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Pour ses opposants, Assad doit céder le pouvoir après une transition de six mois

Les représentants de l’opposition syrienne annoncent qu’ils refuseront tout plan des Russes ou des Américains qui présenterait des différences significatives avec le leur
Les forces loyales à Bachar al-Assad ont relancé le siège d’Alep la semaine dernière (AFP)

Par MEE

Le principal bloc de l’opposition syrienne a réitéré son appel à la destitution de Bachar al-Assad et à des élections libres dans une « vision » pour l’avenir de la Syrie présentée suite à une rencontre au sommet organisée à Londres avec les chefs de la diplomatie de plusieurs pays.

Le Haut comité des négociations (HCN) a lancé ce mercredi un « cadre exécutif global » pour une transition politique en Syrie, après la tenue d’une conférence à Londres en présence du secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères, Boris Johnson, et de ses homologues des « Amis de la Syrie », un groupe de pays opposés au maintien au pouvoir du président syrien.

Toutefois, lors d’une allocution prononcée à la suite de cette conférence, le président du HCN, Riyad Hijaba averti que son groupe refuserait tout plan de paix en provenance des États-Unis et de la Russie qui présenterait des différences significatives avec le sien.

Riyad Hijab a expliqué que la « vision » du HCN consistait en une transition en trois étapes. La première comprendrait le retour de millions de réfugiés et de déplacés internes ainsi que la libération de prisonniers actuellement détenus par le gouvernement.

La seconde phase serait celle d’un cessez-le-feu de dix-huit mois sous l’autorité d’un gouvernement de transition doté des pouvoirs exécutifs, et non sous la direction de Bachar al-Assad.

La troisième étape verrait se dérouler des élections nationales sous la supervision des Nations unies, puis les pouvoirs « civils et militaires » seraient finalement transmis au gouvernement élu.

Ce projet insiste égalemement sur le maintien des structures administratives en place lors de la période de transition, et la mise en place d’un futur conseil militaire « composé à parts égales de membres de l’opposition et du régime ».

« Selon notre vision, cette phase transitoire vise à préserver la souveraineté et l’indépendance de l’État – le point de départ étant de se débarrasser de Bachar al-Assad et de ses hommes », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à Londres.

« Toutes les composantes de la population syrienne doivent participer à la construction de l’avenir de la Syrie », a-t-il poursuivi en mettant l’accent sur le fait que la vision d’avenir de l’opposition « protégeait les droits des Kurdes ».

Le HCN avait affirmé mardi soir que sa vision « se basait sur le communiqué de Genève (2012) et sur des résolutions pertinentes de l’ONU qui soulignent l’importance du départ de Bachar al-Assad et de sa clique », a officiellement déclaré le HCN ce mardi.

« Elle appelle à la mise en place d’un organe de gouvernance transitoire afin de protéger l’unité du pays, de préserver l’État et ses institutions, et de promouvoir les principes de démocratie, de liberté, d’égalité et de citoyenneté. »

Le HCN est une organisation fédératrice fondée fin 2015 afin de représenter les groupes politiques et militaires modérés qui s’opposent au gouvernement du président syrien Bachar al-Assad.

Parmi ses membres, on compte des groupes syriens d’opposants basés à Damas jusqu'aux groupes armés modérés. Ces membres, affirme le HCN, reflètent la diversité de la société syrienne et les opinions qui y sont représentées.

Cette conférence intervient alors que les combats en Syrie continuent sans relâche, que la Turquie entre dans le pays par le nord et que les forces loyales au président Assad ont repris le siège d’Alep.

Capture d’écran montrant une enfant touchée par l’attaque de gaz soupçonné d'être du chlore, menée mardi

Mardi, des habitants de la partie d’Alep contrôlée par les rebelles ont fait état d’une attaque au gaz soupçonné d’être du chlore, perpétrée par les forces de Bachar al-Assad, qui aurait rendu malades jusqu’à 100 personnes.

La Russie, l’un des principaux alliés de Bachar al-Assad, a refusé tout appel à la destitution du président syrien, avançant que sa chute serait source d’encore plus de chaos dans le pays et qu’elle provoquerait l’ascension de groupes « terroristes ».

