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L’ange secret de Bethléem déploie ses ailes

Longtemps dissimulée aux regards, une mosaïque d’ange composée de pierres, de coquillages et d’or a été découverte au cours de restaurations dans la Basilique de la Nativité
L’ange retrouvé, après sa restauration : les tesselles manquantes ont été comblées par de la peinture semblable à celle qui aurait été utilisée au temps de sa création (MEE/Abed al-Qaisi)

BETHLÉEM, Cisjordanie – Pendant plusieurs siècles, les murs de la Basilique de la Nativité, élevée sur le lieu où Jésus-Christ serait né, ont caché un ange masqué sous des couches de plâtre.

Composé de minuscules carreaux de couleurs vives en pierre, en coquillages, en verre et en or, l’ange a été découvert au cours de restaurations dans l’église et repose maintenant sous une bâche en plastique pendant la poursuite des travaux sur le site sacré.

L’œuvre d’art récemment découverte n’est pas encore accessible au public (MEE/Abed al-Qaisi)

 Les restaurations sont lentes et minutieuses à cause de l’importance historique et religieuse des fragiles œuvres d’art, et on n’envisage pas de présenter l’ange au public avant cet été.

Afif Tweme, le directeur du projet de restauration a expliqué que cette œuvre historique a été découverte quand les restaurateurs ont scanné l’église avec des lasers avant le commencement des travaux.

 « Nous devions nous assurer que nous n’allions rien endommager ou passer à côté de quelque chose comme cet ange, avant de commencer les rénovations. »

Les équipes de restaurateurs locaux et italiens soupçonnaient que la surface de l’un des murs, épaissi par une couche de plâtre, cachait peut-être quelque chose, mais ils étaient loin d’imaginer ce qu’ils allaient découvrir.

« On n’avait aucun témoignage de l’existence de cet ange, ou du fait qu’une œuvre d’art avait été camouflée sur ce mur », a déclaré Afif Tweme, juché sur un échafaudage lui permettant de se tenir en face de la mosaïque récemment découverte, près du haut plafond de l’église.

Afif Tweme a expliqué que la mosaïque est composée de carreaux minuscules en pierre, en coquillages, en verre et en or (MEE/Abed al-Qaisi)

D’après Afif Tweme, les restaurateurs pensent que l’ange est demeuré masqué pendant plusieurs siècles.

« Nous pensons qu’à l’époque, les personnes responsables de l’église ont réalisé que l’ange était en train de s’abîmer et perdait des morceaux ici et là, sur son visage et sur les bords de l’image, donc ils l’ont recouvert pour empêcher d’autres détériorations », a-t-il supposé, en expliquant que les personnes qui avaient recouvert l’ange ne disposaient pas des outils nécessaires à sa restauration.

Le Dr Michele Bacci, un historien d’art membre du comité scientifique chargé de la restauration de la Basilique de la Nativité, a déclaré que depuis le XIXe, la datation exacte des mosaïques suscite une controverse chez les spécialistes.

Il a expliqué que certains érudits pensent que les œuvres « pourraient dater du VIIIe siècle étant donne leur caractère aniconique, qui présente des similitudes avec les mosaïques de la coupole du Rocher à Jérusalem ».

Toutefois le projet de restauration a fourni aux spécialistes et aux chercheurs un aperçu plus précis de l’âge réel des œuvres.

« La récente restauration nous a permis non seulement de nettoyer et de mieux préserver les mosaïques, mais aussi d’effectuer des analyses chimiques et de les étudier d’un point de vue historique », a commenté le Dr Bacci. « J’ai moi-même… eu l’opportunité de passer beaucoup de temps sur les échafaudages pour examiner de près la surface des mosaïques, leurs tesselles, la composition des dessins, le style et l’iconographie.

« Toutes les données que notre équipe a pu recueillir indiquent que l’ensemble des mosaïques, y compris l’ange qui vient d’être découvert, ont été réalisées au cours d’une même période au XIIe siècle. »

Du fait que l’équipe de restaurateurs applique dans ses rénovations les normes reconnues par la communauté internationale et les Nations Unies dans le domaine du patrimoine, les parties incomplètes de la mosaïque resteront en l’état. Les restaurateurs « cherchent à conserver au maximum le caractère original des œuvres, et ne veulent pas entreprendre de les recréer », a précisé Afif Tweme.

 À la place, les spécialistes ont maintenant comblé les manques avec de la peinture composée des matières premières les plus proches de celles que les artistes auraient pu utiliser au moment de la création de l’œuvre, il y a plusieurs siècles.

« Les artistes originaux étaient vraiment très habiles et ils ont prêté beaucoup d’attention aux détails », a constaté Afif Tweme en examinant attentivement les petits carreaux de la mosaïque. « Si vous regardez de près, vous vous rendrez compte que les sections dorées autour de l’ange sont en fait composées de fines lamelles d’or placées entre deux morceaux de verre. »

Afif Tweme a aussi fait remarquer que les petits carreaux de coquillages et de pierre qui composent l’ange sont placés à plat contre le mur, alors que les tesselles d’or sont inclinées vers le bas afin que les visiteurs qui contemplent l’œuvre depuis le sol voient se refléter un halo de lumière dorée autour de l’ange.

