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Fusillade au Texas : rompre le cercle de haine extrême droite – Daech

L’attaque de Garland a donné à l’organisatrice de l’événement, Pam Geller, exactement ce qu’elle voulait – mais les musulmans du Texas nous montrent comment réagir

Dimanche soir, deux hommes armés et sympathisants du Daech ont voulu tuer les participants à un événement antimusulman organisé par l’Initiative de défense de la liberté, de Pamela Geller. Les deux forcenés, qui rejettent la liberté d’expression, ont été abattus par les forces de l’ordre.

Heureusement, les autres forcenés qui participaient à l’événement, ceux qui se montrent en faveur des discours haineux, en sont sortis indemnes.

Alors que nous analysons à l’excès les raisons ayant inspiré ces énergumènes et apprentis meurtriers, il ne faut pas négliger le fait que Pamela Geller soit une personne abjecte et raciste, généreusement financée par des milliardaires sionistes et des fanatiques antimusulmans afin de propager la haine et la méfiance envers les musulmans, sous une façade de défense de la « liberté d’expression ».  

N’oublions pas que Geller a obtenu exactement ce qu’elle voulait : une attaque sans victimes portée par deux personnes dérangées qui se disent musulmanes. Elle peut désormais dire à ses disciples, réactionnaires issus du 11 septembre 2001 et autres islamophobes acquis à sa cause : « Vous voyez, je vous l’avais dit ». De nouvelles rentrées d’argent sont à prévoir pour Geller.

Cette relation symbiotique – qui postule l’existence d’une guerre entre l’Occident et l’islam et vice-versa – entre sionistes, néo-athées et fanatiques de la droite chrétienne d’une part, et groupes comme Daech et al-Qaïda d’autre part, est toujours bien vivante.

« Lorsque les nouvelles concernant la fusillade sont parvenues aux participants à l’événement, ils ont lancé une salve d’applaudissements et ont entonné des chansons patriotiques en sortant du bâtiment », a souligné Omar Suleiman, fondateur du centre islamique de Valley Ranch, au Texas.

Pamela Geller obtient ce qu’elle veut

Geller n’a pas perdu de temps avant d’utiliser les deux tireurs décédés comme pions dans son jeu de « guerre des civilisations ». « Cet incident montre à quel point l’événement organisé était nécessaire. La liberté d’expression fait l’objet de violentes attaques, ici dans notre nation. La question maintenant est : allons-nous résister et la défendre, ou céder à la violence, la brutalité et la sauvagerie ? », écrit Pamela Gellar.

Preuve d’une certaine symbiose, Daech s’est également montré satisfait. ABC News a souligné que les sympathisants de Daech ont fêté l’attaque sur de nombreuses plateformes sociales, poussant leurs « frères » des Etats-Unis à faire leurs devoirs contre ceux qui insultent le prophète Mohammed.

Lors de ces événements, vous avez raté les réactions en boucle « positives » qui se produisent et qui sont les suivantes :

Pamela Geller : l’Occident est en guerre avec l’islam.

Daech : Vous voyez, l’Occident est en guerre avec l’islam.

L’absurde simplicité de la propagande de chaque partie mobilise recrues et fonds pour chacun des deux camps, dans cet erroné « conflit des civilisations ». Le mouvement anti-islam, mené par les sionistes, néo-conservateurs, néo-athées et la droite chrétienne ; et les violents mouvements islamistes, menés par Daech et al-Qaïda, sont deux côtés d’une même monnaie.

Ces extrémistes veulent que vous rejoigniez leur guerre. Comme les nazis, les soviétiques, et les communistes Mao de jadis, ces extrémistes vous incitent à vous joindre à leur marche, vers des versions concurrentes d’une utopie irréalisable. Pour les fanatiques antimusulmans, il s’agit d’un monde sans musulmans. Pour Daech, il s’agit d’un monde sans ceux qui ne pratiquent pas leur interprétation démente de l’islam. Ces extrémistes utopiques portent des noms : Abou Bakr al-Baghdadi, Ayman al-Zaouahiri, Pamela Geller, David Horowitz, Bill Maher, Richard Dawkins, Ayaan Hirsi Ali, Sam Harris et Benyamin Netanyahou.

Résistance contre l’appel à l’apocalypse

Les civils pacifiques et pluralistes de partout doivent résister à leur appel ; autrement, nous deviendrons également des pions dans leur fin de partie apocalyptique.

