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Rencontre avec le nouveau tsar de Trump de la lutte contre le terrorisme, un extrémiste antimusulman

Le cabinet de Trump serait drôle si les conséquences n’étaient pas si troublantes. Son nouvel assistant adjoint en est un parfait exemple

Donald Trump a monté le cabinet et le cercle restreint les plus grotesques de l’histoire présidentielle américaine. Ce serait drôle si les conséquences de méfaits aussi extraordinaires n’étaient pas aussi mortelles et ne menaçaient pas l’existence même de l’univers tout entier tel que nous le connaissons.

« Ce genre d’écrivain est généralement relégué aux marges des milieux académiques. Malheureusement, ce type est à la Maison Blanche »

– Amarnath Amarasingam, chercheur principal à l’Institute for Strategic Dialogue

Le choix de Trump à la tête de l’Agence américaine de protection de l’environnement est un grand détracteur du changement climatique financé par le pétrole. Sa secrétaire à l’Éducation pense que les enseignants ont besoin d’armes à feu pour repousser les attaques d’ours. Oui, d’ours. Son secrétaire au logement est un célèbre chirurgien du cerveau qui n’a jamais occupé de poste dans une organisation bureaucratique et qui en a encore moins été à la tête. Le secrétaire d’État de Trump n’a aucune expérience en diplomatie internationale, et la liste est longue.

La seule façon de faire de la Maison Blanche du 45e président des États-Unis une plus vaste plaisanterie serait que Chris Christie, un gouverneur américain connu pour son surpoids, soit nommé secrétaire à la Santé et à la Forme physique, comme l’a ironiquement observé un humoriste.

Malheureusement, la plaisanterie ne s’arrête pas là. Faites entrer le clown.

Sebastian Gorka a été nommé assistant adjoint du président Trump et rend des comptes à Stephen Bannon, stratège en chef de la Maison Blanche et propriétaire du magazine en ligne islamophobe, antisémite et xénophobe Breitbart News.

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Une meilleure façon de définir les contours de Gorka serait cependant de décrire l’expatrié britannique en fin de quarantaine comme le tsar de Trump de la lutte contre le terrorisme, qui devient à son tour la chute de cette comédie vraiment pas drôle.

Une plaisanterie récurrente

Gorka est une plaisanterie récurrente auprès des universitaires spécialistes du terrorisme et des responsables de la lutte contre le terrorisme. Il s’est moqué de contribuer à des recherches à comité de lecture sur ce domaine et semble refuser d’accepter les conclusions empiriques des centaines de chercheurs et de professionnels de la lutte contre le terrorisme qui ont contribué à ce qui est devenu un vaste corpus de documents universitaires sur le terrorisme et l’extrémisme violent.

Photo de profil de Gorka sur Twitter (@sebgorka)

Pourquoi ce déni ? Gorka est un extrémiste antimusulman. Pour Gorka, comme pour d’innombrables islamophobes opportunistes venant de partout, les attentats du 11 septembre sont devenus la ruse idéale pour mener une guerre contre l’islam. La guerre contre le terrorisme a offert à Gorka l’occasion d’exprimer librement sa bizarrerie – et par bizarrerie, je veux dire islamophobie.

Gorka croit que le terrorisme est enraciné dans l’islam et stipule que le Coran, le livre sacré de l’islam, est la source de la radicalisation violente. Soyons clairs désormais : aucun chercheur accrédité en terrorisme ni aucun professionnel de la lutte contre le terrorisme ne mise sur cette vision démente. Littéralement, des centaines d’analyses quantitatives et qualitatives de la radicalisation violente – auxquelles s’ajoutent une foule d’études commandées par des organismes chargés de l’application de la loi, des académies militaires, des universités et ainsi de suite – ont rejeté en bloc l’idée selon laquelle l’Écriture islamique serait un moteur dominant de la radicalisation.

« Bien que cela puisse en surprendre certains, il existe des preuves solides selon lesquelles la religion n’est pas la principale motivation pour rejoindre les extrémistes violents tels que l’État islamique. En réalité, les recherches sur les caractéristiques des extrémistes violents tendent à indiquer que beaucoup sont des novices religieux ou des convertis », note une étude de 2015 dans la revue  Behavioral Science & Policy.

Il n’existe pas de voie unique pour la radicalisation violente, ni de gène terroriste ; des études montrent qu’un éventail de facteurs d’attraction et de répulsion socio-psychologiques convergent souvent pour rendre la propagande attrayante auprès des communautés socio-économiques vulnérables. Dans tous les cas, ce sont ce que montrent les recherches – des recherches qui ont été continuelles et exhaustives depuis le 11 septembre.

Trump et Bannon à la Maison Blanche (AFP)

Le type que Trump écoute pour la politique de lutte contre le terrorisme esquive les preuves irréfutables en faveur d’une version dérangée de l’islam, ce qui représente un danger. Sans oublier également le fait que le patron de Gorka, Bannon, prône officiellement une guerre civilisationnelle contre l’islam. Voilà donc.

