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Le who’s who des dirigeants du Moyen-Orient et de leurs milliards secrets

L’importante divulgation de données expose en détail 40 ans de travail du cabinet d’avocats Mossack Fonseca, notamment les comptes dans les îles Vierges britanniques de personnalités de la région
Le roi saoudien Salmane ben Abdelaziz (à droite) escorte l’émir du Qatar, le cheikh Tamim ben Hamad al-Thani (AFP)
By MEE

Les dirigeants du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord et leurs familles ont utilisé des comptes offshores secrets pour cacher des milliards de dollars et gérer leurs investissements et actifs, selon les informations des « Panama Papers ».

Les détails de la vie financière de nombreux dirigeants figurent dans les 11,5 millions de documents fiscaux appartenant au cabinet d’avocats offshore panaméen Mossack Fonseca qui ont été divulgués.

Ces documents, qui ont été examinés par plus de 100 groupes de presse, ont été exposés au grand jour dimanche et ont été décrits comme la plus grande fuite de données de l’Histoire. Ils révèlent les transactions secrètes de 140 personnalités politiques, dont douze actuels ou anciens chefs d’État.

Parmi eux figurent des dirigeants du monde arabe, notamment du Qatar, des Émirats arabes unis, d’Arabie saoudite, d’Irak, de Jordanie, de Syrie, d’Égypte et du Maroc.

La grande quantité de dossiers révèle en détail certaines transactions financières effectuées par les riches dirigeants et leurs familles, dévoilant l’importance des portefeuilles de propriété et de comptes bancaires qui sont gérés par un réseau d’entreprises principalement enregistrées dans le paradis fiscal des îles Vierge britanniques.

Les documents de Mossack Fonseca exposent en détail plus de 40 ans de travail pour leurs clients, qui comprennent au moins 33 personnes et entreprises sur la liste noire des États-Unis pour des actes répréhensibles, comme certains intérêts iraniens et ceux du Hezbollah libanais.

Les documents ont été fournis par une source anonyme au journal allemand Süddeutsche Zeitung, lequel les a partagés avec les médias du monde entier par l’intermédiaire du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ).

D’après les propos rapportés par la BBC, Mossack Fonseca aurait déclaré opérer de manière « irréprochable » depuis 40 ans et n’avoir jamais été accusé d’un quelconque acte criminel.

Le gouvernement panaméen s’est engagé dimanche à « coopérer vivement » à toute enquête juridique qui pourrait suivre la révélation des données.

Voici une analyse réalisée par le ICIJ des documents qui se rapportent aux dirigeants du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ainsi qu’à leurs familles.

Les dirigeants

Qatar

L’émir du Qatar, cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani (à gauche) et le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères qatari, cheikh Hamad ben Jassim al-Thani (à droite) assistent à l’ouverture du Forum de Doha (AFP)

L’ancien Premier ministre, le cheikh Hamad ben Jassim ben Jaber al-Thani, a acheté une entreprise en 2002 qui a été enregistrée dans les îles Vierges britanniques ainsi que trois autres dans les Bahamas.

Grâce à ces entreprises, Thani, qui est communément appelé HBJ et a une fortune estimée à plus de 6 milliards d’euros, gérait son super-yacht al-Mirqab, d’une valeur d’environ 265 millions d’euros.

En 2011, HBJ a acheté quatre entreprises panaméennes titulaires de comptes bancaires au Luxembourg, où le Qatar avait récemment commencé à investir en raison du faible taux d’imposition, selon des documents en date de juillet 2013.

L’ICIJ n’a pas révélé le montant des sommes déposées sur ces comptes, mais révèle toutefois que l’émir du Qatar de l’époque était co-titulaire de deux de ses comptes ; le cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani apparaît également dans la fuite Mossack Fonseca car il possède une société dans les îles Vierges britanniques.

Le consortium a publié une copie du passeport de HBJ compris dans les documents divulgués, laquelle montrait son statut diplomatique, ce que l’ancien Premier ministre a utilisé récemment pour éviter les poursuites en Grande-Bretagne concernant les allégations selon lesquelles il aurait fait emprisonner et torturer à tort un citoyen britannique.

Un porte-parole de HBJ a déclaré à l’ICIJ ne pas « avoir le droit » de répondre à toute question relative aux documents divulgués parce qu’il est « lié par le secret professionnel ».

