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Les Palestiniens ont vu l’« accord du siècle » de Trump – et ne veulent rien avoir à faire avec lui

Les États-Unis ont fait clairement comprendre que l’approbation des Palestiniens n’était pas indispensable au nouveau projet de paix, dont une copie a été remise à Mahmoud Abbas par des dirigeants saoudiens
Le directeur des renseignements généraux palestiniens en Cisjordanie, Majid Faraj, murmure au président palestinien Mahmoud Abbas (AFP)

JÉRUSALEMMiddle East Eye est en mesure de révéler que des dirigeants saoudiens ont remis une copie de l’« accord du siècle » du président américain Donald Trump au président palestinien Mahmoud Abbas, mais que ce dernier a refusé d’ouvrir le document ou de jouer un quelconque rôle dans ce processus.

Les détails de l’accord de Trump n’ont pas encore été officiellement dévoilés, toutefois, armée du document de 35 pages remis par les Saoudiens, l’Autorité palestinienne connaît déjà chacun des articles du projet proposé et affirme que les Américains « ne trouveront pas un seul Palestinien qui accepterait un tel accord ».

« Ce projet prévoit un État palestinien dont les frontières provisoires comprennent la moitié de la Cisjordanie et la bande de Gaza, sans Jérusalem, et prévoit des solutions humanitaires au problème des réfugiés », a déclaré un responsable palestinien sous couvert d’anonymat. 

« Cet accord prévoit la construction d’une nouvelle Jérusalem à partir des villages et communautés environnants », a-t-il ajouté.  

« Trump et Netanyahou projettent de mettre un terme à la cause palestinienne en retirant Jérusalem de toute solution, en annexant les colonies majeures et en nous trouvant une capitale en périphérie de Jérusalem »

- Saeb Erekat, négociateur en chef palestinien

La sécurité et les frontières palestiniennes resteraient aux mains d’Israël et les colonies et les frontières définitives feraient l’objet de négociations futures.

Le projet indique que les Palestiniens peuvent construire leur propre « Jérusalem » à partir des villages et des quartiers autour de la ville d’origine – qu’Israël et la Palestine veulent comme capitale, ont déclaré des responsables, sous couvert d’anonymat parce qu’ils n’étaient pas autorisés à parler aux médias puisque le projet n’a pas encore été officiellement publié.

Le projet prévoit également une route entre le nouvel État de Palestine et la vieille ville de Jérusalem, où les Palestiniens pourront prier à la mosquée al-Aqsa et à l’église du Saint-Sépulcre.

Le négociateur en chef palestinien Saeb Erekat a déclaré à Middle East Eye qu’il estimait que le projet de Trump reposait sur le confinement et la restriction de l’État palestinien à la bande de Gaza et à certaines parties de la Cisjordanie, sans Jérusalem.

C’est la raison de l’intérêt soudain des Américains pour la bande de Gaza, a-t-il affirmé.

Plus tôt cette semaine, la Maison-Blanche a tenu une réunion sur la situation humanitaire à Gaza, à laquelle dix-neuf pays ont participé – les Palestiniens ont boycotté la conférence.

« Le soudain réveil des Américains concernant Gaza est très suspect », a déclaré Erekat. 

« Trump et Netanyahou projettent de mettre un terme à la cause palestinienne en retirant Jérusalem de toute solution, en annexant les colonies majeures et en nous trouvant une capitale en périphérie de Jérusalem », a déclaré Erekat.

Le roi Salmane a récemment téléphoné au président palestinien pour lui demander d’envoyer son chef des renseignements, Majid Faraj, à Riyad, selon un responsable palestinien.

Faraj a été reçu dans la capitale saoudienne par le chef des renseignements de Riyad, qui lui a remis la proposition américaine.

Des sources ont indiqué que Faraj avait formulé une contre-proposition après avoir consulté Abbas par téléphone. Les Saoudiens l’ont ensuite transmise à l’équipe américaine, qui a refusé d’en discuter et a prévenu que « le projet n’[était] pas négociable, mais à mettre en œuvre ».

À LIRE : Abu Dis, future « capitale » de la Palestine ?

L’Arabie saoudite a augmenté l’aide financière qu’elle accorde à l’Autorité palestinienne au cours des derniers mois, la faisant passer de 7,5 à 20 millions de dollars par mois, ce qui est considéré par certains comme un pot-de-vin visant à faire accepter l’accord.

Mais des responsables affirment qu’Abbas n’acceptera aucun accord qui soit très éloigné de la création d’un État palestinien basé sur les frontières de 1967, comprenant Jérusalem-Est.  

« Nous nous attendons à subir la pression des États-Unis et de certains pays arabes pour que nous nous engagions dans ce processus, mais nous ne le ferons pas, simplement parce que nous savons ce qui se prépare pour nous », a ajouté un responsable.

Avec ou sans l’approbation palestinienne

Lors d’une réunion le mois dernier avec des représentants de l’Union européenne à Jérusalem, l’envoyé américain pour le Moyen-Orient, Jason Greenblatt, a déclaré que le plan de paix américain était conçu au bénéfice de la région et que le consentement des Palestiniens n’était pas indispensable.

« Les Palestiniens ne sont plus la partie décisive. Nous avons un projet pour la région et les Palestiniens peuvent y adhérer s’ils le veulent, mais ils sont également libres de ne pas le faire », aurait-il déclaré lors de la réunion.  

L’envoyé des États-Unis a déclaré que l’« accord du siècle » américain était un plan régional conçu pour mettre fin au conflit israélo-palestinien et créer une coalition israélo-arabe pour contrer les menaces conjointes de l’Iran et du terrorisme.

« Les Américains envisagent un accord de paix régional et il leur est égal que les Palestiniens y adhérent ou pas »

- Ali Jarbawi, professeur de sciences politiques

Abbas est profondément préoccupé par le fait que les principaux pays arabes pourraient signer un accord de paix régional parrainé par les États-Unis, et ce en dépit des objections palestiniennes, ont confié des responsables à MEE.

Un collaborateur d’Abbas a déclaré que le dirigeant palestinien avait fermé la porte aux efforts de paix américains mais qu’il craignait que le gouvernement américain puisse convaincre les autres gouvernements arabes d’accepter « l’accord de paix régional », court-circuitant les Palestiniens.

Ali Jarbawi, professeur de sciences politiques à l’université de Birzeit, en Cisjordanie, a estimé que les inquiétudes palestiniennes étaient légitimes.

« Les Américains envisagent un accord de paix régional et il leur est égal que les Palestiniens y adhérent ou pas », a déclaré Jarbawi.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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