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Après dix ans de prison, le blogueur et militant saoudien Raif Badawi est libre

Incarcéré pour « insulte à l’islam », le militant des droits humains saoudien Raif Badawi est devenu un symbole de la liberté d’expression dans le monde
Ensaf Haidar, la femme de Raif Badawi, devant le Parlement européen à Strasbourg à l’occasion d’une manifestation, en décembre 2015 (AFP/Patrick Hertzog)
Ensaf Haidar, la femme de Raif Badawi, devant le Parlement européen à Strasbourg à l’occasion d’une manifestation, en décembre 2015 (AFP/Patrick Hertzog)
Par AFP

« Raif m’a appelée, il est libre », a déclaré très émue vendredi sa femme, Ensaf Haidar. Une nouvelle confirmée par un responsable de la sécurité saoudienne sous couvert d’anonymat.

« J’ai sauté partout quand je l’ai appris. Je n’y croyais plus. J’ai hâte de voir mon papa, tellement hâte », a confié l’une de ses filles, Najwa Badawi, 18 ans.

L’ancien lauréat du prix Reporters sans frontières pour la liberté de la presse, âgé de 38 ans aujourd’hui, avait été arrêté en 2012 puis condamné fin 2014 à dix ans de prison et à cinquante coups de fouet hebdomadaires pendant vingt semaines pour avoir plaidé notamment pour la fin de l’influence de la religion sur la vie publique.

Beaucoup d’émotion

La première séance de flagellation sur une place publique en Arabie saoudite en 2015 avait choqué le monde pour son caractère « médiéval », selon l’expression d’une ministre suédoise à l’époque. Il n’a plus été fouetté par la suite.

« Raif Badawi, défenseur des droits humains en Arabie saoudite, a enfin été libéré ! », a tweeté vendredi Amnistie internationale Canada, parlant d’une « nouvelle tant attendue ».

« Vous vous êtes mobilisé.e.s par milliers à nos côtés dans la défense de Raif Badawi depuis 10 ans. Un grand merci à toutes et tous pour votre soutien sans relâche », a ajouté l’ONG. 

Pour Colette Lelièvre, qui a suivi le dossier pour Amnistie internationale Canada, c’est un « grand soulagement ».

Après avoir reçu le coup de téléphone de Raif Badawi, « Ensaf perdait ses mots parce que c’était trop soudain. Elle a travaillé tellement fort pour libérer son mari que les émotions la submergent », a-t-elle confié vendredi.

Interdiction de quitter le territoire

Ensaf Haidar, devenue citoyenne canadienne, vit au Québec, à 150 kilomètres de Montréal, avec leurs trois enfants. Elle avait raconté à l’AFP en février avoir pu maintenir le contact avec son mari en lui parlant « jusqu’à trois fois par semaine » par téléphone. 

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Elle se bat depuis des années pour sa libération et pour qu’il puisse les rejoindre. Le Québec a ouvert la voie à l’exil de Raif Badawi au Canada en le plaçant sur une liste prioritaire d’immigrants potentiels pour raisons humanitaires.

Mais Amnestie rappelle que le blogueur saoudien reste pour l’instant soumis à une interdiction de quitter le royaume pendant dix ans une fois sa peine purgée.

Le Premier ministre canadien Justin Trudeau s’est dit vendredi sur Twitter « soulagé que Raif Badawi ait enfin été libéré ».

La répression brutale des voix dissidentes et l’emprisonnement des militants en Arabie saoudite sont à ce jour dénoncées par des ONG internationales et l’ONU, même si le royaume cherche à améliorer son image internationale en entreprenant certaines réformes. 

La répression brutale des voix dissidentes et l’emprisonnement des militants en Arabie saoudite sont à ce jour dénoncées par des ONG internationales et l’ONU, même si le royaume cherche à améliorer son image internationale en entreprenant certaines réformes

La sœur de Raif Badawi, Samar Badawi, ainsi que la militante Nassima al-Sadah, libérées en 2021, restent bloquées dans le royaume.

Musulman sunnite comme la majorité des Saoudiens, Raif Badawi a fait des études d’économie et dirigé un institut d’apprentissage de l’anglais et des techniques informatiques, selon son épouse. 

Il aime lire et s’est fait connaître par ses écrits en faveur de la liberté d’expression.

Le blogueur est lauréat du prix RSF 2014 dans la catégorie net-citoyen. Il a aussi été choisi en 2015 par les chefs de file des groupes politiques du Parlement européen comme lauréat du Prix Sakharov pour la liberté d’expression.

En 2015 et 2016, il figurait parmi les nominés pour le prix Nobel de la Paix.

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