Émirats arabes unis

Le président émirati, cheikh Khalifa ben Zayed al-Nahyane (à gauche) regarde une exposition de photos, comprenant une photo de lui-même en compagnie de la reine Elizabeth II (AFP)

Le président Khalifa ben Zayed ben Sultan al-Nahyane était propriétaire d’au moins 30 sociétés établies dans les îles Vierges britanniques par Mossack Fonseca.

Grâce à ces entreprises, le dirigeant émirati contrôlait un vaste portefeuille de propriétés d’une valeur d’au moins 1,5 milliard d’euros qu’il possède dans les quartiers chics de Kensington et Mayfair à Londres.

L’achat de ces propriétés a, selon les documents, été financé par des prêts de la succursale londonienne de la Banque nationale d’Abu Dhabi et de la Royal Bank of Scotland.

Mossack Fonseca a géré les transactions du président avec tact et, en 2011, le cabinet d’avocats a écrit dans un document divulgué qu’il « hésitait généralement » à fournir des informations sur son identité.

Un cabinet d’avocats britannique qui représente Nahyane a dit à l’ICIJ qu’il était « dans l’incapacité » de commenter la fuite.

Arabie saoudite

Le roi saoudien Salmane ben Abdelaziz arrive pour assister à la cérémonie d’inauguration du projet Yanbu Aramco Sinopec Refining Company (YASREF) (AFP)

En 2009, le roi Salmane a contracté des emprunts à hauteur de 30 millions d’euros pour les prêts hypothécaires de ses luxueuses maisons du centre de Londres.

Le rôle du roi n’est pas spécifié dans les documents, selon l’ICIJ, mais les prêts hypothécaires seraient « en relation avec » lui et ses actifs.

Les documents nomment aussi le roi comme le principal utilisateur d’un yacht à moteur appelé Erga, d’après le nom de son palais à Riyad.

L’ambassade d’Arabie saoudite aux États-Unis n’a pas répondu à l’ICIJ lorsqu’il lui a demandé de commenter la fuite.

Irak

Rencontre entre le Premier ministre irakien par intérim Iyad Allaoui et les politiciens locaux et chefs tribaux dans la ville natale du dirigeant déchu Saddam Hussein, Tikrit (AFP)

L’ancien Premier ministre, Iyad Allaoui, a utilisé une société enregistrée au Panama pour au moins en partie gérer des biens de valeur qu’il possède à Londres.

Allaoui, qui s’est opposé à l’ancien dirigeant Saddam Hussein en exil avant de devenir Premier ministre en 2004 après l’invasion américaine, était l’unique actionnaire de IMF Holdings, selon les documents divulgués de Mossack Fonseca.

Les documents montrent qu’en avril 2013, la société a été enregistrée par le cabinet avec une valeur estimée à 1,3 million d’euros.

Allaoui détenait une autre société enregistrée au Panama, Moonlight Estates Limited, qui avait aussi en sa possession des propriétés situées à Londres ; cependant, l’ICIJ n’a pas signalé leur valeur ou statut.

Un service de presse représentant Allaoui a déclaré à l’ICIJ que la société FMI avait été créée pour posséder la propriété résidentielle détenue par l’ancien Premier ministre irakien.

Il a déclaré que « tout revenu généré au Royaume-Uni à partir des propriétés détenues par ces sociétés a été pris en compte comme il se doit » et que « les impôts ont été payés en temps et en heure ».

Jordanie

Ali Abu Ragheb assiste à une réunion du Parlement à Amman, 14 août 2003 (AFP)

L’ancien Premier ministre Ali Abu al-Ragheb possédait plusieurs sociétés enregistrées dans les îles Vierges britanniques et les Seychelles, qu’il codirigeait avec sa femme Yusra.

La société des îles Vierges britanniques a été désignée par l’ICIJ comme étant la Jaar Investment Ltd, qui détenait un compte bancaire pour Ragheb et son épouse à Genève.

Cette société a été dissoute en août 2008.

Ragheb fut Premier ministre de Jordanie de 2000 à 2003, date à laquelle il a démissionné et rejoint les conseils d’administration de grandes sociétés jordaniennes de finance et d’assurance.

Les documents de Mossack Fonseca montrent également que, jusqu’en décembre 2014, Ragheb possédait trois entreprises aux Seychelles, et que ses fils ont été répertoriés comme administrateurs de nombreuses autres sociétés des Îles Vierges britanniques, notamment Desertstar Investment Capital Limited, qui détenait un compte bancaire à l’Arab Bank de Genève et a été utilisé pour investir en Jordanie.