« Gorka est un apologiste flagorneur, anti-intellectuel qui crache des clichés et dont l’"expertise" en terrorisme est une islamophobie à peine voilée », a tweeté le docteur John Horgan, professeur à l’université d’État de Géorgie et psychologue de formation, qui a publié des dizaines de livres et de revues à comité de lecture au sujet du comportement terroriste.

Une grande partie de la réputation académique d’un chercheur au sein du domaine de son choix est le nombre de fois que ses travaux sont cités par des pairs dans des livres et des revues. À titre de comparaison, Mia Bloom, chercheuse estimée spécialiste de la lutte contre le terrorisme, a 1 100 résultats sur Google Scholar. Gorka ? Seulement 133

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« Le fait qu’il travaille à la Maison Blanche est stupéfiant », m’a confié Michael S. Smith II, un conseiller du Congrès en lutte contre le terrorisme, avant l’accrochage que lui-même a eu avec Gorka cette semaine, après avoir critiqué le conseiller de la Maison Blanche sur Twitter. Suite à ces tweets, Gorka a appelé Smith et menacé d’intenter une action en justice contre lui, d’après un enregistrement de 22 minutes obtenu par Newsweek.

« Quelqu’un doit demander à Steve Bannon pourquoi il pense qu’il est sage d’amener un membre de l’équipe réserve pour combattre les groupes djihadistes salafistes qui constituent les principales sources de menaces terroristes pour les Américains et nos alliés », m’a indiqué Smith.

« Si Bannon et Gorka étaient des adultes responsables, ils reconnaîtraient qu’ils mettent les Américains en danger. Plus le président consacre de temps à examiner leurs contributions, moins il disposera de temps pour examiner les contributions de véritables experts et professionnels qui ont de l’expérience dans la formulation de la sécurité nationale et qui savent réellement ce qu’ils font. »

« Gorka est un apologiste flagorneur, anti-intellectuel qui crache des clichés et dont l’"expertise" en terrorisme est une islamophobie à peine voilée »

– John Horgan, professeur à l’université d’État de Géorgie

Amarnath Amarasingam, chercheur principal à l’Institute for Strategic Dialogue qui s’est entretenu avec des dizaines de combattants étrangers en Irak et en Syrie, m’a expliqué que Gorka « sembl[ait] penser que le fait d’être musulman est une sorte de drogue de passage pour lancer éventuellement une attaque de quelque sorte ».

« Ainsi, chaque musulman devient suspect et mérite d’être surveillé et gardé hors de votre pays. Il n’y a évidemment aucune preuve que cela est vrai, même de loin. Ce genre d’écrivain est généralement relégué aux marges des milieux académiques. Malheureusement, ce type est à la Maison Blanche », a-t-il déclaré.

Le danger aux commandes

Pire encore, les politiques qui font une fixation sur les musulmans en tant qu’objets référents devant être sécurisés ne servent qu’à amplifier la chose même que l’on essaie de combattre : la radicalisation violente.

« Nous avons constaté que les immigrés qui ne s’identifient ni à leur culture patrimoniale, ni à la culture dans laquelle ils vivent, se sentent marginalisés et insignifiants. Les expériences de discrimination aggravent la situation et entraînent un plus grand soutien en faveur du radicalisme, qui leur promet l’impression d’avoir un sens et un but dans leur vie », notent les auteurs de l’étude publiée en 2015 dans Behavioral Science & Policy.

Edward Noon, soldat de 22 ans de la garde nationale de Pennsylvanie, prononce une prière lors d’une cérémonie au Flight 93 National Memorial, le 10 septembre 2016 à Shanksville, en Pennsylvanie (AFP)

Les catastrophes sociales surviennent lorsque des hypothèses erronées entraînent des décisions erronées. Dans l’Allemagne nazie, note Harald Welzer, auteur de Climate Wars, « des hypothèses pseudo-scientifiques sur l’inégalité entre les hommes ont été adoptées dans des lois et directives ». En fin de compte, ces hypothèses pseudo-scientifiques ont donné lieu au génocide de 6 millions de Juifs.

Nous avons beaucoup appris au sujet de la radicalisation vers l’extrémisme violent au cours des quinze dernières années. Ce furent des leçons durement apprises. Beaucoup ont risqué leur vie ; quelques-uns ont même sacrifié la leur dans cette quête de compréhension de cette menace du XXIe siècle.

Pourtant, tout ce travail et toutes ces vies sont sur le point d’être jetés à la poubelle par trois dangereux extrémistes antimusulmans aux commandes de la politique antiterroriste des États-Unis : Trump, Bannon et Gorka.

CJ Werleman est l’auteur de Crucifying America, God Hates You. Hate Him Back et Koran Curious. Il est également l’animateur du podcast « Foreign Object ». Vous pouvez le suivre sur Twitter : @cjwerleman.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : Sebastian Gorka présente son témoignage, Ten Years On: The Evolution of the Terrorist Threat, au sous-comité sur les menaces et capacités émergentes de la Commission des forces armées de la Chambre des représentants, en juin 2011 (Wikicommons)

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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