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« Let it shine » : des solutions solaires pour les soins de santé à Gaza

Les panneaux solaires installés sur les hôpitaux et les stéthoscopes imprimés en 3D ne sont que quelques-unes des nouvelles idées apportées au secteur de la santé de Gaza
Un Palestinien se tient à côté de panneaux solaires installés sur le toit de l'hôpital pour enfants de la ville de Gaza, le 24 février 2014

« Une chose qui ne peut jamais être arrachée à un peuple, c’est le soleil. » Voici l'idée qui sous-tend un effort international visant à apporter l'électricité de manière ininterrompue aux hôpitaux de la bande de Gaza à l’aide de panneaux solaires.

Suite à une campagne de collecte de fonds réussie qui s’est conclue en 2015, les organisateurs soutiennent que le premier centre de santé de Gaza – l'hôpital al-Aqsa à Deir al-Balah – devrait fonctionner 24 heures sur 24 avec de l’énergie renouvelable d'ici la fin du mois d’avril.

« C'est un projet d’environnement durable, a déclaré Ben Thomson, un médecin canadien qui a aidé à lancer le projet. « Cette énergie sera toujours là. C'est une source d'énergie durable qui est exploitée de manière à sauver la vie des gens... c'est une victoire pour tout le monde. »

« Une chose qui ne peut jamais être arrachée à un peuple, c’est le soleil »

Au prix de 200 000 dollars par système, des panneaux solaires seront d'abord installés à l'hôpital al-Aqsa, puis à l'hôpital Kamal Adwan de Beit Lahia et à l'hôpital pédiatrique Rantisi de la ville de Gaza. Un système plus vaste sera également mis en place dans l'hôpital européen de Khan Younès.

Une campagne Indiegogo pour financer le projet de ces hôpitaux a recueilli plus de 215 000 dollars de dons de la part de plus de 1 150 mécènes en 2015.

Les organisateurs se sont associés à Islamic Relief Canada et au Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), qui coordonne le transport de l'équipement –panneaux solaires, batteries et alternateurs – à Gaza.

« La question est de savoir si vous soutenez ou non l’idée de sauver des vies d'enfants. Pensez-vous que les gens devraient avoir accès à l'électricité dans leurs hôpitaux ? Je pense que la réponse est tout à fait claire », a déclaré Thomson à Middle East Eye.

Les coupures de courant mettent des vies en danger

Israël et l'Égypte maintiennent un blocus strict sur Gaza, limitant la circulation des personnes et des marchandises à l'intérieur et à l'extérieur de l’enclave côtière, y compris les matériaux de construction et les fournitures médicales.

Un raid aérien israélien sur la centrale électrique de Gaza en juin 2006 a également marqué le début d'une crise ininterrompue de l'électricité.

En juillet 2015, seulement 45 % des besoins en électricité du territoire étaient satisfaits, a estimé le bureau humanitaire de l'ONU (OCHA). Les pannes d'électricité durent jusqu'à seize heures par jour à travers la bande de Gaza, et les zones fortement peuplées sont particulièrement touchées par les coupures.

Les Palestiniens sont par conséquent obligés de dépendre du fuel pour alimenter des générateurs de secours, mais cette source d’électricité s'est également avérée limitée en raison du prix élevé du carburant et d'un approvisionnement aléatoire qui peut être interrompu à tout moment en raison de la situation politique.

Cela a des conséquences négatives sur les services médicaux et l'accès aux soins.

« Les fluctuations constantes de l’approvisionnement en électricité ont entraîné le dysfonctionnement d’équipements médicaux sensibles, y compris des systèmes à ultrasons et à rayons X, des machines de laboratoire, des moniteurs cardiaques, des stérilisateurs et des incubateurs de nourrissons », a constaté OCHA.

« Les enfants les ramassent et ça leur explose dans les mains. Beaucoup d'enfants ont perdu leurs doigts ou leurs mains après la guerre, alors nous voulons les aider »

Les médecins peuvent également avoir à reporter des actes chirurgicaux facultatifs pour donner la priorité aux procédures d'urgence.

« Je ne pense pas qu'il y ait un mot pour expliquer à quel point cela est important », a déclaré Thomson au sujet des panneaux solaires.

« Lorsque vous êtes dans une salle d'urgence et que vous avez la possibilité d'examiner un patient mais que vous ne pouvez pas le faire parce que vous ne le voyez pas, ou que vous devez introduire un tube thoracique mais ne pouvez pas le faire parce que vous n’y voyez rien, c'est une expérience incroyablement frustrante. »

Alors que l'initiative EmpowerGaza vise à alimenter d'abord les unités de soins intensifs, les salles d'urgence et les salles d'opération des hôpitaux, les services non essentiels devraient également connaître une amélioration, d’après Thomson.

