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Arabie saoudite : les femmes face à des difficultés supplémentaires en raison d’un amendement du droit à la nationalité

Le pouvoir d’accorder la nationalité aux enfants des Saoudiennes a été transféré au prince héritier Mohammed ben Salmane, ce qui rendra le processus encore plus laborieux selon les activistes
Les enfants d’une Saoudienne et d’un ressortissant étranger ne peuvent être naturalisés qu’à l’âge de 18 ans, sous certaines conditions (Faye Nureldine/AFP)
Les enfants d’une Saoudienne et d’un ressortissant étranger ne peuvent être naturalisés qu’à l’âge de 18 ans, sous certaines conditions (Faye Nureldine/AFP)

Les activistes craignent que l’introduction d’un amendement au droit à la nationalité en Arabie saoudite ne rende encore plus difficile pour les Saoudiennes d’obtenir la naturalisation de leurs enfants.

Cet amendement, approuvé le 4 janvier, transfère l’autorité de l’octroi de la nationalité du ministère de l’Intérieur au prince héritier Mohammed ben Salmane en remplaçant la phrase « par une décision du ministre de l’Intérieur » par « par ordre du Premier ministre se fondant sur une proposition du ministre de l’Intérieur » dans l’article 8 du système de nationalité saoudien.

Les enfants dont le père est Saoudien obtiennent automatiquement la nationalité (AFP)
Les enfants dont le père est Saoudien obtiennent automatiquement la nationalité (AFP)

Le prince héritier a été nommé Premier ministre lors d’un remaniement ministériel annoncé en septembre 2022.

L’article 8 stipule qu’un enfant né d’une Saoudienne et d’un ressortissant étranger peut être naturalisé à l’âge de 18 ans, si certaines conditions sont remplies.

« Le principal problème, c’est que le sujet est traité comme s’il s’agissait d’une autorité que le Premier ministre évalue. On ne considère pas qu’une Saoudienne a le droit de transmettre sa nationalité [à ses enfants] », indique Taha al-Hajji, avocat et consultant juridique pour European-Saudi Organisation for Human Rights.

Les enfants de mère saoudienne et de père étranger ne peuvent demander la nationalité que s’ils résident de manière permanente dans le royaume, qu’ils connaissent l’arabe et qu’ils ont une « bonne conduite ». Ils doivent la demander dans l’année suivant leurs 18 ans. 

Mais même alors, les demandes de naturalisation peuvent être rejetées.

À l’inverse, les enfants dont le père est Saoudien obtiennent automatiquement la nationalité. 

Le rôle croissant du prince héritier

Activiste saoudienne et universitaire vivant aux États-Unis, Hala al-Dosari estime que ce changement constituera certainement un autre fardeau juridique pour les Saoudiennes et leurs enfants. 

« Il pourrait être encore plus difficile pour [les enfants de mère saoudienne et de père étranger] de naviguer dans le système aujourd’hui, parce qu’avant, il y avait certains leviers pour influencer la prise de décision », confie-t-elle à Middle East Eye. « Mais il n’y a plus de levier pour eux. »

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Hala al-Dosari explique que le difficile processus de naturalisation des enfants des Saoudiennes contraint de nombreuses mères à demander l’aide de médiateurs, de gouverneurs ou de personnalités influentes au sein de la famille régnante. Mais avec ce nouvel amendement, cela ne sera plus possible. 

« Déjà aujourd’hui avec l’intervention de membres de la famille régnante, elles n’ont pas accès aux mêmes leviers qu’avant, sous la précédente administration, tout simplement parce que [Mohammed] ben Salmane est une personne plutôt inaccessible, qui ne dirige qu’un très petit groupe de conseillers, et ces conseillers sont des béni-oui-oui », poursuit-elle.

Plusieurs femmes ont exprimé leurs craintes à propos des ramifications de ce changement sur les réseaux sociaux.

