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« Une cible géante » : les morts se comptent par centaines alors que l’armée prend d’assaut Alep

L’armée syrienne crie victoire dans le nord de la ville, tandis qu’on signale l’envoi de renforts par la Russie ainsi que de nouvelles attaques sur les services d’approvisionnement en eau
Selon l’OMS, 338 personnes ont été tuées et plus de 800 blessées (AFP)

Les forces gouvernementales syriennes ont intensifié leur assaut sur l’est d’Alep, vendredi, tandis qu’on signale plus de 300 personnes tuées dans la ville assiégée, ainsi que des attaques contre les services vitaux et la possibilité que la Russie renforce ses forces armées basées en Syrie.

La télévision du Hezbollah Al-Manar a déclaré que ses forces et les alliés du gouvernement ont pris le contrôle du camp de Handarat et de la zone de l’hôpital al-Kindi située à proximité, dans le nord d’Alep, ouvrant la route vers les quartiers Heluk et Haydariyeh contrôlés par l’opposition dans le nord-est de la ville.

Les combats sont intervenus alors que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a annoncé que 338 civils, dont 106 enfants, avaient été tués et 846 blessés au cours des dernières semaines dans la ville, qui a subi un bombardement intense des forces aériennes syriennes et russes depuis l’effondrement d’un cessez-le-feu.

L’ONG Médecins Sans Frontières a qualifié la ville de « cible géante » et a accusé l’allié du gouvernement russe d’avoir orchestré un « bain de sang ».

Ce vendredi, les rapports de l’intérieur d’Alep ont également indiqué que l’artillerie avait pris pour cible la station de pompage Suliman Alhlabi aux premières heures ce matin, coupant l’approvisionnement en eau de centaines de milliers de personnes prises au piège dans la ville.

Le directeur humanitaire de l’OMS Rick Brennan a dit : « Nous demandons quatre choses : la fin du massacre, la fin des attaques contre les services de santé, l’évacuation des malades et blessés et l’acheminement de l’aide. »

Pendant ce temps, on a signalé l’envoi d’avions de combat supplémentaires en Syrie par la Russie, notamment des chasseurs bombardiers – un jour après que les États-Unis ont annoncé qu’ils envisageaient l’arrêt de toute coordination avec Moscou dans cette guerre.

Vendredi, Médecins Sans Frontières (MSF) a également demandé au gouvernement syrien et à son allié russe de cesser de bombarder les quartiers est rebelles d’Alep, avertissant qu’ils causaient un « bain de sang » parmi les civils dans la ville.

« Les bombes pleuvent des avions de la coalition dirigée par la Syrie et l’ensemble de l’est d’Alep est devenu une cible géante », a déclaré Xisco Villalonga, directeur des opérations de MSF, dans un communiqué.

« Le gouvernement syrien doit cesser les bombardements aveugles et la Russie, en tant qu’allié politique et militaire indispensable de la Syrie, a la responsabilité de faire pression pour y mettre fin », a-t-il affirmé.

Les Nations unies ont averti qu’une catastrophe humanitaire se déroule à Alep, différente de toutes celles connues au cours de ces cinq années de guerre brutale en Syrie, laquelle a fait plus de 300 000 morts.

Selon l’ONU, il ne reste qu’environ 35 médecins dans l’est d’Alep, où quelque 250 000 personnes ont été en état de siège par les forces gouvernementales depuis le début du mois de septembre.

Les organisations humanitaires opérant à Alep ont cependant indiqué plus tôt cette semaine à Middle East Eye qu’il ne restait que 23 médecins dans l’est d’Alep.

Le communiqué de MSF a repris les chiffres de la Direction de la santé dans l’est d’Alep, selon lesquels entre le 21 et le 26 septembre, les quelques hôpitaux encore en état de fonctionnement dans la partie de la ville contrôlée par les rebelles ont reçu environ 278 corps, dont ceux d’au moins 96 enfants.

Plus de 822 blessés ont également été admis, dont au moins 221 enfants, a-t-il été précisé.

« Tous les services de soins intensifs sont pleins. Les patients doivent attendre que d’autres meurent pour espérer y obtenir un lit », a déploré dans le communiqué le Dr Abu Waseem, qui dirige l’hôpital de prise en charge des traumatismes de l’est d’Alep, une structure soutenue par MSF.

« Nous ne disposons que de trois salles d’opération alors qu’hier, en seulement une journée, nous avons mené plus de vingt chirurgies abdominales majeures », a-t-il affirmé, soulignant que « le personnel de l’hôpital travaille jusqu’à vingt heures par jour. Ils ne peuvent tout simplement pas rentrer chez eux et laisser ces gens mourir. »

MSF a précisé que les dernières fournitures médicales que l’organisation a pu acheminer dans l’est d’Alep ont été livrées en août et a averti que le grand nombre de blessés épuisait rapidement les stocks dans les hôpitaux restants.

« Maintenant, la ville est en état de siège total, les convois humanitaires sont la cible d’attaques et les bombardements sont intensifs. Nous sommes impuissants », a affirmé Xisco Villalonga, qui a prévenu que « si les bombardements intensifs se poursuivaient, il pourrait ne plus y avoir d’hôpital encore debout dans la ville dans quelques jours ».

Il a exigé l’arrêt des bombardements et l’évacuation des malades et des blessés de la ville.

« Si rien n’est fait, nous aurons la confirmation que nos craintes étaient fondées : le monde aurait abandonné les populations d’Alep à une mort lente et violente », a-t-il ajouté.

Des habitants d’Alep ont également indiqué à MEE plus tôt cette semaine que le siège imposé par le gouvernement avait contribué à alimenter des pénuries et des hausses de prix dans la partie de la ville contrôlée par les rebelles.

Les combats devraient également s’intensifier au cours des prochaines semaines, alors que les milices soutenues par le gouvernement s’amassent autour de l’est d’Alep en vue d’une offensive terrestre destinée à prendre le contrôle de cette zone contrôlée par les rebelles.

Les combattants étrangers devraient jouer un rôle décisif dans la bataille pour Alep, dans la mesure où The Guardian a rapporté ce jeudi que 6 000 combattants pro-gouvernementaux étrangers en provenance d’Irak, d’Iran, du Liban et d’Afghanistan s’étaient amassés aux abords de la ville assiégée pour ce qui sera, selon leurs prévisions, une avancée imminente et décisive.

Une source rebelle de premier plan s’exprimant pour Reuters a démenti les informations selon lesquelles le gouvernement avait pris le secteur de l’hôpital al-Kindi, ajoutant que les combats se poursuivaient.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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