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Syrie : des notes d’espoir dans la Ghouta orientale

Les gens en ont assez des images d’explosions et de destruction dépourvues d’humanité alors même que d’innombrables récits d’espoir, d’amour et de sacrifice s’élèvent au milieu des décombres

Il y a un an, les habitants d’Alep vivant dans les zones sous contrôle rebelles étaient assaillis par un siège de plusieurs mois et de lourds bombardements orchestrés par les forces gouvernementales syriennes soutenues par la Russie. Le bombardement et la destruction de l’hôpital pour enfants de l’Independent Doctors’ Association (IDA) ont été l’un des nombreux crimes de guerre commis à l’époque. 

Afin de transformer la colère en une action positive, nous, médecins, travailleurs humanitaires et activistes de Syrie et d’ailleurs, avons lancé « The People’s Convoy », une campagne de crowdfunding organisée dans le but de reconstruire pour la septième fois l’hôpital pour enfants de l’IDA.

Au bout de deux semaines, à l’aide de 38 organisations et de près de 5 000 personnes dans le monde entier, près de 250 000 livres sterling (environ 280 000 euros) ont été collectés, une somme suffisante pour reconstruire l’hôpital.

La meilleure façon de parvenir au bien-être et au bonheur est de consacrer notre développement personnel et nos actes au profit du plus grand nombre possible de personnes, c’est-à-dire d’adopter une approche qui n’est pas centrée sur nous-mêmes

Le 17 décembre 2016, le matériel hospitalier est parti de Londres dans un convoi à destination de la frontière turco-syrienne, accompagné de centaines de messages de solidarité, et transmis à notre partenaire, l’IDA.

À peine trois mois plus tard, dans la campagne voisine d’Alep, le « Hope Hospital » a ouvert ses portes. Il a soigné depuis 18 144 enfants. « Quelle tragédie de constater que ce qui est arrivé aux gens d’Alep est en train d’arriver à la population de la Ghouta [orientale] en ce moment même », a déclaré alors le Dr Hatem (que l’on ne connaît que par son prénom), directeur de l’IDA à Alep.

Assez des histoires de coups de feu

Exactement un an plus tard, dans la Ghouta, à 15 km à l’est de Damas, 400 000 personnes rencontrent un sort choquant, similaire à celui des Aleppins.

La région est assiégée depuis 2013 et les conditions humanitaires s’y sont fortement détériorées en raison de l’intensification des violences depuis la mi-novembre. Au cours de cette période, la Ghouta a été pilonnée, touchée par plus de 200 frappes aériennes.

Le système de santé s’est effondré dans une large mesure, alors que les travailleurs médicaux décrivent l’une des pires situations sanitaires et nutritionnelles observées depuis le début du conflit.

Selon les derniers rapports de l’ONU, 500 personnes doivent être évacuées pour recevoir en urgence des soins médicaux. Contrairement à Alep, cependant, les médias mondiaux sont presque silencieux et les mesures prises par la communauté internationale n’ont jamais été aussi minimes.

Apparemment, en Occident, nous ne voulons pas en entendre parler, nous sommes fatigués et lassés de compatir

Lorsque j’en parle à mes amis journalistes, ils accusent rapidement les Occidentaux. Apparemment, en Occident, nous ne voulons pas en entendre parler, nous sommes fatigués et lassés de compatir.

Je ne suis pas d’accord. Les gens en ont assez des histoires de coups de feu, des images d’explosions et de destruction dépourvues d’humanité, alors même que d’innombrables récits d’espoir, d’amour et de sacrifice s’élèvent au milieu des décombres.

Cette année, nous avons travaillé avec trois ONG syriennes, de petite taille mais puissamment efficaces, qui ont réussi à collecter des fonds sur notre plateforme de crowdfunding pour des projets de santé essentiels, financés par des citoyens engagés du monde entier.

Des enfants regardent à travers les décombres après un bombardement orchestré par le gouvernement syrien, dans la Ghouta orientale (AFP)

Grâce à ces citoyens, l’ONG Insan est, par exemple, en mesure d’apporter un soutien psychosocial aux personnes exposées aux bombardements, à la famine et à une pénurie de soins de santé.

L’association Ghiras al-Nahda forme les communautés à la culture de champignons afin de constituer une source de nourriture fraîche là où aucune autre n’est disponible, tandis que l’ONG Hurras crée un magazine éducatif pour aider les enfants syriens à développer leur résilience émotionnelle tout en enseignant les valeurs de tolérance et de solidarité.

