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Le Ronaldo de Gaza s’accroche à son rêve de carrière de footballeur international

Mohammed Balah est considéré comme un grand espoir qui pourrait jouer avec l’équipe nationale palestinienne ; pourtant, ce rêve est pris en otage par le siège israélien de Gaza
Mohammed Balah et ses coéquipiers s’entraînent dans un stade du quartier de Netzarim, dans le sud de la ville de Gaza (MEE/Sanaa Kamal)

BANDE DE GAZA – La concentration est le maître-mot de Mohammed Balah. Pas même les supporters enthousiastes qui remplissent le stade d’al-Yarmouk ne parviennent à distraire ce footballeur gazaoui de l’unique son qui l’aide à garder ses yeux perçants fixés sur le ballon tel un oiseau de proie – celui de ses battements de cœur. Le jeune homme de 23 ans originaire du camp de réfugiés gazaoui d’al-Shati poursuit toujours le même objectif : marquer des buts.

Pendant le derby opposant al-Sadakah, le club de Mohammed, à l’équipe de Khadamat al-Shatea, ses coéquipiers et lui ont pris le contrôle du jeu en manoeuvrant habilement aux quatre coins du terrain avant que Mohammed se saisisse du ballon et marque.

Avant de se laisser tomber au sol et de remercier Dieu, il a salué ses supporters en reprenant la célébration du joueur du Real Madrid Cristiano Ronaldo. « Don, Don, tu es notre héros, tu es notre star », l’applaudissaient ses supporters, tandis que ses amis le portaient haut sur leurs épaules.

« Don, Don, tu es notre héros, tu es notre star »

Chant de supporters

D’après la Fédération palestinienne de football (PFA), Mohammed a été sacré meilleur joueur de Gaza au sein de la première division et a également obtenu le titre de champion d’automne à l’issue de la première phase de la saison.

Mohammed Balah à l’entraînement dans un stade du sud de la ville de Gaza (MEE/Sanaa Kamal)

Le club al-Sadakah voit Mohammed comme un élément crucial pour maintenir sa domination face aux 11 équipes contre lesquelles le club sera en lice cette saison. Les performances qu’il a réalisées jusqu’à présent ont permis à son club de rester en tête de la ligue après la victoire contre l’équipe d’al-Ahly.

Le capitaine du club, Emad Hashim, compte sur Mohammed Balah et sur ses coéquipiers pour remporter le championnat de cette année. Selon Hashim, « Balah est le meilleur parce qu’il a un caractère spécial ». Il le considère comme le fer de lance de l’équipe en raison de son jeu de jambes exceptionnel et de sa capacité à marquer des buts rapidement.

« Nous sommes dépendants de Mohammed parce qu’il est capable de prendre la bonne décision au bon moment et parce qu’il dispose des compétences athlétiques appropriées », a affirmé Emad Hashim.

Le don du terrain

Les supporters ont continué de montrer leur joie tandis qu’un garçon battait du tambour un air enthousiaste de musique improvisée, en harmonie avec les applaudissements qui retentissaient. Animé d’un réel esprit sportif, Mohammed Balah n’a pas oublié les supporters rivaux et leur a fait signe en mettant ses mains sur sa tête, comme pour leur dire « Je suis désolé ».

« Personne ne conteste le fait que Balah pourrait mener son équipe au plus haut niveau du sport palestinien »

« Ce geste nous a montré que Balah est poli sur le terrain », a déclaré à MEE Aahed Ferwana, journaliste sportif.

« Personne ne conteste le fait que Balah pourrait mener son équipe au plus haut niveau du sport palestinien, s’il peut continuer de jouer régulièrement et s’il continue de développer ses compétences, comme ses capacités offensives et le contrôle du ballon après l’avoir pris dans les pieds de ses adversaires », a-t-il ajouté.

Il a souligné que les critiques sportifs admiraient Balah parce qu’« il est le seul joueur à pouvoir apporter le football international à Gaza, qui souffre du siège israélien ».

Non seulement son apparence physique est remarquablement semblable à celle de son héros portugais, Cristiano Ronaldo, mais surtout, son style de jeu unique, son corps puissant, sa taille impressionnante et ses capacités démontrables lui permettent de prendre des décisions tactiques dans le feu de l’action.

Le footballeur Mohammed Balah à l’entraînement dans un stade du sud de la ville de Gaza (MEE/Sanaa Kamal)

« C’est vraiment un footballeur spécial ; il apporte beaucoup de qualités qui lui permettent d’être toujours au premier plan », a affirmé Emad Hashim, le capitaine.

Pourtant, le rêve de Mohammed de représenter la Palestine à l’échelle internationale et d’apporter une gloire sportive et une reconnaissance à son peuple est pris en otage au poste-frontière d’Erez.

Les obstacles israéliens

Mohammed fait partie des centaines de milliers de personnes qui essaient de passer le poste-frontière d’Erez et qui n’y sont pas autorisées. Mohammed a expliqué qu’il avait demandé un permis de voyage pour passer sans encombre en Cisjordanie, mais qu’un agent de renseignement israélien lui avait affirmé qu’il représentait une menace pour la sécurité.

