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Tunisie : El Kamour enterre son manifestant

Dans un calme précaire, Mohamed Sekrafi, tué lundi 22 mai par un véhicule de la gendarmerie, a été enterré à El Kamour, près de Tataouine
Portrait de Mohamed Sekrafi, le jeune manifestant tué lundi 22 mai près de Tataouine, dans le sud tunisien (Twitter)

Des milliers de personnes en colère ont afflué mardi près de Tataouine, dans le sud tunisien en ébullition, pour assister aux funérailles du manifestant tué la veille lors d'affrontements avec les forces de l'ordre à proximité d'un complexe pétrolier.

De leur côté, les autorités ont mis en garde contre un dérapage de la situation dans cette région de Tataouine (à 500 km au sud Tunis) où un calme précaire régnait à la mi-journée, au lendemain de heurts inédits depuis plus d'un an dans le pays.

Selon une journaliste de l'AFP, un flux ininterrompu de véhicules était pendant ce temps enregistré à Bir Lahmer, la localité d'origine du manifestant tué, à 30 km de Tataouine.

« Avec nos âmes, avec notre sang, nous nous sacrifierons pour le martyr », ont scandé les milliers de personnes présentes, dans l'attente des funérailles prévues dans l'après-midi.

Des Tunisiens portent le cercueil du manifestant tué lundi 21 mai à El Kamour (AFP)

Après un mois d'un sit-in pacifique motivé par des revendications sociales, ce jeune manifestant a été tué lundi « accidentellement » selon les autorités, par un véhicule de la Garde nationale (gendarmerie), à proximité du site pétrolier d'El Kamour, à deux heures de route de Tataouine.

La tension y était montée durant le week-end, les forces de l'ordre faisant ensuite usage lundi de gaz lacrymogène pour empêcher des protestataires d'entrer dans le complexe, une première depuis que le président Béji Caïd Essebsi a solennellement demandé le 10 mai aux militaires de protéger les sites de production du pays.

Les événements les plus sérieux depuis 2016

Aucun nouvel incident n'a été observé mardi matin à El Kamour, où certains manifestants continuent de réclamer une meilleure répartition des richesses et des recrutements prioritaires dans les sociétés pétrolières malgré des annonces gouvernementales.

Un calme précaire prévalait aussi à Tataouine, où des heurts violents avaient également éclaté la veille.

Ces violences ont fait des dizaines de blessés, dont une vingtaine de membres des forces de l'ordre, et des bâtiments publics ont été incendiés.

Traduction : « Ce qui se passe à El Kamour est un complot. Des personnes masquées arrivent de l'extérieur pour causer des dégâts. Ben Ali : "Ah, ça me rappelle quelque chose" »

Dans un pays secoué par de fréquents troubles sociaux depuis la chute de la dictature en janvier 2011, il s'agit des événements les plus sérieux depuis début 2016.

À l'époque, l'unique pays rescapé du Printemps arabe avait connu la plus importante contestation sociale depuis la révolution après la mort d'un jeune lors d'une manifestation pour l'emploi à Kasserine, une autre région défavorisée.

« Il y a de l'incitation sur les réseaux sociaux, des appels à la désobéissance civile, et même au coup d'État dernièrement », a déploré lundi soir le porte-parole de la Garde nationale, Khalifa Chibani, sur la radio Mosaïque FM.

Période délicate

Le ministre de l'emploi Imed Hammami, chargé des négociations sur le dossier El-Kamour/Tataouine, avait auparavant accusé – sans les nommer – « des candidats à la présidence et des partis en faillite » d'être derrière ces évènements.

Selon Mosaïque FM, des heurts nocturnes ont eu lieu à Kébili, à plus de 200 km au nord-ouest de Tataouine. Une grève générale a été décrétée mardi dans la ville voisine de Douz. Et, en matinée, une centaine de personnes se sont rassemblées à Gafsa (centre), reprenant le slogan de Tataouine « on ne lâche rien », d'après un correspondant de l'AFP.

La période par laquelle passe la Tunisie est délicate, a commenté Mohamed Ennaceur, le président du Parlement, où une session plénière a été consacrée à la situation.

Le gouvernement doit s'attaquer aux problèmes équi font ressentir aux Tunisiens que rien n'a changé depuis le 14 janvier 2011. Sinon le pire est à craindre, a plaidé le quotidien La Presse.

À Tunis, où des manifestations ont eu lieu lundi, certains slogans de la révolution ont ressurgi, dans un contexte où le pouvoir est déjà vivement décrié pour un projet de loi d'amnistie, sous conditions, des faits de corruption.

« Le chef de l’État est responsable de ce décès, de ce qui s’est passé à Tataouine et se passera dans d'autres régions, surtout après son discours » sur le recours à l'armée, a réagi la Coordination nationale des mouvements sociaux.

Le porte-parole du gouvernement Iyed Dahmani a lui rappelé sur Shems FM que la Tunisie était « aujourd'hui un régime démocratique » : « Dans toutes les démocraties, il n’y a pas d'autre solution que d'appliquer la loi et de dialoguer avec les manifestants », a-t-il dit.

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