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L’économie mondiale va mal à cause de la pandémie ? Oui, mais pas l’industrie de l’armement

Selon les données du SIPRI, les ventes d’armes ont augmenté en 2020 alors même que l’économie mondiale s’est contractée de 3,1 % au cours de la première année de pandémie
En 2020, les ventes d’armes des 100 plus grandes entreprises d’armement sont supérieures de 17 % à celles de 2015 (AFP/Ronny Hartmann)
En 2020, les ventes d’armes des 100 plus grandes entreprises d’armement sont supérieures de 17 % à celles de 2015 (AFP/Ronny Hartmann)
Par MEE

Si la pandémie de COVID-19 a des répercussions négatives sur des pans entiers de l’économie mondiale, il est un marché qui s’en sort relativement bien : l’armement.

Selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), les ventes d’armes et de services à caractère militaire par les 100 plus grandes entreprises du secteur totalisent 531 milliards de dollars en 2020, soit une augmentation de 1,3 % en termes réels par rapport à l’année précédente.

Les nouvelles données publiées lundi 6 décembre par le SIPRI indiquent que, en 2020, les ventes d’armes des 100 plus grandes entreprises d’armement sont supérieures de 17 % à celles de 2015, première année pour laquelle le SIPRI a inclus des informations sur les entreprises chinoises. Il s’agit de la sixième année consécutive d’augmentation des ventes d’armes par le Top 100.

Tendance haussière

« Les géants de l’industrie étaient largement protégés par une demande publique soutenue en biens et services militaires », souligne Alexandra Marksteiner, chercheuse au programme Dépenses militaires et production d’armes du SIPRI.

« Dans une grande partie du monde, les dépenses militaires ont augmenté et certains gouvernements ont même accéléré leurs paiements à l’industrie de l’armement afin de limiter l’impact de la crise du COVID-19 », ajoute la chercheuse.

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Ainsi, les ventes d’armes ont augmenté alors même que l’économie mondiale s’est contractée de 3,1 % au cours de la première année de pandémie.

Cette tendance haussière touche aussi bien les firmes américaines, chinoises, russes et européennes que celle basées en dehors de ces zones. Selon le SIPRI, agrégées, les ventes d’armes des entreprises du Top 100 basées en dehors des États-Unis, de la Chine, de la Russie et de l’Europe s’élèvent à 43,1 milliards de dollars en 2020, soit une augmentation de 3,4 % depuis 2019.

Bien évidemment, les entreprises américaines restent à la tête du classement – depuis 2018, les cinq plus grandes entreprises sont toutes basées aux États-Unis – et les ventes d’armes combinées des 41 entreprises américaines s’élèvent à 285 milliards de dollars en 2020 (une augmentation de 1,9 % par rapport à 2019) et représentent 54 % du total des ventes d’armes du Top 100.

Le SIPRI note également que l’industrie de l’armement américaine « connaît actuellement une vague de fusions et d’acquisitions », afin d’élargir ses éventails de produits et devenir plus concurrentielle lors des appels d’offres.

« Cette tendance est particulièrement prononcée dans le domaine spatial », précise Alexandra Marksteiner. « Northrop Grumman et KBR figurent parmi plusieurs compagnies ayant acquis ces dernières années des entreprises à forte valeur ajoutée spécialisées dans les technologies spatiales. »

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Après les États-Unis, nous retrouvons en deuxième position l’industrie militaire chinoise.

« Les ventes d’armes combinées des cinq entreprises chinoises figurant dans le Top 100 s’élèvent à environ 66,8 milliards de dollars en 2020, soit 1,5 % de plus qu’en 2019. Les entreprises chinoises représentent 13 % du total des ventes d’armes du Top 100 en 2020, derrière les entreprises américaines et devant les entreprises britanniques, qui constituent la troisième plus grande part », note le SPIRI.

« Ces dernières années, les entreprises d’armement chinoises ont bénéficié des programmes de modernisation militaire du pays et se sont concentrées sur la fusion civilo-militaire », précise Nan Tian, chercheur au SIPRI.