« Cela permettra un meilleur fonctionnement de tous les autres services de l'hôpital », a-t-il estimé.

Des innovations bourgeonnantes en matière de soins de santé

Les panneaux solaires ne sont pas la seule façon dont les Gazaouis cherchent à répondre aux besoins locaux en matière de soins de santé.

Mohammed Abu Matar dirige un projet qui utilise des imprimantes 3D pour fabriquer des équipements médicaux, y compris des stéthoscopes et des membres artificiels.

Jusqu'à présent, dix stéthoscopes ont été réalisés à l'aide d'une imprimante 3D et ont été distribués aux médecins gazaouis à titre expérimental (avec l’aimable autorisation de Mohammed Abu Matar)

« Nous vivons sous blocus et importer des instruments médicaux n'est pas toujours facile », a déclaré Abu Matar à Middle East Eye. Ce Palestinien de 29 ans originaire du camp de réfugiés de Jabaliya, dans le nord de Gaza, a expliqué qu'il fallait environ une heure pour fabriquer un stéthoscope à l’aide de l'une des trois imprimantes 3D qu'il a construites pour un coût d'environ 250 à 300 dollars chacune.

Il raconte que l'idée lui est venue en collaboration avec le médecin palestino-canadien Tarek Loubani, un urgentiste qui fait également partie du projet EmpowerGaza.

L'équipe d'Abu Matar a réalisé dix stéthoscopes jusqu'à présent, pour un coût d'environ 5 dollars chacun, une fraction de ce que coûtent les stéthoscopes traditionnels. Le défi aujourd'hui, a-t-il observé, est d’embarquer dans l’aventure les médecins et patients palestiniens.

« Jusqu'à présent, ils ne se sont pas montrés très convaincus par cette idée parce que c'est quelque chose de nouveau et que ce n’est pas la solution traditionnelle », a-t-il dit au sujet des premières réactions des médecins aux stéthoscopes. La réponse des patients aux prothèses a elle aussi été plutôt tiède « parce que c'est quelque chose de nouveau qu'ils ne sont pas habitués à voir, et parce que ça ressemble à une main de robot ».

Selon Abu Matar, les patients de Gaza ne sont pas encore convaincus par les mains prothétiques fabriquées à l’aide d’imprimantes 3D car elles ont l'air trop robotique (avec l’aimable autorisation de Mohammed Abu Matar)

Mais la fabrication rapide et peu onéreuse de prothèses a le potentiel d’aider les nombreux patients de Gaza, en particulier les enfants, qui ont perdu des membres à la suite des guerres précédentes, ou après avoir ramassé les grenades non explosées qui jonchent le sol, a ajouté Abu Matar.

« Les enfants les ramassent et ça leur explose dans les mains. Beaucoup d'enfants ont perdu leurs doigts ou leurs mains après la guerre, alors nous voulons les aider, sans parler de ceux qui ont perdu leurs jambes ou ont d'autres membres endommagés. »

Un investissement nécessaire

Saïd Hassan est gestionnaire de projets à Gaza Sky Geeks, un accélérateur de start-ups basé à Gaza qui a été lancé avec l'aide de l'ONG internationale Mercy Corps.

Des Palestiniens participent à un week-end consacré aux start-ups dans un hôtel de la ville de Gaza en octobre 2015 (avec l’aimable autorisation de Mercy Corps)

« Nous voulons exposer les Palestiniens à l'expertise et aux connaissances internationales et nous essayons de construire un système qui aide les start-ups de Gaza », a déclaré Hassan à Middle East Eye.

Il a ajouté que si Gaza est le foyer d'une population hautement qualifiée et dotée de solides compétences techniques, le principal défi a été d’assurer le financement nécessaire pour soutenir les projets innovateurs. 

« La communauté est accueillante vis-à-vis des start-ups, mais en ce qui concerne le système lui-même, nous n'avons pas d'investisseurs locaux capables d’investir dans des start-ups », a-t-il déploré, ajoutant que les ONG et les gouvernements étrangers devraient soutenir davantage les projets développés à Gaza.

« Les jeunes de Gaza sont désireux de faire leurs preuves, de créer quelque chose de nouveau, de changer la réalité dans laquelle ils vivent », a-t-il déclaré. « La première chose est le désir de changer. »

Traduit de l’anglais (original paru le 23 mars 2016).

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