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Deux théâtres arabes confrontés à des réductions budgétaires du gouvernement israélien

La directrice du théâtre al-Midan accuse le gouvernement d'attaquer « la liberté d'expression »
Des acteurs jouent la pièce Un temps parallèle au théâtre al-Midan d’Haïfa (Oren Ziv)

Dans la ville d’Haïfa (Israël), un théâtre en langue arabe a vu son financement interrompu et est menacé de nouvelles réductions budgétaires et de censure suite aux protestations de militants israéliens.

La controverse porte sur la production par le théâtre de la pièce Un temps parallèle, qui examine le quotidien des prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes.

Parmi les personnages réels sur lesquels la pièce se concentre figure Walid Daka, ancien combattant du Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP) impliqué dans l'enlèvement et le meurtre de Moshe Tamam, un soldat de l'armée israélienne, en 1984. Daka purge actuellement une peine à perpétuité.

Les proches de Tamam ont protesté contre le financement que le théâtre a reçu de la part de l'État, soutenant que l'argent du contribuable ne devrait pas servir à ce qu'ils considèrent comme une « glorification » du meurtrier présumé de Tamam.

« Ils ont choisi de kidnapper un soldat des Forces de défense israéliennes », a déclaré Ortal Tamam, nièce du soldat, au Times of Israel. « Il a été tué à cause de ce qu'il était et parce qu'il servait l'État. »

« Et maintenant, l'État finance une pièce sur son meurtrier. »

À l'origine, la pièce a été approuvée par la Commission du répertoire d'Israël, qui décide quelles productions sont mises à la disposition des enfants des écoles à travers le « panier culturel national ».

Depuis son autorisation en avril 2014, Un temps parallèle a été vue par plus de 900 élèves.

Naftali Bennett, le ministre israélien de l'Éducation et président du Foyer juif, un parti d'extrême-droite, a promis qu'il ferait annuler l'autorisation et le permis accordés à la pièce par son ministère, affirmant que la commission avait été induite en erreur.

« Quand la pièce a été approuvée, il n'a pas été précisé aux professionnels qu'il s'agissait d'un récit autobiographique d'un meurtrier terroriste qui purge une peine de prison pour son rôle dans la torture et le meurtre de Moshe Tamam. Je crois au professionnalisme du comité et à la liberté d'expression, mais il y a des choses que nous ne pouvons pas accepter. »

Le ministère de l'Éducation a déclaré que « lorsque la commission a approuvé la représentation, il n'a pas été porté à son attention que celle-ci était basée sur une histoire vraie et susceptible de blesser la famille Tamam dans son deuil », ajoutant que c'est la famille qui a porté le problème à l'attention de la commission.

Pour Adnan Tarabshi, directrice du théâtre al-Midan, l’interruption des financements pourrait s'avérer fatale.

« Nous attendons que la municipalité débloque le budget pour al-Midan, a-t-elle expliqué. Je n’ai pas d'argent pour payer mes quarante acteurs, techniciens, ouvriers, etc. »

Elle a indiqué à Middle East Eye que la municipalité d’Haïfa envisageait de fermer le compte en banque du théâtre al-Midan en raison de son incapacité à payer le loyer.

« Mais nous payons le loyer à partir de l'argent que la municipalité nous donne, a-t-elle déploré. Nous sommes pris dans un grand piège ». Tarabshi a ajouté que si le théâtre n'accédait pas aux fonds, elle envisagerait de demander réparation auprès du système judiciaire israélien.

Une autre controverse dans le monde du théâtre a atteint un point culminant cette semaine, lorsque la ministre de la Culture Miri Regev a menacé ce mardi de retirer au théâtre Elmina de Jaffa son financement gouvernemental après que son directeur, Norman Issa, a refusé de se produire dans une colonie de la vallée du Jourdain occupée.

« Si Norman ne change pas d'avis, je compte revoir le soutien apporté par mon ministère au théâtre Elmina, qui œuvre sous sa direction », a-t-elle écrit sur sa page Facebook.

Issa a déclaré plus tard que cette menace était à la limite du « chantage ».

« Je suis un Arabe israélien marié à une femme juive et j'élève une famille merveilleuse », a-t-il déclaré à Haaretz. « Ma femme et moi consacrons toute notre vie à la concrétisation de la coexistence entre juifs et Arabes, et c'est à cette fin que nous avons créé le théâtre de Jaffa. »

« Vous ne pouvez pas attendre de moi d'aller contre ma conscience et d'accepter de jouer dans des lieux sujets à controverse. Ne me forcez pas à agir contre ma volonté simplement pour éliminer cette menace. »

Adnan Tarabshi a estimé que ces deux controverses étaient des gesticulations de la part du gouvernement de droite israélien.

« Ils sont en concurrence entre eux pour déterminer qui sera le plus à droite, a-t-elle affirmé. Qui récoltera le plus grand nombre de voix à droite ? »

Elle a signalé que ces menaces s’inscrivaient dans une tendance qui allait en s'aggravant dans le pays, où les produits culturels pluralistes et provocateurs pourraient se retrouver sous le joug de la censure.

« Selon un proverbe arabe, "qui mange dans la soucoupe du sultan doit porter ses sabres" », a ajouté Tarabshi.

« Cela devient la politique d’[Israël]. Si vous obtenez de l'argent, vous devez nous applaudir. Cela met fin à la liberté d'expression dans ce pays. »

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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