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The Dissident sort en France : l’affaire Khashoggi, une « injustice spectaculaire »

« Si Macron voit The Dissident, il sera tenté de changer d’attitude avec l’Arabie saoudite et de recalibrer les relations entre vos deux pays », a déclaré à un média français le réalisateur du documentaire
Pour le réalisateur du documentaire, « Emmanuel Macron n’a rien fait, il n’a pris aucune sanction contre l’Arabie saoudite » (Capture d’écran)
Pour l’Américain Bryan Fogel, le réalisateur du documentaire, « Emmanuel Macron n’a rien fait, il n’a pris aucune sanction contre l’Arabie saoudite » (capture d’écran)
Par MEE

« Un documentaire explosif, instructif et terrifiant, qui délivre ce constat implacable : personne n’est à l’abri, de mesures de surveillance, d’espionnage ou de rétorsion en cas de comportement subversif envers certains puissants de ce monde. »

Le site de critique spécialisé Le Bleu du miroir ne tarit pas d’éloges sur The Dissident. Le documentaire de l’Américain Bryan Fogel, qui décortique l’affaire de l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, le 2 octobre 2018 au consulat de son pays à Istanbul, sort en France ce lundi 15 mars en vidéo à la demande.

Plusieurs médias français ont publié des critiques et des interviews du réalisateur à cette occasion.

« L’un des autres atouts de ce documentaire, dont la musique, le montage et la photographie sont par ailleurs particulièrement soignés, réside dans les images d’archives exceptionnelles, certaines issues de caméras de surveillance qui restituent les moments précédents le meurtre atroce de Khashoggi – dont on pense avec certitude qu’il a été démembré vivant avec une scie à os. Certains passages sont d’ailleurs glaçants, quand on comprend la minutie et la froideur avec lesquelles cet acte indicible a été commis », poursuit Le Bleu du Miroir.  

« Quand les médias ont commencé à parler de la disparition de Jamal Khashoggi, cet homme dont je ne connaissais rien, dans ce consulat à Istanbul, puis de son meurtre, j’ai été immédiatement happé par cette histoire », raconte Bryan Fogel sur la radio publique France Inter.

L’« affaire Mohammed ben Salmane »

« J’y ai vu une injustice spectaculaire. J’ai commencé à me renseigner sur cet homme. Et j’ai été frappé par ce que j’ai trouvé. Il se trouve que dans les pays occidentaux, les lobbyistes saoudiens et leurs officines de propagande ont cherché à dépeindre Jamal Khashoggi comme un Frère musulman, un partisan du groupe État islamique, un ami de Ben Laden. Donald Trump lui-même a repris cette narration en commentant la mort de Jamal Khashoggi sur le ton : ‘’Je ne connais pas ce type, mais d’après ce que j’ai entendu, c’est pas un gentil’’ », explique le réalisateur sur cette radio.

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« En parallèle, je lisais ses articles dans le Washington Post, je regardais les vidéos de ses conférences, ses interventions à la télévision. Plus j’interrogeais les gens à son propos, plus je remontais le cours de sa vie et plus je voyais qu’il s’agissait en fait de quelqu’un qui n’avait rien de radical, au contraire ! Un modéré, qui aimait son pays et voulait le rendre meilleur. Tout ce qu’il promouvait, je pense que tout Occidental pouvait le partager avec lui », poursuit-il.

Le quotidien Le Monde note que ce récit « est devenu aujourd’hui l’‘’affaire Mohammed ben Salmane’’ » : « La responsabilité incontestable du maître de ce royaume de sable apparaît à tous les carrefours de cette enquête. Le pouvoir absolu entraîne la responsabilité absolue. La complicité silencieuse des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France, autant de pays prêts à rester muets devant la promesse d’un juteux marché d’armement, n’en est pas moins réelle. » 

« Bien que le documentaire n’apporte pas beaucoup d’éléments nouveaux sur ce qu’on savait déjà du meurtre, il reste crucial à voir », souligne le site culture et société Justfocus.fr.

« Il montre une facette du royaume et de sa machine à propagande que le public ne connaît probablement pas. Ses forces résident dans les compétences de narration du réalisateur ainsi que dans la passion, la diversité et la clarté des intervenants. »

« Condamner un meurtre à haute voix ne suffit pas »

« Je n’ai pas de message : aucun pays n’est à l’abri de ce genre d’abus ou de crimes contre la liberté de la presse ou contre les droits de l’homme, comme ce qui s’est passé pour les États-Unis avec Abou Ghraib en Irak », rappelle encore le réalisateur sur France Inter.

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« Mais les gens qui verront ce film pourraient demander à ce que leur pays réévaluent leurs relations avec les pays qui se comportent ainsi, et plaident pour des sanctions. »

« Je pense que si Macron voit The Dissident, il sera tenté de changer d’attitude avec l’Arabie saoudite et de recalibrer les relations entre vos deux pays. Il voudra peut-être prendre des sanctions ou agir pour que ce genre d’atrocités ne se reproduise pas », estime Bryan Fogel sur les colonnes de l’hebdomadaire L’Express.  

Dans cette même interview, le réalisateur regrette que « Joe Biden ait fait le choix de ne faire porter aucune responsabilité à ben Salmane. Le monde entier sait désormais que les États-Unis tolèrent l’assassinat d’un journaliste et ne feront rien à ceux qui en sont responsables ».

Et d’ajouter : « C’est la même chose en France : Emmanuel Macron n’a rien fait, il n’a pris aucune sanction contre l’Arabie saoudite et la France n’a pas arrêté de vendre des armes au royaume. Le problème est mondial, c’est une honte. Condamner un meurtre à haute voix ne suffit pas. » 

« Fogel montre aussi la fragilité de la liberté d’expression dans un monde où il est plus facile de se taire et baisser la tête. Il met aussi l’accent sur le rôle et l’influence des réseaux sociaux pour dicter la puissance d’un régime. Il nous montre comment un meurtre vivement médiatisé peut être complètement effacé au XXIe siècle », ajoute Justfocus.fr.

Pour Bryan Fogel, « le film peut atteindre bien plus de personnes qu’un rapport de l’ONU ou une enquête gouvernementale censurée et classifiée. Des citoyens informés peuvent peut-être mieux pousser leur gouvernement démocratique à faire des droits de l’homme une priorité absolue ».

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