Les groupes musulmans au Texas ont tracé un chemin à suivre, pour nous les tolérants. « Les mosquées ainsi que les dizaines de milliers de musulmans de Dallas n’ont pas même pris la peine de protester contre ce festival de la haine impulsé par Paméla Geller et Geert Wilder », fait observer Suleiman. « Les groupes haineux incitent leurs membres et les autres et ils s’alimentent de cela… Geller n’a pas perdu de temps pour proclamer sur son blog ’’c’est une guerre’’. C’est ce que les extrémistes de tous bords veulent. Vous, les personnes pacifiques et porteuses d’amour : ne le leur donner pas. »

Alors que les groupes et dirigeants musulmans du monde entier travaillent sans relâche pour rappeler à l’Occident que les groupes comme Daech ne sont pas représentatifs de l’islam, il revient désormais aux dirigeants occidentaux pluralistes et laïques de rappeler au monde musulman que les extrémistes sectaires comme Geller et compagnie ne sont pas représentatifs des valeurs démocratiques occidentales, et ne sont rien d’autre qu’un groupe marginal de détraqués. 

La liberté d’expression est l’élément vital d’une démocratie florissante. Les discours de haine sont le symptôme d’une société déstructurée. Pendant trop longtemps, tout du moins depuis les événements du 11 septembre 2001, nous avons permis aux extrémistes tels que Geller et les autres ci-avant mentionnés d’avoir une place sur les médias grand public. Lorsque j’ai interviewé Max Blumenthal, un journaliste judéo-américain fort connu, il m’a dit que les personnes comme Pamela Geller sont dangereuses car elles ont « gagné des adeptes en dehors des viviers de l’extrême-droite » et qu’elles sont « soutenues par des institutions traditionnelles ici aux Etats-Unis ».

Rula Jebreal, une journaliste palestino-américaine m’a dit que ces groupes – les néo-athées notamment – ne comprennent pas que ce qu’ils font est « téméraire et dangereux » et qu’en « polarisant différents segments de notre société, ils font le jeu de Daech ».

Marginalisons « nos » extrémistes

Nous ne pourrons pas mettre un terme à la guerre contre la terreur et nous ne pourrons pas aider cette majorité écrasante de musulmans, pacifique à 99 %, à isoler et marginaliser leur minorité radicale si nous-mêmes ne sommes pas capables de marginaliser nos quelques radicaux - à savoir, nos extrémistes pro-civilisation occidentale.

« Les gens comme Pam Geller mettent en péril le soutien fourni par la communauté musulmane américaine, qui a longtemps été l’un de nos meilleurs atouts contre le terrorisme », a tweeté le Dr. Max Abrahms, théoricien spécialisé en terrorisme, de l’université Northeastern.

Nous devons faire bien plus afin de garantir aux communautés musulmanes que ces fanatiques antimusulmans ne représentent pas la société et culture américaine dans son ensemble. Nous pouvons le faire en cherchant de manière proactive à écarter ces fanatiques du grand public et les laisser dans leurs réduits d’extrême-droite. Nous pouvons le faire en tâchant de sortir au grand jour leurs côtés sombres, c’est-à-dire en révélant quelle est la source de leurs revenus et de leur méthodologie.

Selon le Conseil des relations américano-islamiques (CAIR), trente-sept groupes anti-islam basés aux Etats-Unis auraient conjointement recueilli 119 millions de dollars entre 1998 et 2011. L’une des découvertes du CAIR est que ces groupes sont « souvent étroitement liés » et que les « acteurs clés du réseau obtenaient des rémunérations conséquentes tandis qu’ils poussaient le public américain à avoir peur de l’islam ».

Ces groupes si bien organisés et financés, comme l’Initiative de défense de la liberté fondée par Pamela Geller, lancent des propos erronés et malveillants. Ils répandent la peur à l’égard des musulmans en mettant en avant de fausses conspirations. En Europe, c’est la conspiration eurabienne – qui postule l’existence d’un complot secret entre dirigeants européens et arabes visant à faciliter une immigration massive de musulmans, pour « asservir l’Europe, et transformer le continent en colonie arabe, Eurabia ». Comme pour les théories sur la conspiration juive dans l’Allemagne des années 30, aucune preuve n’est apportée pour étayer la théorie du complot ou la probabilité réelle de voir les musulmans envahir et dominer l’Europe d’un point de vue démographique. C’est une conspiration qui a été défendue par tout le monde, de la Ligue de défense anglaise à Pamela Geller, et qui est expliquée dans les moindres détails dans le livre de Bat Ye’or, Eurabia : l’axe euro-arabe.

