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Le gouvernement palestinien se réunit à Gaza, une première depuis 2014

Ce Conseil des ministres tenu à Gaza est censé matérialiser le retour de l'Autorité palestinienne aux commandes du territoire gouverné par le Hamas. Mais les défis restent nombreux pour une véritable réconciliation
Le chef du Hamas, Ismaël Haniyeh (à gauche) et le Premier ministre palestinien Rami Hamdallah dans la ville de Gaza mardi (AFP)

Le gouvernement palestinien s'est réuni dans la bande de Gaza ce mardi, une première depuis 2014, censée matérialiser le retour de l'Autorité palestinienne (AP) aux commandes du territoire gouverné par le Hamas.

La tenue de ce conseil des ministres doit également illustrer l'avancée de la réconciliation entre l'Autorité palestinienne et le mouvement islamiste Hamas après une décennie de dissensions dévastatrices.

« Nous vivons aujourd'hui un moment important et historique alors que nous commençons à surmonter nos blessures, à mettre nos différences de côté et à placer l'intérêt national au-dessus de tout », a-t-il déclaré.

Rami Hamdallah a twitté des images de ce qu'il a décrit comme une « réunion du gouvernement national de réconciliation » à Gaza

Lundi, le Premier ministre palestinien Rami Hamdallah et une dizaine de ministres et de responsables de l’AP ont foulé pour la première fois depuis 2015 le sol de la bande de Gaza, dans une grande confusion.

Reflet des attentes élevées des habitants de cette enclave éprouvée par les guerres, les blocus et les querelles intestines, des centaines de Gazaouis s’étaient bousculés pour entendre Hamdallah promettre, dès son arrivée, la fin des dissensions qui minent l'action palestinienne et le début d'une nouvelle administration du territoire.

« Le gouvernement commence à exercer son rôle à Gaza à partir d'aujourd'hui », a annoncé Hamdallah, serré au plus près par ses gardes du corps.

« Refermons ensemble le chapitre de la division », a-t-il exhorté. La priorité est de « soulager les souffrances des gens de Gaza ».

Des jeunes gazaouis saluent l'arrivée du Premier ministre palestinien Rami Hamdallah (MEE/Mohammed Asad)

Après une décennie d'animosité et malgré la circonspection nourrie par l'échec des précédentes tentatives de rapprochement, sa visite doit préparer le terrain à un transfert progressif de responsabilités – au moins civiles – du Hamas à l'Autorité palestinienne, dont émane le gouvernement de Rami Hamdallah.

L'Autorité palestinienne est l'entité internationalement reconnue supposée préfigurer un État indépendant.

Le Hamas, considéré comme terroriste par Israël, les États-Unis ou l'Union européenne et comme infréquentable par certains pays arabes, a évincée l’AP de la bande de Gaza en 2007 suite aux violences entre les deux parties engendrées par la victoire du Hamas aux élections locales de 2006.

Rami Hamdallah a rencontré lundi après-midi le chef du Hamas, Ismaël Haniyeh, ainsi que le n° 1 du mouvement dans la bande de Gaza, Yahya Sinouar.

Sa visite était annoncée comme largement protocolaire. Les détails d'un transfert ultérieur de responsabilités doivent être discutés au Caire dans les prochains jours.

Sabri Siadam, ministre de l'Éducation et membre du Comité central du Fatah, a déclaré à Middle East Eye que l'humeur des Palestiniens à Gaza était joyeuse.

« Aujourd'hui, un nouveau chapitre est écrit dans la bande de Gaza, ce jour est une réussite pour tous les Palestiniens, le bonheur a empli les rues, les gens sont satisfaits et optimistes »

- Sabri Siadam, ministre de l'Éducation et membre du Comité central du Fatah

« Aujourd'hui, un nouveau chapitre est écrit dans la bande de Gaza, ce jour est une réussite pour tous les Palestiniens, le bonheur a empli les rues, les gens sont satisfaits et optimistes », a-t-il déclaré lundi.

« Nous avons vu la vie, l'espoir et la persistance dans les rues de Gaza aujourd'hui, après trois guerres et onze ans de division. »

Abou Moussa Hamdona, un Gazaoui de 42 ans, a lui aussi salué la venue du gouvernement : « Nous l'appelons à s'occuper des jeunes – c'est le plus important –, à résoudre la crise de l'électricité et à améliorer les conditions de vie ».

« Risque d'explosion »

Depuis 2007, l'Autorité n'exerce plus son pouvoir, limité, que sur la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 50 ans et séparé de Gaza par quelques dizaines de kilomètres de territoire israélien. Le Hamas gouverne Gaza où vivent deux tiers des Palestiniens des Territoires.

Les querelles palestiniennes sont considérées comme l'un des obstacles à un règlement du conflit israélo-palestinien et l'une des causes de la désespérance des deux millions de Gazaouis entassés sur leurs terres coincées entre Israël, l'Égypte et la Méditerranée.

Le risque d'une explosion sociale, conjugué à un isolement grandissant et peut-être une approche plus pragmatique de ses dirigeants, a poussé le Hamas à accepter de se raccommoder avec le Fatah de Mahmoud Abbas, estiment des experts.