« Vous faites l’objet d’un rejet pour des raisons de sécurité », a indiqué l’agent selon Mohammed.

Selon les autorités israéliennes, il s’est vu refuser l’entrée « en raison d’éléments d’information préjudiciables en matière de sécurité et à la lumière de la situation sécuritaire ».

« Ce n’était pas une raison acceptable et ils ne m’ont pas convaincu, a affirmé Mohammed. Les Israéliens savent très bien que je suis juste un joueur [de football] et ils suivent ces procédures pour resserrer le siège contre les habitants de la bande de Gaza. »

« Les Israéliens savent très bien que je suis juste un joueur [de football] »

– Mohammed Balah, footballeur palestinien

À plusieurs reprises, Mohammed, qui travaille depuis son enfance dans le but de jouer au niveau international, a demandé sans succès la permission de traverser le poste-frontière d’Erez. « Je n’ai pas été impliqué dans des activités militaires », a-t-il affirmé.

« Je serais fier d’être associé aux combattants de la résistance, mais je ne le suis vraiment pas. Je suis juste un athlète qui veut réussir dans sa carrière », a-t-il ajouté.

En 2004 et 2005, Balah a été invité à jouer avec l’équipe nationale palestinienne, basée en Cisjordanie, à seulement 60 kilomètres de la bande de Gaza, mais s’est vu refuser la permission de traverser le poste-frontière d’Erez.

La difficulté des procédures pour obtenir un permis délivré par Israël signifie qu’il peut falloir attendre deux à quatre semaines avant que les Israéliens ne donnent simplement une réponse.

Chaque fois que la permission lui est refusée, les choses deviennent plus difficiles et la situation lui pèse, a-t-il confié. « Mon rêve s’envole. Je ne peux pas accepter cette situation et je ferai toujours tout mon possible pour rejoindre l’équipe de Palestine », a soutenu Mohammed.

« Je ne sais pas si je [pourrai quitter Gaza] un jour et poursuivre mon rêve », a-t-il poursuivi.

Les équipes gazaouies dans l’impossibilité de voyager

Depuis 2014 et la guerre contre Gaza, les 12 équipes palestiniennes de la bande de Gaza n’ont pu participer à aucun championnat à l’étranger. Israël les a empêchées de se rendre dans les pays hôtes.

La PFA est engagée dans une lutte acharnée contre son homologue israélienne portant sur la liberté de circulation. Jibril Rajoub, président de la PFA, a dirigé une campagne visant à faire suspendre Israël de la FIFA.

Son plus grand espoir est de finir par rejoindre l’équipe espagnole légendaire du Real Madrid – à l’instar de son idole Cristiano Ronaldo

« Dans le cadre des accords d’Oslo largement ignorés de 1993, la bande de Gaza et la Cisjordanie sont définis comme deux territoires d’une seule et même unité, entre lesquels les Palestiniens devraient pouvoir circuler librement et échanger des marchandises sans restrictions », a déclaré Jibril Rajoub à MEE.

En ce qui concerne le poste-frontière d’Erez, le Centre juridique pour la liberté de circulation (GISHA) basé en Israël rapporte que depuis mars 2006, Israël refuse le passage des habitants de Gaza, excepté pour les cas humanitaires extrêmes.

Israël s’est servi de la « sécurité » comme prétexte pour restreindre la circulation de personnes et de marchandises entre la bande de Gaza et la Cisjordanie bien avant la mise en place du siège actuel, a spécifié GISHA.

Par exemple, depuis 2000, Israël a autorisé occasionnellement les footballeurs à quitter Gaza, mais compte tenu du grand nombre de joueurs palestiniens, Israël a seulement permis à 40 % des athlètes de passer le poste-frontière d’Erez, a indiqué GISHA.

Pour compliquer encore la situation, les autorités égyptiennes ont gardé le poste-frontière de Rafah presque complètement fermé depuis juillet 2013, suite au coup d’État militaire qui a renversé le président Mohamed Morsi, et ne l’ont ouvert qu’à de rares et brefs intervalles pour les cas humanitaires, en raison de la situation sécuritaire tendue dans le Sinaï.

Emad Hashim, le capitaine d’al-Sadakah, impute à l’occupation israélienne les difficultés rencontrées pour traverser le poste-frontière d’Erez. « Israël empêche délibérément la circulation des athlètes parce que la mentalité de l’occupation reconnaît que Gaza pourrait réaliser de nombreux exploits sportifs au niveau international. »

Emad estime que si Mohammed se voit offrir une chance équitable, il recevra une reconnaissance internationale en tant que footballeur de classe mondiale. « Mohammed se distingue de ses camarades, il a une force physique que l’on ne peut surmonter facilement dans les variables du jeu », a-t-il affirmé.

Dans une posture de défi emplie d’espoir, Mohammed se tient prêt à partir et a préparé ses bagages, croyant fermement qu’il finira par obtenir la permission de voyager et de rejoindre l’équipe de Palestine en Cisjordanie, où il pourra devenir professionnel.

Son plus grand espoir est de finir par rejoindre l’équipe espagnole légendaire du Real Madrid – à l’instar de son idole Cristiano Ronaldo.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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