Un besoin d’agir

Ce sont des campagnes vitales qui changent des vies – et aujourd’hui, elles sont plus que jamais nécessaires. Alors que la situation dans la Ghouta continue de se détériorer, nous soutenons notre partenaire Insan pour l’aider à mener une campagne d’urgence.

Insan recherche un financement urgent via WhatsApp pour fournir des soins psychosociaux intensifs via son équipe psychiatrique de terrain constituée de quatorze femmes. Ces dernières sont en contact presque constant avec l’organisation, qui les écoute et renforce leur formation récemment acquise.

Traduction : « La situation humanitaire dans la Ghouta orientale (#Syrie) a atteint un stade critique. La recrudescence de la violence a exposé 400 000 personnes à des pénuries alimentaires et à un manque d’accès à une aide médicale essentielle »

Les psychologues fournissent également aux femmes des conseils pour soutenir leur réseau personnel, leurs amis et les membres de leur famille qui ont trouvé refuge auprès d’elles pendant les périodes de bombardement.

En raison des conditions de vie de plus en plus dangereuses et de la connexion limitée, l’équipe développe également un prototype d’application mobile d’auto-assistance dans le but de communiquer les techniques et les étapes fondamentales du soutien psychosocial et d’atteindre plus de femmes nécessitant un soutien émotionnel et psychologique.

Comme la Ghouta est assiégée et que nous ne pouvons y faire entrer de l’aide, nous voulons agir.

Briser le silence

Nous voulons briser le silence et briser le siège. Nous avons une foi inébranlable en la bonté innée de l’humanité. Nos vies sont reliées de tant de façons différentes et à tant de niveaux.

Nous pouvons vivre notre vie centrés sur nous-mêmes et nous soucier seulement des quelques membres de notre cercle de relations étroit, ou nous pouvons choisir d’élargir ce cercle pour inclure autant d’autres êtres que possible. À titre personnel, j’aime la philosophie tibétaine qui nous invite à consacrer notre vie au profit de tous les êtres. Cette approche ne consiste pas à ignorer notre vie personnelle et notre bonheur, bien au contraire.

À LIRE : Casques blancs assassinés en Syrie : « Nous avons perdu les meilleurs hommes de la ville »

Il s’agit de la prise de conscience fondamentale du fait que notre bonheur est lié à ceux qui nous entourent : au sein de notre famille, de notre cercle d’amis, de notre communauté, de nos collègues de travail et partout dans le monde. La meilleure façon de parvenir au bien-être et au bonheur est de consacrer notre développement personnel et nos actes au profit du plus grand nombre possible de personnes, c’est-à-dire d’adopter une approche qui n’est pas centrée sur nous-mêmes.

Nous ne pourrons peut-être pas calmer les multiples tempêtes qui frappent notre monde et les autres êtres humains, mais nous sommes absolument capables d’être solidaires de ceux qui se trouvent dans l’œil du cyclone. À l’instar des médecins et des travailleurs humanitaires locaux dans la Ghouta orientale, qui osent faire là-bas ce que les autres ne peuvent pas ou ne veulent pas faire. 

Leurs récits de résilience, de courage et de détermination à sauver des vies en risquant la leur, ce que cet article a succinctement évoqué, m’aident à garder cette foi inébranlable en l’humanité. Plus précisément, ils démontrent que tout n’est pas futile, insurmontable et sans espoir.

Il y a de l’espoir, des opportunités et des possibilités, même dans l’œil du cyclone. J’espère que nous pourrons donner tort aux médias. Non seulement les gens s’en soucient, mais nous acheminerons cette attention afin de changer positivement la vie d’autant de personnes que possible.  

- Rola Hallam est anesthésiste consultante. Directrice médicale de Hand-in-Hand-for-Syria, elle a joué un rôle essentiel dans la construction d’hôpitaux et de centres de santé à travers la Syrie. Elle est chargée de cours à la London School of Economics et au King’s College de Londres. Sa quête constante de l’accès aux soins de santé pour tous l’a amenée à lancer CanDo, une entreprise sociale à but non lucratif permettant aux travailleurs humanitaires locaux de fournir des soins de santé à leur communauté dévastée par la guerre. 

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : sous les yeux d’un garçon syrien, des colis d’aide humanitaire fournie par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) dans le cadre d’une opération conjointe avec l’ONU sont déchargés dans la ville de Douma, dans la région sous contrôle rebelle de la Ghouta orientale, à l’est de la capitale Damas, le 12 novembre 2017 (AFP).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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