Yahya Sinouar se prépare à rencontrer le Premier ministre palestinien (MEE/Mohammed Asad)

Ces mesures ont rendu encore plus pénible le quotidien d'une enclave soumise aux blocus israélien et égyptien et confrontée aux pénuries, au marasme et au chômage, catastrophique chez les jeunes.

Bassel Swairki, un résident de Gaza âgé de 19 ans, a déclaré à MEE qu'il avait « peur d’être déçu » mais qu'il était encore plein d'espoir.

« Je suis victime de la division depuis onze ans, j'avais 8 ans quand elle a commencé. Je ne me souviens pas d'avoir eu 24 heures d'électricité d’affilée. J'ai grandi dans une prison en plein air », a-t-il confié.

« Des problèmes très complexes »

En septembre, le Hamas a fini par accepter le retour de l'AP sous la pression du grand voisin égyptien, des déconvenues diplomatiques de son allié qatari et d'un sévère tour de vis financier donné par le président de l'AP, Mahmoud Abbas, qui a notamment cessé de payer la facture de l'électricité fournie par Israël à Gaza.

Le 17 septembre, le Hamas a annoncé qu’il allait dissoudre la commission administrative formée début 2017 – condition requise par le Fatah, qui accusait l’entité d’être un gouvernement fantôme formé pour rivaliser avec l’Autorité palestinienne.

Néanmoins, beaucoup d'experts voient dans la bonne volonté du Hamas une manœuvre tactique pour se défausser d'une situation compliquée.

Ils doutent qu'il cède à l'Autorité palestinienne le contrôle de la sécurité.

Le Hamas a adopté en mai une plateforme programmatique cherchant à atténuer le ton belliqueux de sa charte fondatrice et à se présenter en interlocuteur plus acceptable.

Toutefois, les pressions égyptiennes, la détérioration des conditions de vie à Gaza et son isolement grandissant n'auraient à terme probablement pas laissé au Hamas d'autre choix que de se montrer conciliant. Reste à savoir jusqu'où ce mouvement et sa composante armée sont prêts à pousser le compromis.

« Je suis victime de la division depuis onze ans, j'avais 8 ans quand elle a commencé. Je ne me souviens pas d'avoir eu 24 heures d'électricité d’affilée. J'ai grandi dans une prison en plein air »

- Bassel Swairki, un résident de Gaza âgé de 19 ans

« Il n'a jamais été question et ne sera jamais question » de démanteler la branche armée du Hamas ou de rendre les armes », a affirmé Moussa Abou Marzouq, figure éminente du mouvement islamiste. Or l'Autorité palestinienne exige que les responsabilités du gouvernement soient entières à Gaza, incluant la sécurité.

Le sort des dizaines de milliers de fonctionnaires recrutés par le Hamas après sa prise du pouvoir en 2007 et la question de leur rémunération ou non par l'AP est une autre interrogation majeure, qui a fait avorter de précédents efforts de réconciliation. La question de leur intégration dans les services d'une Autorité palestinienne déjà surdimensionnée et financièrement aux abois est essentielle, étant donné ses implications sur le quotidien des Gazaouis.

Affiche représentant le Premier ministre palestinien Rami Hamdallah et le président Mahmoud Abbas à Gaza (MEE/Mohammed Asad)

Le porte-parole du Fatah, Osama Al Qawasmi, a déclaré que les Palestiniens méritaient l'unité, qualifiant la visite d’historique. Il a remercié le gouvernement égyptien de superviser les prochaines négociations entre le Fatah et le Hamas.

« Ces réunions aborderont toutes les questions et tous les cas ; la sécurité, les frontières, la réconciliation sociale et les employés publics », a-t-il déclaré à MEE. « Ce sont des problèmes très complexes que les deux parties sont déterminées et disposées à résoudre. »

« La question des employés publics est très importante et concerne toutes les familles palestiniennes, nous avons formé un comité spécial pour résoudre cette question et celui-ci se réunira en Égypte, cette question étant prioritaire et devant être résolue le plus tôt possible », a-t-il ajouté.

« Duperie »

Les autorités israéliennes, pour leur part, se sont montrées sceptiques. « Le Hamas est-il prêt à accepter l'existence d'Israël et à renoncer à la lutte armée ? », s'est interrogé le ministre israélien de la Construction Yoav Galant. « Si la réponse est positive, on peut parler de beaucoup de choses. Si elle est négative, c'est que rien n'a changé et que tout ceci n'est qu'une duperie », a-t-il déclaré.

Les États-Unis ont également souligné que tout gouvernement palestinien devra renoncer à la violence et reconnaître Israël, tout en se félicitant prudemment du retour de l'AP à Gaza.

« Tout gouvernement palestinien doit de façon non-ambigüe et explicite s'engager à la non-violence, à la reconnaissance de l'État d'Israël, à l'acceptation des accords précédents […] », a indiqué Jason Greenblatt, l'émissaire pour le Proche-Orient du président américain Donald Trump, sur sa page Facebook.

« Nous allons observer attentivement ces développements tout en pressant l'Autorité palestinienne, Israël et les donateurs internationaux d'améliorer la situation humanitaire à Gaza », a-t-il ajouté.

L'accord d'Israël à l'organisation d'élections en Cisjordanie et à Gaza –, qui devrait être l’une des prochaines étapes de la réconciliation intrapalestinienne et que le Hamas risquerait de gagner – paraît improbable.

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