« Les géants de l’industrie étaient largement protégés par une demande publique soutenue en biens et services militaires. […] certains gouvernements ont même accéléré leurs paiements à l’industrie de l’armement afin de limiter l’impact de la crise du COVID-19 »

- Alexandra Marksteiner, chercheuse au SIPRI

Selon cet expert, « elles sont désormais parmi les producteurs de technologies militaires les plus avancés au monde ». NORINCO, par exemple, a co-développé le système de navigation par satellite militaro-civil BeiDou et a renforcé ses activités dans les nouvelles technologies.

Pour l’industrie de l’armement européenne, le bilan est plus « mitigé », d’après les données du SIPRI. Ainsi, « les 26 entreprises d’armement européennes figurant dans le Top 100 représentent 21 % du total des ventes d’armes, soit 109 milliards de dollars. Les sept entreprises britanniques enregistrent un total de 37,5 milliards de dollars de ventes d’armes en 2020, en hausse de 6,2 % par rapport à 2019. Les ventes d’armes de BAE Systems – la seule entreprise européenne dans le Top 10 – ont augmenté de 6,6 % pour atteindre 24 milliards de dollars ».

Dans ce classement européen, « les revenus issus des ventes d’armes des six entreprises françaises dans le Top 100 ont chuté de 7,7 % », selon Lucie Béraud-Sudreau, directrice du programme Dépenses militaires et production d’armement du SIPRI.

« Cette baisse significative est en grande partie due à une forte diminution d’une année sur l’autre du nombre de livraisons d’avions de combat Rafale par Dassault », explique-t-elle. « Les ventes d’armes de Safran ont elles progressé, portées par l’augmentation des ventes de systèmes de navigation et de pointage. »

Par contre, les ventes d’armes des quatre entreprises allemandes figurant dans le Top 100 ont atteint 8,9 milliards de dollars en 2020, soit une augmentation de 1,3 % par rapport à 2019. Ces entreprises représentent 1,7 % du total des ventes d’armes du Top 100. Rheinmetall, le plus grand fabricant d’armes allemand, enregistre une augmentation de ses ventes de 5,2 %. Le constructeur naval ThyssenKrupp, en revanche, fait état d’une baisse de 3,7 %.

Côté Russie, le SIPRI note une « baisse des ventes d’armes russes pour la troisième année consécutive ». Les ventes d’armes combinées des neuf entreprises russes classées dans le Top 100 sont passées de 28,2 milliards de dollars en 2019 à 26,4 milliards de dollars en 2020, soit une baisse de 6,5 %.

D’après les experts du SIPRI, « cela coïncide avec la fin du Plan d’armement de l’État 2011-2020 et les retards dans les délais de livraison dus à la pandémie ».

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« L’autre élément essentiel concernant l’industrie de l’armement russe est la diversification des gammes de produits », précise le SIPRI. Les entreprises russes mettent actuellement en œuvre une politique gouvernementale visant à augmenter la proportion des ventes civiles à 30 % de leurs ventes totales d’ici 2025 et 50 % d’ici 2030.

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Par ailleurs, le SIPRI relève que les ventes d’armes des trois entreprises israéliennes figurant dans le Top 100 s’élèvent 10,4 milliards de dollars, soit 2 % du total.

Une nouvelle donne à suivre : quatre entreprises sud-coréennes ont été incluses dans le classement. Leurs ventes d’armes combinées s’élèvent à 6,5 milliards de dollars en 2020, soit une augmentation annuelle de 4,6 %.

Enfin, les ventes d’armes combinées des trois sociétés indiennes du Top 100 ont augmenté de 1,7 %. « En 2020, le gouvernement indien a annoncé une interdiction progressive des importations de certains types d’équipements militaires afin de renforcer l’autosuffisance dans la production d’armes », souligne le SIPRI.

Notons que la publication de ces données sera suivie par deux autres rapports sur les transferts internationaux d’armes et sur les dépenses militaires mondiales, qui précéderont la publication du rapport global mi-2022, le SIPRI Yearbook.

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