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Le Royaume-Uni confisque le passeport d’une journaliste syrienne à la demande du gouvernement syrien

Zaina Erhaim, contributrice pour MEE, accuse le gouvernement britannique de « collaborer » avec Bachar al-Assad après avoir été placée en retenue douanière à l’aéroport d’Heathrow
La journaliste syrienne Zaina Erhaim prend part à un groupe de discussion après avoir reçu le prix Peter Mackler 2015 au National Press Club, à Washington (AFP)
By MEE

Une activiste et journaliste syrienne, fervente critique du gouvernement de Bachar al-Assad, se serait vu confisquer son passeport par les autorités britanniques à la demande du gouvernement syrien.

Le passeport de Zaina Erhaim, militante et journaliste primée qui a écrit par le passé pour Middle East Eye, a été saisi jeudi par la douane britannique peu après son atterrissage à l’aéroport de Londres Heathrow, d’après le journal The Observer.

Après plus d’une heure d’interrogatoire, les autorités ont annoncé à Zaina Erhaim que son passeport avait été signalé comme volé.

Zaina Erhaim, qui vit actuellement en Turquie, était en déplacement afin de prendre part à un groupe de discussion, dans le cadre du Festival de la littérature de Kew, où elle devait apparaître aux côtés de Kate Adie, ancienne reporter et actuelle présentatrice pour la BBC. Elle s’était déjà rendue au Royaume-Uni en avril dernier afin d’y recevoir un prix décerné par l’organisation Index on Censorship et n’avait alors rencontré aucune difficulté.

« Je m’attends à faire l’objet de menaces dans mon pays », a-t-elle indiqué au journal The Observer.

« Je savais déjà que si je rentrais chez moi, je serais tuée. Maintenant, je sais aussi que Bachar al-Assad peut m’atteindre jusqu’au Royaume-Uni. Voilà comment fait un dictateur pour s’attaquer à un journaliste. »

Le ministère de l’Intérieur britannique a précisé qu’il n’avait pas le choix et qu’il devait se conformer à la demande du gouvernement de Bachar al-Assad car les passeports sont la propriété légale du gouvernement qui les a émis.

« Si un passeport est signalé comme perdu ou volé par un gouvernement étranger, nous n’avons pas d’autre choix que de le confisquer », a ainsi signalé un porte-parole, avant d’ajouter que Zaina Erhaim devrait demander l’assistance consulaire du gouvernement syrien.

Le passeport va être renvoyé à Damas ; et comme la journaliste ne mâche pas ses mots vis-à-vis du gouvernement de Bachar al-Assad, il est peu probable qu’elle le récupère. Elle possède encore un ancien passeport syrien, toujours en cours de validité, qu’elle pourrait utiliser pour retourner en Turquie, mais comme il ne reste plus la moindre place pour y apposer un visa ou un tampon de l’immigration, elle se voit dans l’impossibilité de quitter le pays.

« Le régime syrien tente de nous mettre des bâtons dans les roues. Et ils collaborent avec lui », a-t-elle dénoncé, en faisant référence au gouvernement britannique.

« Et ils se demandent encore pourquoi les Syriens arrivent aux quatre coins de l’Europe par bateau en demandant asile. »

L’attitude adoptée par le gouvernement britannique à l’égard du gouvernement de Bachar al-Assad n’a pas toujours été aussi tranchée. Alors qu’il a demandé à plusieurs reprises au président de quitter le pouvoir, il a également suggéré qu’il pouvait conserver son titre pour une période de transition.

Vendredi, le nouveau ministre des Affaires étrangères Boris Johnson a tenu des mots très durs contre le gouvernement syrien, prévenant qu’il ne pourrait pas y avoir de « cessez-le-feu tant qu’un véritable accord politique, prévoyant la mise en place d’une période de transition en vue du départ du gouvernement de Bachar al-Assad, n’aura pas été trouvé », avant d’ajouter que les forces syriennes étaient en grande partie responsables des plus de 400 000 morts, victimes de la guerre civile syrienne qui se joue depuis cinq ans.

Le ton du ministre s’est révélé en profonde contradiction avec celui adopté dans un article publié en décembre et rédigé par lui-même, dans lequel il appelait le gouvernement britannique à collaborer avec Bachar al-Assad afin de lutter contre le groupe État Islamique (EI).

L’annonce de la confiscation du passeport de la journaliste a suscité l’indignation de grandes personnalités qui se sont exprimées sur les réseaux sociaux.

L’organisation Index on Censorship, qui a organisé samedi la manifestation littéraire à laquelle Zaina Erhaim devait participer, s’est déclarée « consternée et clairement honteuse » face à cette situation.

« Cette femme a risqué sa vie simplement pour faire ce que tout journaliste qui se respecte aspire à faire, présenter les faits dans leur globalité, dans une zone de conflit qui est aussi son pays natal », a ainsi déploré Jodie Ginsberg, directrice de l’organisation.

« En adoptant une telle position, le Royaume-Uni envoie le message qu’il n’est pas du côté de ceux qui se battent pour défendre la dignité humaine dans la cruauté de la guerre. »

Traduit de l'anglais (original). 

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