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« Folle furieuse », « bouffonne », « irresponsable » : le retour de Sophie Pétronin au Mali provoque un tollé en France

L’ex-otage franco-suisse de 76 ans, libérée en octobre 2020 après quatre ans aux mains d’un groupe affilé à al-Qaïda, est retournée au Mali, où elle a vécu pendant 25 ans et où elle s’est convertie à l’islam
Sophie Pétronin à son arrivée en France, le 9 octobre 2020, accueillie par sa famille et le président Emmanuel Macron (AFP/Gonzalo Fuentes)
Sophie Pétronin à son arrivée en France, le 9 octobre 2020, accueillie par sa famille et le président Emmanuel Macron (AFP/Gonzalo Fuentes)
Par MEE

Elle y a passé 25 ans, y a adopté une petite fille prénommée Zeinabou et s’y est convertie à l’islam : la Franco-Suisse Sophie Pétronin, 76 ans, est retournée dans le pays qu’elle considère comme le sien, le Mali.

Mais en faisant ce choix, l’ex-otage, qui a passé quatre années aux mains du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), alliance de groupes islamistes armés affiliés à al-Qaïda, avant d’être libérée en octobre 2020, a suscité un tollé sur les réseaux sociaux et dans la classe politique française.

« Nous déplorons le retour de Sophie Pétronin au Mali », a réagi le porte-parole du gouvernement français Gabriel Attal, en confirmant ce retour, annoncé depuis la veille par plusieurs médias français.

Le secrétaire d’État français a dénoncé une « forme d’irresponsabilité » vis-à-vis de « sa sécurité », mais aussi, vis-à-vis « de la sécurité de nos militaires ».

« Lorsque nous avons des ressortissants qui sont pris en otage à l’étranger, ce sont nos militaires qui vont les secourir au péril de leur vie. Nous avons des soldats qui ont été tués dans le cadre d’opérations pour aller secourir des otages qui avaient été faits prisonniers dans des pays étrangers », a-t-il souligné.

En octobre 2020, le ministère de la Défense algérien avait dénoncé la libération de plus de 200 prisonniers – pour l’essentiel des islamistes armés – par Bamako et le paiement d’une « rançon conséquente » en échange de la libération de quatre otages, dont Sophie Pétronin.

À l’époque, le Premier ministre français Jean Castex avait démenti tout paiement de rançon par la France alors que des sources maliennes citées par des médias français évoquaient « une rançon de six millions d’euros ».

« Une insulte au sang versé des militaires français au Mali »

« Elle a été convertie par ses bourreaux… Nous l’avons tous subodoré en la voyant descendre de l’avion, dommage que ça n’ait pas été dit à l’époque », a déclaré la responsable d’extrême droite Marine Le Pen, candidate à la présidentielle de 2022.

Son porte-parole, Sébastien Chenu, a été encore plus virulent mercredi sur BFMTV en soulignant : « Aucun Français ne mérite de prendre des risques pour une bouffonne pareille, aucun militaire ne mérite de mourir pour des personnes qui salissent ce que la France a l’honneur de faire pour eux. […] Elle veut vivre au Mali, elle veut vivre avec ses bourreaux, elle s’est convertie, elle est heureuse là-bas, qu’elle y reste. Ça ne doit plus nous coûter un euro. »

Le maire de Béziers Robert Ménard (tendance extrême droite) s’est dit « scandalisé » sur LCI : « J’ai passé vingt ans de ma vie à m’occuper d’histoire d’otages [en tant que co-fondateur de l’association Reporters sans frontières], tout le monde sait qu’elle a été libérée parce qu’il y a eu des échanges, plus de 200 djihadistes [ont été libérés] à cause de cette folle furieuse. »

Sur CNews, l’éditorialiste Gérard Carreyrou a jugé que le retour de l’ex-otage au Mali était « irresponsable ». « C’est une insulte au sang versé des militaires français au Mali », a-t-il déclaré. « L’État sera obligé – et c’est ça qui est tragique – et remettra les mêmes moyens [pour la libérer si elle était à nouveau enlevée]. »

« Je suis chez moi ici »

Sitôt libérée, Sophie Pétronin avait exprimé son intention de retourner au Mali.

« Pourquoi irresponsable ? Je suis chez moi ici », a-t-elle répondu au gouvernement français. « Oui, je suis au Mali depuis un moment. Mais je ne suis pas inquiète et je ne suis pas inquiétée », a-t-elle dit, semblant confirmer qu’elle vivait dans les faubourgs de la capitale Bamako. « Je me porte bien. Et je suis heureuse d’être là où je suis. Je n’embête personne et personne ne m’embête. »

Selon le site Mediapart qui l’avait rencontrée en novembre, c’est en mars que Sophie Pétronin est retournée au Mali en compagnie de son fils, Sébastien, mais sans visa, ses demandes ayant été refusées en France et en Suisse.

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« Depuis sa libération, le 8 octobre 2020, l’état mental et physique de l’ex-otage, âgée de 76 ans, n’a cessé de se dégrader. Son corps s’est voûté. La tête dans les épaules, elle passe alors ses journées sur Internet à consulter des articles sur le Mali. En contemplant sa mère, [Sébastien, son fil] comprend qu’‘’elle se sent encore plus prisonnière que dans le désert’’», raconte Mediapart.

Une fois de retour à Gao, elle a pu retrouver sa fille : « Elle s’est jetée sur moi. J’ai retrouvé la petite que j’avais laissée il y a quatre ans. C’est un sentiment indescriptible », rapporte l’ex-otage à Mediapart. « Avec l’aide de sa mère ces huit derniers mois, Zeinabou a repris les études et même obtenu son baccalauréat. » 

Rien du retour de l’ex-otage au Mali n’avait filtré jusqu’à fin octobre. La direction de la gendarmerie malienne a alors donné instruction à toutes les unités de « rechercher très activement » Sophie Pétronin.

Les gendarmes avaient reçu l’ordre de « l’appréhender et la conduire sous bonne escorte » à la direction de la gendarmerie, disait ce message interne, publié sur des réseaux sociaux et authentifié par l’AFP auprès de services compétents.

Depuis la libération de Sophie Pétronin, il ne reste qu’un seul otage français à l’étranger, le journaliste Olivier Dubois, enlevé début avril au Mali.

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