouvions pas rester à l’intérieur en raison de la prolifération des snipers, et le port lui-même est maintenant repassé sous le contrôle de l’ennemi. »

Il était l’un de la douzaine de jeunes soldats accroupis derrière des bancs de sable à moins d’un demi-kilomètre des positions de l’EI, où tout mouvement attirait le fracas des tirs des snipers observateurs de l’EI.

Des passeurs d’armes approvisionnent l’EI

Selon les observations de son unité, le nombre de combattants opérant à proximité du port se situait entre 400 et 500. Les militants allaient recevoir d’autres armes par le port, a-t-il déclaré, ajoutant que la brigade al-Wadi avait repéré un certain nombre de bateaux de pêche suspects le long de la côte.

Les forces du gouvernement d’union nationale ne disposent pas de navires de guerre et le littoral de Syrte est patrouillé par intermittence par un remorqueur modifié et lourdement armé de Misrata.

Depuis que les forces gouvernementales ont encerclé Syrte, elles ont rencontré une résistance acharnée des militants de l’EI qui ont déployé des snipers à travers la ville et poursuivent une campagne implacable d’attentats-suicides sur des positions militaires.

« Plusieurs attaques suicides se sont produites contre nous ici, surtout la nuit », a déclaré Mohamed al-Khtel (24 ans), s’exprimant depuis un autre front de la périphérie de Syrte. « Il y a eu un camion Toyota. Nous lui tirions dessus quand il a explosé et les flammes étaient si élevées qu’on y voyait comme en plein jour. Il y a également eu un kamikaze isolé. J’ai vu son visage. Il n’avait pas peur de mourir. C’était quelque chose d’incroyable. »

L’EI mène une campagne de lavage de cerveau dans le centre de la Libye depuis plus d’un an, notamment par l’intermédiaire de sa station de radio al-Bayan, qui a diffusé des informations 24 heures sur 24 sur les activités de l’EI, des programmes d’éducation religieuse, des appels aux armes et des nasheed (chants religieux), avant d’être coupée lundi.

Dans l’une de ses dernières émissions, un sermon exhortait leurs partisans à ne pas craindre la mort et à se concentrer plutôt sur l’au-delà.

« Cette vie n’a pas de sens. Vous devez vivre afin de combattre pour le bien, pour votre religion et votre foi. La vraie vie n’est pas cette vie, c’est la vie qui vous attend au paradis », a déclaré le membre de l’EI, parlant lentement et distinctement en arabe sur un enregistrement de chants d’oiseaux en fond sonore.

Les combattants GUN se moquent des revendications de piété de l’EI. « La milice appelée Daech ne représente pas l’islam. Ils se cachent derrière le masque de la religion et pensent qu’ils vont au ciel, mais ils vont certainement en enfer parce qu’Allah ne nous a pas dit de nous suicider », a déclaré Khtel.

« Nous croyons que nous allons gagner ce combat parce que nous sommes dans le vrai. Nous menons cette bataille non seulement pour la Libye, mais pour le monde entier parce que l’EI constitue une menace pour l’humanité. Ce sont des ennemis de la vie », a-t-il affirmé. « Même si nous ne disposons pas de gilets pare-balles, d’équipements de vision nocturne ou même d’assez de munitions, nous n’avons pas peur de Daech et nous sommes prêts pour cette bataille. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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