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Journal d’Alep : notes d’un journaliste en état de siège

Zouhir al-Shimale, contributeur de MEE, envoie des messages audio depuis l’est assiégé d’Alep
Zouhir al-Shimale, contributeur de MEE (MEE)

Pendant plus de 24 heures, Zouhir al-Shimale, un contributeur de MEE, a observé, attendu et tenté de quitter l’est assiégé d’Alep.

Des milliers de réfugiés ont affronté une nouvelle nuit froide alors que l’évacuation prévue des quartiers dévastés de la plus grande ville syrienne a cessé vendredi après une attaque sur un convoi quittant les zones contrôlées par les rebelles.

Reporter pour MEE depuis la ville assiégée, Zouhir a envoyé au correspondant de MEE, Areeb Ullah, des notes vocales via WhatsApp sur l’avancée de son évacuation. Le récit a été édité dans un souci de clarté.

Voici un bref aperçu de la vie de quelqu’un qui a vécu sous le siège et qui, maintenant que les forces gouvernementales l’ont emporté, tente de partir. MEE continuera à transcrire et à mettre à jour le journal de Zouhir lorsqu’il enverra de nouvelles notes vocales.

Traduction : « Dernier message avant de partir, souhaitez-nous bonne chance et une arrivée en sécurité dans la campagne à l’ouest de #Alep. Dernière scène… Dernier mot de l’intérieur ! #Pray4Aleppo » – Zouhir al-Shimale (@ZouhirAlShimale)

Vendredi 16 décembre

Environ 800 personnes ont tenté de partir depuis le point d’évacuation, donc il y avait un observateur du Croissant-Rouge syrien qui les attendait.

Il y avait environ 25 voitures, notamment une ambulance.

Tous étaient des civils et des blessés, surtout des femmes et des enfants… les autobus n’arrivaient pas.

Il y a eu un retard important. L’attente durait depuis le matin pendant 6 à 7 heures. C’était un énorme retard.

Après cela, ils sont arrivés depuis les quartiers du régime et ce fut un chaos total.

Des milices et des militaires les ont encerclés et leur ont demandé de quitter leurs voitures et de s’agenouiller au sol.

Ils l’ont demandé aux hommes, pas aux femmes. Ils les ont mis au sol et les ont frappés très brutalement.

Ils ont tout pris, l’argent et les téléphones portables. Tout ce qu’ils avaient.

Après les avoir salement battus, ils ont tué quatre personnes, une extermination totale.

Après cette attaque, les gens dans la foule, le reste des 800 personnes, sont devenus totalement fous, déboussolés alors qu’on leur ordonnait de partir sans aucune explication.

Leurs biens leur ont été enlevés et on leur a dit de partir.

Les milices ont pris de nombreux otages, nous ne savons pas combien, mais quand elles sont arrivées, elles ont commencé à tirer en l’air vers les gens, vers l’est, et à maltraiter ceux qui étaient proches des coups de feu.

Traduction : « Nous sommes environ 1 000, ils nous ont emmenés après avoir atteint les zones du régime, nous ont menottés, ont tué 4 personnes et nous ont dit que c’était leur vengeance puis nous sommes revenus #Alep » – Zouhir al-Shimale (@ZouhirAlShimale)

Les gens avaient entendu dire que le régime avançait, attaquant l’est, alors ils couraient à toute vitesse pour sauver leur vie.

Imaginez 16 000 personnes dans la rue et peut-être beaucoup plus rassemblées dans une zone restreinte, courir en même temps avec les voitures qui les entourent et, certes, il n’y a pas eu de blessés cette fois-ci, mais le chaos était vraiment incroyable.

Tout le monde, après ce chaos, est rentré chez soi, totalement déboussolé et choqué.

Samedi 17 décembre

C’était aussi un cauchemar aujourd’hui. Nous avons attendu des heures durant ce matin pour évacuer.

Après avoir passé le processus d’évacuation, nous avons attendu des heures et des heures durant et nous avons fini par nous faire tirer dessus et être obligés de partir.

14 heures

Nous voici au deuxième jour d’évacuation, essayant d’atteindre le point d’évacuation où se trouvent beaucoup de familles.

Nous sommes dans le quartier de Sukkari, qui n’est pas aussi bondé qu’il ne l’était hier.

Vous pouvez voir le nombre de personnes dans la rue. Pas vraiment bondée.

La ville n’est toujours pas vide parce que les bus ne sont pas encore là et nous attendons.

Nous attendons et maintenant il est environ deux heures et demie, nous attendons toujours que les bus arrivent.

Peut-être le dernier jour ici dans le quartier de Sukkari.

Les gens attendent.

21 heures

J’attends toujours, mais je vais bien aujourd’hui.

C’était vraiment épuisant, j’ai finalement pu dormir un peu mais il gelait. J’ai pris un repas même s’il était très léger.

Traduction : « On se demande pourquoi les Russes et le régime évacuent les rebelles avec bien moins de heurts que les civils ? Nous sommes humiliés ! #Alep » – Zouhir al-Shimale (@ZouhirAlShimale)

Oui, je peux encore continuer et rester fort pour les dernières heures et peut-être demain. Je pense qu’on nous laissera peut-être partir, inch’Allah.

Continuons à prier pour que ce cauchemar prenne fin. C’est vraiment incroyable à quel point le froid est glacial. Les gens n’ont aucune source de chaleur ni feu pour les garder au chaud.

Je ne m’attendais pas à ce que mes tweets soient aussi massivement partagés, ils sont repris par beaucoup de gens partout dans le monde. S’il vous plaît, continuez à prier pour nous en cette période.

 

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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