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Dix mille soldats du Hezbollah seraient déployés à la frontière israélienne dans le Golan

Un commandant du Hezbollah a déclaré à MEE que le groupe avait profité du plan de « désescalade » entre les États-Unis et la Russie en Syrie pour renforcer ses positions face à Israël
Le Hezbollah a tiré profit de la guerre syrienne pour gagner en expérience de combat et en influence (AFP)

Le Hezbollah profite d’un accord de « désescalade » négocié par la Russie et les États-Unis pour déployer des milliers de soldats endurcis par les combats en Syrie dans le sud du pays et renforcer ses positions en vue d’une éventuelle confrontation avec Israël, a déclaré un commandant du groupe à Middle East Eye.

Ce dernier, qui s’est s'exprimé sous le couvert de l'anonymat, a indiqué que 10 000 combattants du Hezbollah étaient postés le long de la frontière du plateau du Golan, occupé par Israël, et que des bases de lancement de missiles ainsi que des réseaux de tunnels étaient en cours de construction.

« Le plan de désescalade est meilleur pour nous. Nous travaillons avec davantage de liberté, il n'y a plus de bombardements »

- Commandant du Hezbollah dans le sud de la Syrie

« Le plan de désescalade est meilleur pour nous », a-t-il déclaré. « Nous travaillons avec davantage de liberté, il n'y a plus de bombardements ».

« Le Hezbollah a déployé plus de 10 000 combattants dans le sud de la Syrie. Le Hezbollah est une armée d'infanterie, de roquettes, de chars, de forces d'élite. Nous opérons comme nous le faisons dans le sud du Liban, mais, évidemment, d'une manière voilée. »

Le plan de désescalade conclu entre les États-Unis et la Russie en juillet a introduit des cessez-le-feu dans plusieurs points chauds de la guerre civile syrienne afin de minimiser les pertes.

L’interview s'est déroulée quelques jours avant que la tension ne monte d’un cran mardi lorsqu’Israël a abattu un drone de reconnaissance du Hezbollah qui, selon les autorités, menaçait l’espace aérien israélien dans le plateau du Golan.

Les affirmations du commandant du Hezbollah sont susceptibles d’alarmer l'armée israélienne face à la perspective que le groupe libanais soutenu par l'Iran ait établi des positions défensives le long de sa frontière sur le Golan. Ce nouveau « point d’intimidation », selon l’expression de Nicholas Blanford, un expert du Hezbollah à l’Atlantic Council, vient s’ajouter à la vallée de la Bekaa et au sud du Liban.

Des soldats israéliens s'entraînent dans la région du plateau du Golan (AFP)

Israël et le Hezbollah se sont combattus pendant 34 jours en 2006 lors d’une guerre ouverte qui a vu les forces du Hezbollah largement inexpérimentées parvenir à repousser une invasion terrestre israélienne dans le sud du Liban.

Depuis, le groupe a renforcé son expérience tactique et de combat dans le conflit en Syrie, qui dure depuis six ans, où il a combattu avec des spécialistes russes et s'est étendu depuis sa base libanaise.

Jeudi dernier, l'armée israélienne a conclu son plus grand exercice militaire en près de deux décennies, simulant une offensive du Hezbollah contre la frontière nord d'Israël et déployant des dizaines de milliers de soldats israéliens.

D’après Nicholas Blanford, si le chiffre de 10 000 soldats du Hezbollah sur la frontière israélienne est grandement exagéré, il n’en reste pas moins que le groupe nourrit sans aucun doute l’ambition de s’implanter dans le Golan.

À LIRE : Une nouvelle guerre contre le Hezbollah à l’horizon ?

« C'est un autre point d'intimidation contre Israël pour l'organisation », a-t-il déclaré. « Le Hezbollah a été actif au cours des dernières années dans le sud de la Syrie, comme en témoigne le ciblage de certains de ses membres dans cette zone ».

En janvier 2015, Jihad Mughniyeh, fils d’Imad Mughniyeh, un chef militaire du Hezbollah, a été tué dans la province syrienne de Quneitra, près du plateau du Golan contrôlé par Israël. Quatre autres combattants du Hezbollah ont perdu la vie dans cette frappe.

En décembre 2015, des rapports de Syrie ont indiqué qu’Israël avait également tué le membre du Hezbollah Samir Kuntar lors d'une attaque au missile près de Damas. Il semblerait que le Hezbollah formait des miliciens et des forces gouvernementales syriennes dans la région du Golan, lesquelles devaient plus tard être commandées par Kuntar.

Kassem Kassir, un journaliste basé au Liban qui a des liens étroits avec le Hezbollah, a déclaré à MEE que l’épisode du drone était le dernier incident d'une « bataille régie par la loi du talion » entre le Hezbollah et Israël via la Syrie.

« C'est un message adressé à Israël suite au bombardement d'une base syrienne par la force aérienne israélienne », a-t-il observé, se référant à la destruction d'une installation du gouvernement syrien au nord-ouest du pays plus tôt ce mois-ci. La structure, selon Israël, faisait partie du programme d'armement chimique du régime.

Kassir a lui aussi estimé que le plan de désescalade en Syrie avait fourni la stabilité nécessaire au Hezbollah pour établir une infrastructure militaire dans la zone, bien qu'il ait insisté sur le fait qu’il n’était pas en mesure de confirmer de manière indépendante ce que le Hezbollah avait construit.

« Malgré les conjectures selon lesquelles une autre guerre est imminente, l'équilibre de la terreur entre le Hezbollah et Israël se maintient »

- Nicholas Blanford, Atlantic Council

Il a néanmoins déclaré que pour le moment, le calme pouvait demeurer dans le sud de la Syrie dans la mesure où le Hezbollah était occupé ailleurs dans le pays.

« Le Hezbollah se concentre pour l'instant sur Badia [une région de Syrie] et la lutte contre l'État islamique, non pas sur le sud de la Syrie », a-t-il affirmé.

Nicholas Blanford a partagé cette analyse. « Malgré les conjectures selon lesquelles une autre guerre est imminente, l'équilibre de la terreur entre le Hezbollah et Israël, qui a contribué à maintenir la stabilité pendant onze ans, se maintient. »

La source de MEE au sein du Hezbollah a pour sa part déclaré que si la prochaine guerre avec Israël pouvait commencer en Syrie, « ce qui compte vraiment, c'est où elle finira. Netanya ? Haïfa ? Kiryat Shmona ? ».

Traduit de l’anglais (original).

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