Éviter les erreurs du retrait de Saddam

Boris Johnson, le ministre britannique des Affaires étrangères, a soutenu ce mardi qu’il serait possible d’éloigner Bachar al-Assad du pouvoir tout en évitant les troubles qui avaient suivi la chute de Saddam Hussein en Irak en 2003.

« Pourquoi l’histoire ne pourrait-elle pas se répéter ? […] Bachar al-Assad n’est pas un homme puissant mais un dirigeant d’une faiblesse affolante, qui ne pourra jamais plus garantir la cohésion de son pays, pas après le massacre dans lequel il s’est lancé », a-t-il écrit dans le quotidien The Times.

Boris Johnson a écrit que les propositions n’avaient pas pour objectif de faire table rase des structures étatiques, affirmant qu’il s’agissait là d’une erreur commise après l’invasion menée par les États-Unis en Irak, et qu'elle ne serait pas répétée.

« L’ensemble de la communauté internationale s’est engagée, du moins en principe, à se débarrasser du dictateur syrien. Même les Russes ont admis la nécessité d’une transition politique », a-t-il poursuivi.

« Mais les Russes font aussi usage de leur force militaire pour l’empêcher de perdre et le maintenir au pouvoir. »

Boris Johnson a accusé Bachar al-Assad d’avoir recours à des « tactiques militaires barbares » dans le conflit en cours, et a critiqué « le comportement visiblement indéfendable » de la Russie dans le soutien qu’elle apporte au dirigeant syrien.

En faisant part de ses commentaires à la BBC, le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Joubeir a réitéré l’appel à au retrait de « ce forcené » de Bachar al-Assad, affirmant qu’il y aurait un « plan B » avec « une activité militaire accrue » s’il persévérait dans sa position.

« Nous n’adhérons pas à la théorie selon laquelle Bachar al-Assad est en progression [dans cette guerre] », a-t-il affirmé.

« Il a essuyé des revers […]. Je ne vois pas comment Bachar al-Assad, qui contrôle une si petite portion de son pays, pourrait être en passe de gagner. »

Adel al-Joubeir a également déclaré que l’opposition allait plus loin qu’avant en exposant sa vision pour une Syrie post-Bachar al-Assad.

« Elle devrait inclure tout le monde, il faudrait que ce soit une démocratie. C’est ce type de système que l’opposition syrienne proposera.

« Il n’y a aucune raison, aucune excuse pour quiconque d'affirmer qu’ils n’ont pas de plan, ou que leur plan n’est pas rationnel », a-t-il ajouté.

Traduction : « Ce matin, l’Institut international des études stratégiques (IISS) accueille l’opposition syrienne qui s’apprête à dévoiler son projet de transition. Le HNC à l’épreuve »

Les pourparlers États-Unis/Russie paralysés

La conférence de Londres intervient juste après une déclaration des États-Unis faisant état « d’avancées » avec la Russie dans la manière de parvenir à une cessation des hostilités en Syrie.

L’agence de presse Reuters a rapporté ce mardi que les États-Unis avaient eu l’espoir de pouvoir annoncer en fin de semaine dernière la conclusion d’un accord pour la fin des combats d'une guerre civile qui dure depuis cinq ans et demi, mais Washington n’est pas parvenu à s’entendre avec la Russie.

Les deux puissances soutiennent des camps opposés : Moscou se servant de son armée pour aider Bachar al-Assad pendant que Washington prend position pour le départ du président syrien et soutient certains groupes d’opposition qui cherchent à le faire tomber.

« Nous avons l’impression de faire des progrès, et nous pensons que nous en faisons, du moins sur certains des points restants, mais nous ne sommes pas encore prêts à nous entendre », a déclaré Mark Toner, porte-parole du département d’État américain.

Il a affirmé que le secrétaire d’État américain John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov devaient se rencontrer « très bientôt », sans pouvoir encore annoncer de lieu ou de date.

La conférence réunira la France, les États-Unis, l’Arabie saoudite, le Qatar, les Émirats arabes unis, l’Allemagne, la Jordanie, l’Italie et l’Union européenne, ainsi que la Turquie et le pays d’accueil, le Royaume-Uni.

Traduit de l’anglais (original) par Mathieu Vigouroux.

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