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L’UE exige une enquête sur « l’assassinat » d’un étudiant italien en Égypte

Un législateur européen a déclaré à Middle East Eye que le meurtre de Giulio Regeni avait agi pour l’UE comme « un signal d’alarme » par rapport aux abus perpétrés en Égypte
Des hommes portent le cercueil de Giulio Regeni, un étudiant de Cambridge retrouvé mort en Égypte (AFP)

Le parlement européen a passé jeudi une résolution condamnant « la torture et l’assassinat » de l’étudiant italien Giulio Regeni en Égypte, précisant que ce meurtre n’était pas un acte isolé mais qu’il s’inscrivait dans un « contexte de torture, de morts en détention et de disparitions forcées ».

Cette résolution qui appelle les autorités égyptiennes et italiennes à mener dans la transparence une enquête commune sur la mort de Regeni a été adoptée à une écrasante majorité – 588 MPE ont voté pour, seulement 10 ont voté contre et 59 se sont abstenus.

La MPE néerlandaise Marietje Schaake, qui a appuyé la résolution, a déclaré à Middle East Eye que le meurtre de Regeni avait agi comme « un signal d’alarme », attirant l’attention des hommes politiques européens sur la gravité du problème des droits de l’homme en Égypte.

« Il est déplorable qu’il ait fallu la mort sous la torture d’un étudiant européen pour servir de signal d’alarme à ceux qui en avaient encore besoin », constate-t-elle. « Ce cas, ainsi que la répression organisée des Égyptiens y compris par la torture, l’emprisonnement et les disparitions, devrait influencer bien plus nettement la politique de l’UE envers l’Égypte. »

Âgé de 28 ans, Giulio Regeni était candidat au doctorat à l’université de Cambridge, en Grande-Bretagne, et se trouvait en Égypte pour rechercher le développement des syndicats égyptiens au moment de sa disparition le 25 janvier – cinquième anniversaire du soulèvement qui avait renversé le président de longue date, Hosni Moubarak.

Le corps de Regeni fut retrouvé le 3 février sur une route aux environs du Caire, portant des marques de torture et de tabassage. Les multiples spéculations soupçonnant les services de sécurité égyptiens – connus pour torturer les prisonniers – d’être impliqués dans ce meurtre ont été démenties par le gouvernement du président Adbel Fattah al-Sissi.

Étant donné les doutes planant sur le rôle joué par les services de sécurité égyptiens, Marietje Schaake affirme que l’UE va étroitement surveiller la contribution de l’Égypte à l’enquête sur l’assassinat de Regeni

« Nous allons suivre de près toutes les étapes de l’enquête », dit-elle.

La résolution est la condamnation la plus ferme dont l’Égypte a fait l’objet depuis que Sissi, ex-chef des armées devenu président, a pris le pouvoir des mains de Mohamed Morsi – le premier chef d’État démocratiquement élu que le pays avait connu – le 3 juillet 2013, lors d’un coup d’État militaire soutenu par le peuple.

Outre la condamnation du meurtre de Giulio Regeni, elle fait appel aux autorités égyptiennes pour annuler la fermeture d’une association de défense des droits de l’homme, le Centre el-Nadeem pour la réhabilitation des victimes de violence, et pour mettre fin au harcèlement d’une autre ONG, la Commission égyptienne des droits et des libertés. 

Marietje Schaake note que la résolution « fait une fois de plus passer le message que le Parlement européen se préoccupe beaucoup de l’État de droit et des droits de l’homme en Égypte ».

« Nous exhortons les États membres [de l’UE] et la Commission [européenne] à tirer les leçons du passé et à reconnaître que les raisons pour lesquelles un si grand nombre d’Égyptiens sont descendus dans la rue pour obtenir le départ de Moubarak sont toujours d’actualité. »

« Je pense qu’au Parlement européen, nous devons continuer à soutenir ceux parmi les Égyptiens – surtout parmi les jeunes – qui demandent une Égypte plus juste, libre et prospère. »

Elle ajoute que la résolution a du poids du fait que « le Parlement européen est colégislateur pour la politique commerciale et le budget de l’UE, et qu’en tant que tel il a les moyens de donner suite à la formulation énergique de cette résolution ».

Des restrictions sur les ventes d’armes à l’Égypte imposées par l’UE sont en place depuis août 2013, quand des centaines de personnes protestant contre le coup d’État militaire avaient été tuées par les forces égyptiennes qui dispersaient des manifestations pacifiques au Caire.

Cependant, ces restrictions n’ont pas fait l’objet d’un acte officiel, ce qui explique que de gros exportateurs comme la France et le Royaume-Uni ont été libres de continuer à vendre des armes à l’Égypte.

En 2015, la France a signé un contrat de plus de 5 milliards d’euros pour vendre à l’Égypte 24 avions de chasse Rafale, une frégate et des missiles, tandis que le Royaume-Uni a vendu à l’Égypte près de 63 millions d’euros d’armement durant le premier trimestre 2015, ce qui représente une augmentation des ventes de 3 000 % d’une année sur l’autre.

Avant le vote du Parlement européen jeudi, un membre du personnel politique de l’UE a déclaré à The Intercept que la France et le Royaume-Uni avaient exercé « une pression importante » sur l’UE pour faire lever les restrictions sur l’exportation vers l’Égypte d’armes qui pourraient être utilisées à des fins de répression interne.

La décision du Parlement européen de maintenir les restrictions sur la vente d’armement à l’Égypte, voire de les durcir suite à l’assassinat de Giulio Regeni, dépendra de sa capacité à convaincre les MPE conservateurs que la gravité du problème des droits de l’homme en Égypte requiert des mesures énergiques.

« Nombreux sont ceux [parmi les MPE], surtout du côté conservateur du Parlement européen, qui privilégient les bonnes relations entre gouvernements même si cela se fait au dépens du bien-être de la population », constate Marietje Schaake.

« J’espère qu’ils [les MPE] n’oublieront pas qu’il y a d’innombrables Giulio Regeni égyptiens. J’aimerais que tous les cas de disparitions forcées en Égypte bénéficient de la même attention au niveau international. »

Depuis que Sissi a pris le pouvoir en juillet 2013, des dizaines de milliers de personnes ont été détenues par les forces de sécurité, étant donné que les autorités égyptiennes ont entrepris une répression de grande envergure à l’encontre des opposants politiques.

Des centaines de personnes ont été condamnées à mort au cours de procès sommaires qui ont été dénoncés par les associations de défense des droits de l’homme, et il y a eu de nombreux comptes rendus de l’usage systématique de torture dans les prisons égyptiennes.

Les autorités égyptiennes n’avaient pas encore répondu à la résolution du Parlement européen au moment de notre publication.

Traduction de l’anglais (original) par Maït Foulkes.

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