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Iran : le scandale des sans-abri réfugiés dans les tombes suscite des critiques des autorités

Indignation sur les réseaux sociaux après la publication par des médias iraniens de photos de sans-abri vivant dans les cimetières près de Téhéran
Des sans-abri ont trouvé refuge dans des tombes à Shahriar, à 30 kilomètres à l’ouest de Téhéran (Twitter)

Des images obsédantes de personnes vivant dans un cimetière juste à l’ouest de la capitale iranienne, Téhéran, ont choqué le monde et de nombreux Iraniens lambda.

Le journal iranien Shahrvand a publié jeudi des images de junkies vivant dans un cimetière dans la ville de Shahriar, à 30 kilomètres à l’ouest de Téhéran.

Sur les réseaux sociaux, de nombreux Iraniens se sont indignés qu’une telle misère puisse exister en Iran, classé parmi les cinq premiers pays dans le monde les mieux pourvus en réserves de gaz et de pétrole.

Bien que les autorités iraniennes aient impitoyablement étouffé toute forme de contestation dans le passé, et malgré la menace de représailles, les critiques ont été nombreuses sur les réseaux sociaux où le tag « dormeurs des tombes » a circulé, la plupart des commentaires étant formulés par des utilisateurs vivant en exil.

Traduction : « Ils n'ont pas encore mis en prison ceux qui ont fait le reportage sur les dormeurs des tombes ? »

Autre détail important : ces commentaires n’étaient pas juste limités au cas des junkies dans le cimetière mais ont aussi remis en cause les fondements de la République islamique et ses idéaux.

Le président iranien Hassan Rouhani, a déploré cette situation dans un discours, mais le premier geste des autorités a été de rassembler les junkies à Shahriar. Aucune information n’a été communiquée sur l’endroit où ils ont été emmenés ni sur les conséquences pour les sans-abri, a souligné mercredi le journal de tendance réformiste Shahrvand.

Traduction : « Saviez-vous que le comité de secours de l'imam Khomeini comprend une société engagée dans l'industrie minière et de produits miniers ? »

Les autorités iraniennes ont rapidement désigné les sanctions économiques internationales et leurs effets désastreux sur le bien-être économique et la population en général. Ils ont aussi souvent accusé ces sanctions d’être des ruses des ennemis de la nation, menés par les États-Unis, visant à nuire aux Iraniens.

Après l’attaque de l’Iran par l’Irak de Saddam Hussein en 1980, le pays a été entraîné dans une longue guerre de huit ans qui n’a pas réussi à détruire l’infrastructure et l’économie du pays.

Les critiques ont toutefois accusé les décideurs du pays d’avoir concentré les financements sur différents groupes régionaux comme le Hezbollah au Liban, les milices chiites en Irak et ailleurs pour prendre le dessus dans une guerre régionale par procuration avec sa rivale l’Arabie saoudite, au lieu de s’occuper de la pauvreté à l’intérieur du pays. Les Gardiens de la révolution contrôlent aussi plus de la majeure partie de l’économie à travers ses fondations.

L'économie, bloquée et inefficace, a vu le chômage ramper depuis plus des trois dernières décennies : le taux de chômage officiel en 2016 était de presque 12 % et de 26 % chez les jeunes. Les officiels disent que les chiffres sont en réalité bien plus élevés. Des bas salaires et l'inflation galopante ont poussé de nombreuses familles en dessous du seuil de pauvreté.

Les maux sociaux de la République islamique

Les images des junkies vivant dans des tombes dans un pays béni par ses ressources minières naturelles ont peut-être choqué le monde mais les professionnels iraniens – dont des sociologues et des psychologues – n’ont pas cessé de pointer les problèmes de la République islamique liés aux questions de drogue.

Les autorités iraniennes ont largement médiatisé les perquisitions antidrogue, souvent des livraisons d’opium et d’héroïne, destinées aux marchés européens dans le voisinage de l’Afghanistan.

Ceci dit, il est facile de trouver des drogues similaires dans les villes d’Iran, et à un prix souvent moins cher qu’un paquet de cigarettes.

L’Iran a le nombre le plus élevé de junkies dans le monde, et exécute chaque année des centaines de personnes pour des délits liés aux stupéfiants. Sur les quelque 1 000 exécutions en 2015, 65 % concernent des infractions liées aux drogues, selon le rapporteur spécial des Nations unies Ahmed Shaheed.

Selon les sociologues et les psychologies, des restrictions sociales sévères - la consommation de boissons alcooliques et la mixité avec des personnes de l’autre sexe sont notamment prohibés - ont aussi incité les Iraniens à se tourner vers des narcotiques illicites.

« Aujourd’hui, les jeunes s’ennuient avec ce qu’ils ont et veulent avoir ce qu’ils n’ont pas », relève un directeur d’un centre culturel à l’Université de Téhéran. Selon lui, le manque d’infrastructures culturelles pour les étudiants – pas assez de sports, des dortoirs déprimants et surpeuplés –  explique de manière significative la prévalence de l’abus de drogues.

Les sanctions plus sévères infligées à ceux qui se font attraper en train de consommer de l’alcool et la relative facilité avec laquelle il est possible de dissimuler les signes de consommation de narcotiques au premier stade ont aussi contribué à pousser les Iraniens vers les drogues.

Les autorités iraniennes ont reconnu que l'addiction aux drogues était un problème de plus en plus important dans la société il y a quelques années, mais les mesures pour enrayer le problème n'ont pas eu de réel impact.

La diffusion d'images de junkies habitant dans des tombes ont également soulevé des inquiétudes sur le fait que de telles images de misère humaine soient utilisées par les autorités comme argument électoral dans les élections présidentielles prévues pour mai 2017.

Traduit partiellement de l'anglais (original).

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