Traduction : « L’avocat saoudien @tahaalhajji explique que la nouvelle loi qui autoriserait les enfants des Saoudiennes à demander la nationalité n’est que du bluff. Ce droit est toujours strictement soumis à condition et uniquement accordé à la discrétion du Premier ministre [MBS], alors que c’était avant du ressort du ministère de l’Intérieur. »

Traduction : « Cet amendement rend plus difficile la naturalisation des enfants des Saoudiennes et ce pays continue de prouver encore et encore qu’il est tout en bas de l’échelle de la civilisation humaine lorsqu’il traite ses femmes comme des citoyens de dixième zone. »

« Les activistes et les Saoudiennes demandent à être traités comme les hommes à cet égard, que la naturalisation soit un droit pour les [enfants des] Saoudiennes, sans avoir à se soumettre à cette liste de conditions, de procédures, de normes, et à des années d’attente pour qu’on leur accorde la nationalité – même alors, l’obtention n’est pas assurée », résume Taha al-Hajji à Middle East Eye.

Tous deux mentionnent le fait que cette nouveauté montre le rôle croissant du prince héritier aux postes clés du royaume.

Ce n’est « pas surprenant de la part d’une personnalité comme [Mohammed] ben Salmane », commente Hajji.

Confusion et controverse sur internet

Hala al-Dosari abonde en son sens. « C’est quelque chose que l’on constate depuis que Mohammed ben Salmane est arrivé au pouvoir », remarque-t-elle. « La plupart des postes clés dans le pays ont été chamboulés. Cela montre à quel point il cherche à contrôler tous les aspects de la société. »

Si ce dernier amendement n’a pas été plus loin que le transfert de l’organe de décision du ministère de l’Intérieur à la présidence du Conseil des ministres, des informations qui circulent en ligne présentent cette modification comme une percée dans la naturalisation des enfants de mère saoudienne.

Depuis que l’amendement a été signalé le 11 janvier, les citoyens ont afflué sur les réseaux sociaux avec des réactions mitigées, et le hashtag « naturalisation des enfants des citoyennes » en arabe est devenu tendance dans le royaume.

Certains ont défendu l’initiative qui avait été rapporté de manière inexacte, un twitto a même affirmé que le processus de naturalisation est un « droit » pour les Saoudiennes et leurs enfants.

Traduction : « Malgré les déformations, je suis pour la naturalisation des enfants des Saoudiennes et pour leur accorder la nationalité saoudienne. Vous n’avez pas le droit de demander ''Pourquoi avez-vous épousé un étranger ? '' Et vous n’avez pas le droit de trahir ses enfants, qu’elle a élevés pour aimer ce pays. Une femme est comme un homme, elle a les mêmes droits et les mêmes responsabilités. »

Beaucoup critiquent ce changement, citant l’opposition à la naturalisation des « étrangers » et plusieurs commentateurs ont suggéré que les femmes ne s’engageraient dans cette procédure que pour obtenir des aides de l’État.

Traduction :  « Que signifie la naturalisation de 5 millions d’enfants d’étrangers ? Cela signifie un accroissement du taux de chômage de 5 millions de personnes et l’effet d’éviction de 5 millions d’étrangers pour les Saoudiens au chômage. Maudite soit l’égalité [des sexes] si elle engendre des désastres pour le pays. »

Traduction : « La naturalisation des enfants des Saoudiennes est le plus grand danger pour l’Arabie saoudite. La nationalité saoudienne est formidable et c’est une perte au profit des étrangers qui ne se soucient de rien d’autre et leur objectif avec cette naturalisation est uniquement pour leur propre bénéfice. » 

Il est difficile pour les ressortissants étrangers d’obtenir la nationalité saoudienne. Fin 2021, le royaume a annoncé qu’il accordait la nationalité à un certain nombre d’« experts et de talents mondiaux exceptionnels ». 

Le programme de naturalisation visait des expatriés dans les domaines de la médecine, des sciences, de la culture, des sports, de la technologie et des études islamiques dans le cadre les objectifs de Vision 2030.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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