La famille des dirigeants

Syrie

Rami Makhlouf a cofondé Syriatel, puis a pris 73 % des actions de la société de télécommunications, dont la plupart ont été enregistrées dans les îles Vierges britanniques (AFP)

Deux cousins du président syrien Bachar al-Assad, Rami et Hafez Makhlouf, ont eu recours à Mossack Fonseca pour gérer leurs vastes et lucratifs investissements découlant de leur relation avec le chef de l’État syrien.

L’ICIJ a rapporté qu’en 2002 Rami Makhlouf a cofondé Syriatel, une entreprise de téléphonie mobile syrienne, qu’il a ensuite pris 73 % des actions, dont la plupart a été enregistrée dans une société des îles Vierges britanniques qu’il possédait.

Les documents révèlent que les frères Makhlouf étaient titulaires d’un grand nombre de comptes bancaires à Genève.

Les documents montrent que, en février 2011, à peu près au moment où les manifestations ont éclaté contre Assad, le personnel de Mossack Fonseca avait discuté par email des allégations de corruption portées contre la famille Makhlouf et des sanctions imposées par le Trésor américain, selon l’ICIJ.

En juin 2011, la British Virgin Islands Financial Services Commission a écrit à Mossack Fonseca concernant une enquête sur le blanchiment d’argent menée contre la famille, ce qui a incité le cabinet d’avocats à couper ultérieurement ses liens avec la famille Makhlouf.

Aucun des deux frères Makhlouf n’a répondu aux demandes de commentaires de l’ICIJ.

Égypte

Une capture d’écran tirée de la télévision d’État égyptienne montre Alaa Moubarak, fils du président égyptien déchu Hosni Moubarak, derrière les barreaux (AFP)

Alaa Moubarak, le fils aîné de l’ancien président Hosni Moubarak, était propriétaire de Pan World Investments Inc, une société enregistrée aux îles Vierges britanniques qui a été gérée par le Crédit Suisse.

Lorsque son père a été chassé du pouvoir en 2011, Alaa a été arrêté par les autorités égyptiennes. Les autorités des îles Vierges britanniques ont alors demandé à Mossack Fonseca de geler les avoirs de Pan World en vertu de la législation de l’Union européenne.

Le cabinet d’avocats panaméen s’est vu infliger une amende d’environ 33 000 euros en 2013 pour avoir omis de mener à bien des contrôles sur Alaa Moubarak, qui avait été désigné comme un « client à risque élevé ».

Les documents rapportés par l’ICIJ montrent que Mossack Fonseca a admis que ses procédures comportaient de « graves lacunes » et les enquêtes ultérieures contre Moubarak ont incité le personnel du cabinet d’avocats à admettre que « d’autres infractions » pourraient être trouvées.

Le personnel de Mossack Fonseca a dit avoir « très peu de contrôle » sur la société Pan World de Moubarak et en avril 2015, le cabinet a renoncé à être son agent.

Contacté par l’ICIJ, Alaa Moubarak n’a pas souhaité commenter la fuite.

Maroc

Le secrétaire particulier du roi du Maroc Mounir Majidi (AFP)

Mounir Majidi, secrétaire particulier du roi Mohammed VI du Maroc, a supervisé les transactions de plusieurs millions de dollars d’une société enregistrée dans les îles Vierges britanniques. Celles-ci ont permis d’acheter une voiture de luxe utilisée par le roi et de réaliser la coûteuse rénovation d’un appartement à Paris.

Majidi, qui est devenu le secrétaire privé du roi en 2000, a été nommé à la tête de SIGER en 2002, la holding de la famille royale du Maroc qui contrôle ses intérêts dans l’exploitation minière, l’agriculture et les télécommunications.

Majidi, qui contrôle par procuration la société SMCD, a acheté en janvier 2006 une voiture de luxe des années 1930 qui a ensuite été nommée El-Boughaz I et est maintenant détenue et utilisée par le roi.

En 2003, une société de droit luxembourgeois que Majidi administrait a emprunté 37 millions d’euros à une société enregistrée par Mossack Fonseca pour acheter et rénover un appartement de luxe à Paris, selon l’ICIJ.

Un avocat représentant Majidi a déclaré à l’ICIJ que les transactions d’affaires ont été menées « en strict conformité avec les réglementations ».

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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