Les tesselles d’or qui entourent l’ange sur la mosaïque récemment découverte étaient inclinées vers le bas afin de refléter un halo de lumière dorée autour de l’ange pour les visiteurs qui contemplaient l’œuvre depuis le sol (MEE/Abed al-Qaisi)

Pendant les travaux de restaurations, les spécialistes ont découvert des fresques d’un bleu sombre que l’on avait recouvertes de peinture il y a plus de 100 ans, ce qui ne figurait pas non plus dans les archives de l’église.

« C’était vraiment formidable. Nous avons pu distinguer une partie des motifs, mais il y avait ce tas de plâtre en plein milieu qui avait abîmé ce qui était dessous. Nous ne savions pas trop ce que nous allions faire, jusqu’à ce qu’un membre de la communauté nous apporte une vieille photo en noir et blanc qui montrait que la partie centrale recouverte n’était autre qu’une croix. »

Les restaurateurs ont utilisé la photo pour recréer à l’identique le motif qui figurait sur le mur avant qu’il ait été repeint.

Juste au-dessus de la croix, de longues poutres de bois courent tout le long du plafond de l’église. Comme autrefois celle-ci n’était pas protégée des intempéries et de l’humidité, certaines des anciennes poutres de bois ont dû être remplacées – mais pas avec n’importe quel bois.

Les restaurateurs ont découvert sur les murs des fresques de couleur bleue qui avaient été recouvertes de peinture il y a longtemps. En utilisant les mêmes matériaux que les artistes d’origine, ils ont pu restaurer ces œuvres (MEE/Abed al-Qaisi)

« Nous avons fait venir le bois d’Italie. Par son âge et son essence, il est aussi proche que possible des poutres d’origine, parce que si avions utilisé du bois plus jeune, il aurait changé en séchant au fil des années et serait devenu moins stable. Comme cela les structures sont aussi authentiques que possible », a expliqué Afif Tweme.

Les seuls aspects de la rénovation de l’église qui font appel à des matériaux modernes sont ses fenêtres voûtées, remplacées par des panneaux de verre plus épais qui protègeront son intérieur inestimable des intempéries.

A l’extérieur de l’église, des restaurateurs s’emploient à nettoyer les vieilles pierres, recouvertes depuis des siècles de couches de moisissures et d’algues.

L’extérieur de la Basilique de la Nativité est aussi en cours de restauration. Des ouvriers nettoient avec précaution les moisissures et les algues qui se sont développées sur les vieilles pierres au fil des siècles (MEE/Abed al-Qaisi)

Les restaurations sont effectuées en partenariat par l’entreprise italienne Piacenti S.p.a et le groupe palestinien de développement communautaire local dirigé par Afif Tweme.

Pour ce projet, il était important de s’assurer que des restaurateurs palestiniens étaient impliqués dans les travaux, a-t-il expliqué.

La restauration qui a commencé en 2013 est un projet à long terme qui devrait prendre des années, tant que le financement reste disponible.

Étant donné qu’il n’y a pas eu de restauration depuis des siècles, la technologie moderne offre beaucoup de ressources pour préserver cette église historique - mais pour mener le projet à bien, Afif Tweme a estimé qu’il faudrait encore réunir près de 10 millions d’euros.

On a abrité une mosaïque sous le plancher de bois de l’église afin qu’elle ne se détériore pas, mais le public peut désormais l’admirer (MEE/Abed al-Qaisi)

Nadim Allay, un Palestinien catholique qui dans son magasin vend des sculptures en bois d’olivier et autres souvenirs religieux aux touristes de la Basilique de la Nativité, a assuré que les habitants chrétiens de Bethléem ont suivi de près les travaux de restauration.

Nadim n’a pas encore vu l’ange que l’on a découvert récemment, parce que le public n’a pas encore accès à cette relique du passé, mais il est au courant de tous les détails des découvertes faites au cours des restaurations.

« Quand j’ai entendu parler des découvertes pour la première fois par Facebook et les médias ça n’a pas vraiment été une surprise, parce que notre communauté savait que l’on avait dissimulé des choses à l’intérieur de l’église il y a longtemps, pour protéger des œuvres d’art importantes », a-t-il affirmé. « Mais j’ai été très excité d’apprendre qu’on entreprenait des travaux pour remettre à jour ces œuvres et pour les préserver. »

Nadim Allay a ajouté que les restaurations de l’église étaient très importantes à ses yeux, mais que la priorité essentielle devait être de conserver l’authenticité de tous les vestiges qu’elle abrite.

« J’ai hâte de découvrir la mosaïque de l’ange et les autres œuvres d’art, mais je voudrais les contempler comme elles étaient autrefois. J’espère qu’ils ne vont rien rajouter ou essayer de les remettre à neuf », a-t-il conclu.

« Je voudrais voir les choses comme elles étaient il y a 400 ou 800 ou 1000 ans. »

Traduction de l’anglais (original) par Maït Foulkes.

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