En Amérique du Nord, c’est la théorie de la conspiration de la loi de la charia, qui considère que « outre le recours à la violence, il y a la stratégie du jihad furtif, qui cherche à s’infiltrer dans les institutions nationales, ainsi que les revendications des musulmans, à travers le système judiciaire ». C’est une conspiration énoncée par tout le monde, des éléments radicaux du Parti républicain à Fox News, et qui se trouve décrite en profondeur dans le livre de Mark Stein, America Alone : La fin du monde tel que nous le connaissons.

La perspective d’Israël

En 2010, Geller se trouvait derrière la conspiration de la « mosquée de Ground Zero » qui a été récupérée par Fox News, quelques néo-athées célèbres, et la droite chrétienne. « Vous ne pouvez pas ignorer ou passer outre le fait qu’il y a une constante chez les musulmans à vouloir construire des mosquées triomphales sur les sites qui ont une valeur sentimentale dans les lieux conquis », a affirmé Pamela Geller dans une interview de 2010, accordée au New York Times. « Cela sera iconique pour la djihad. Ce sera une icône, ce sera une icône. Vous savez, ils trouvent sur les vestes de ces types qui passent nos frontières, ces djihadistes ; sur leurs vestes ils portent des badges avec des tours. Ça sera cela. La Mecque sur la rivière Hudson. »

Dans cette même interview, Pamela Geller déclarait que « voir le monde sous une perspective israélienne est un très bon guide » car « dans une guerre entre l’homme civilisé et les sauvages, on se range du côté de l’homme civilisé ».

Les données fiscales de l’année 2010 révèlent que certains membres du Israeli Project ont financé Pamela Geller. « Les objectifs du Israeli Project et ceux de Geller convergent lorsqu’il s’agit d’Israël. Les deux soutiennent les gouvernements israéliens bellicistes de droite, déterminés à coloniser la Cisjordanie. Tous deux souhaitent que des actions agressives soient adoptées de la part des Etats-Unis ou d’Israël à l’égard de l’Iran. L’astuce de Geller c’est de placer Israël comme avant-poste occidental dans une mer de barbarie arabe et musulmane », écrit Alex Kane, un journaliste de Mondoweiss.

Lorsqu’on identifie ceux qui financent ces extrémistes pro-occidentaux, on parvient à exposer leurs motifs, et par conséquent à exposer leur discours comme n’étant rien de plus qu’une simple propagande visant à servir leurs propres intérêts.

« Après une attaque comme celle de Garland, ceux d’entre nous qui nous efforçons à créer une société pluraliste où la liberté d’expression et le respect des autres vont de pair devons nous réaffirmer dans nos convictions, afin de créer une union plus forte », affirme Paul Brandeis, chroniqueur pour le Huffington Post.

Je le dirai à nouveau : une « union plus forte » ne peut avoir lieu que si le monde occidental et le monde musulman parviennent à mettre leurs extrémistes à l’écart. Les sources de haine doivent être identifiées et isolées. C’est à notre tour d’agir, nous la majorité tolérante et pluraliste.

Nous ne pouvons pas priver Geller et compagnie du droit de s’exprimer librement, mais nous pouvons décider d’isoler et de marginaliser ceux qui sèment la peur et la haine. Au bout du compte, si les groupes musulmans du Texas sont prêts à ignorer la folie haineuse de Geller et des autres, nous pouvons aussi le faire.

CJ Werleman est l’auteur de Crucifying America, God Hates You. Hate Him Back, de Koran Curious, et l’animateur de Foreign Object. Vous pouvez le suivre sur twitter: @cjwerleman

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : des agents du FBI travaillent sur la scène du crime au centre Curtis Culwell, après une fusillade qui s’est produite le jour précédent, le 3 mai 2015, à Garland, Texas, pendant l’événement anti-islam « Exposition artistique et compétition de caricatures sur le prophète Mohammed ». (AFP)

Traduction de l’anglais (original) par José Manuel Sandin.

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