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L’hydrogène vert, le pétrole de demain pour le Golfe ou simples paroles en l’air ?

Le Qatar, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis se tournent vers une solution écologique pour un avenir sans pétrole
Neom, le projet saoudien de mégapole futuriste « zéro carbone » chiffré à 500 milliards de dollars, disposerait de « la plus grande usine d’hydrogène vert au monde » (AFP)
Neom, le projet saoudien de mégapole futuriste « zéro carbone » chiffré à 500 milliards de dollars, disposerait de « la plus grande usine d’hydrogène vert au monde » (AFP)

Le Qatar est le deuxième plus grand producteur d’hélium au monde et exporte traditionnellement une grande partie de sa production par voie terrestre via l’Arabie saoudite

Lorsqu’en juillet 2017, Riyad et d’autres gouvernements du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont imposé un blocus au Qatar en raison de liens présumés avec le « terrorisme », Doha a fermé ses deux usines de production et s’est rabattue sur des plans d’urgence pour compenser le choc économique attendu.

« La première industrie qui a émergé a été celle de l’hydrogène, ils ont donc conclu des contrats pour le commercialiser », se souvient Theodore Karasik, conseiller principal au sein du cabinet de conseil Gulf State Analytics établi à Washington.

Le méthanier Ghasha au large des côtes japonaises en novembre 2017 : son nom est une référence à l’île de Ghashshah, site du projet gazier offshore émirati (Reuters)
Le méthanier Ghasha au large des côtes japonaises en novembre 2017 : son nom est une référence à l’île de Ghashshah, site du projet gazier offshore émirati (Reuters)

Le Qatar a su faire preuve d’agilité pour reconfigurer son marché d’exportation, en transférant 25 % de ses exportations des Émirats arabes unis (État membre du CCG) vers l’Asie de l’Est, notamment la Chine, Singapour et la Corée du Sud. 

Ce faisant, le pays est devenu le cinquième exportateur mondial d’hydrogène, avec plus de 520 millions de dollars de ventes en 2019.

En 2021, l’hydrogène était considéré comme une bouée de sauvetage économique pour d’autres pays du CCG, alors que le marché mondial de l’énergie est en pleine transformation dans le sillage de la pandémie de covid-19 et que le monde entier se tourne vers la décarbonisation.

« L’ensemble de l’industrie se penche sur l’avenir du pétrole et du gaz, ainsi que sur les secteurs de croissance potentiels », indique Theodore Karasik. « L’hydrogène en fait évidemment partie. »

L’Arabie saoudite vise le monopole

L’Arabie saoudite, deuxième plus grand producteur de pétrole au monde, est entrée dans le marché de l’hydrogène par la grande porte. En février 2020, Aramco, le géant de l’énergie du royaume, a annoncé un investissement de 110 milliards de dollars dans la plus grande exploitation de gaz de schiste en dehors des États-Unis afin d’extraire le carburant potentiel du sol par fracturation.

Mais Riyad ne suivra pas la voie habituelle et n’exportera pas le produit sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL) pour entrer en concurrence directe avec le Qatar, premier exportateur mondial de GNL. À la place, Riyad utilisera le gaz extrait pour produire de l’hydrogène.

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Le projet d’Aramco a été suivi en juillet 2020 par l’annonce selon laquelle Neom, le projet saoudien de mégapole futuriste « zéro carbone » chiffré à 500 milliards de dollars, disposerait de « la plus grande usine d’hydrogène vert au monde ». Le coût de cette initiative s’élève à 5 milliards de dollars, auxquels s’ajoutent 2 milliards de dollars destinés à l’infrastructure de distribution.

« L’Arabie saoudite se considère comme un futur leader de la production d’énergies renouvelables. Elle est très enthousiaste au sujet de l’hydrogène et elle espère monopoliser le marché », explique Justin Dargin, expert en énergie à l’université d’Oxford.

Les manœuvres du Golfe autour de l’hydrogène s’inscrivent dans le cadre plus large de la réponse mondiale à la crise climatique par la décarbonisation.

L’UE a lancé un « pacte vert » qui engage l’Europe à devenir « le premier continent neutre en carbone d’ici 2050 ».

Washington nourrit des ambitions similaires. Le département de l’Énergie américain (DOE) a publié le 5 juin 2022 une lettre d’intention pour lancer son programme de 8 milliards de dollars issu du grand plan sur les infrastructures signé par Joe Biden fin 2021 visant à développer des hubs régionaux d’hydrogène propre (H2Hubs) à travers les États-Unis. 

Les derniers bastions du marché pétrolier

La demande de pétrole dans le Golfe devrait diminuer à mesure que les énergies renouvelables gagneront des parts de marché.

Lors d’une interview télévisée en avril 2021, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (MBS) a évoqué le « risque » pour l’économie saoudienne lié à la dépendance au pétrole ainsi que « les défis auxquels l’industrie pétrolière sera confrontée dans les quarante ou cinquante années à venir ».

Les nations du Golfe devraient être les derniers bastions du marché pétrolier en raison du faible coût de l’extraction du pétrole dans la région, du besoin mondial continu en hydrocarbures et de leur dépendance vis-à-vis des pétrodollars pour financer leur société.

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Mais elles doivent également conserver une part du marché global de l’énergie en produisant des énergies renouvelables – notamment de l’hydrogène. Pour l’instant, celle-ci est minuscule. Alors que les exportations de pétrole brut de Riyad se sont élevées à 145 milliards de dollars en 2019, ce qui en fait le numéro un mondial sur ce marché, le pays n’a pu exporter que 6,12 millions de dollars d’hydrogène. 

« L’Arabie saoudite et les pays du Golfe veulent continuer d’être des exportateurs d’énergie et souhaitent que leur modèle social national dans son ensemble ne soit pas à la merci de la transition énergétique », explique Daniel Scholten, professeur adjoint à la faculté de technologie, politique et management de l’université de technologie de Delft, aux Pays-Bas.

« Je pense qu’ils se sentent menacés par les énergies renouvelables et l’électrification en général. »

L’hydrogène est le carburant idéal du XXIe siècle. Il n’émet pas de gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone lorsqu’il est brûlé et il convient parfaitement à la production d’électricité, aux véhicules électriques et à l’aviation de demain, entre autres domaines.

Mais il se heurte à un problème fondamental : l’hydrogène est rarement présent à l’état naturel dans les gisements souterrains et doit donc être transformé en gaz à partir d’autres composés tels que des combustibles fossiles, selon un processus de « gazéification ».

L’hydrogène se présente actuellement sous plusieurs formes :

 Noir / brun  Cette forme d’hydrogène, la plus nocive pour l’environnement, est dérivée du charbon bitumineux ou du lignite (ou houille brune).

 Gris  Dérivé du gaz naturel ou du charbon, il représente 98 % de l’hydrogène produit. Mais il est mauvais pour la planète, puisqu’il produit des émissions de dioxyde de carbone presque égales à celles de l’aviation mondiale.

 Bleu  Plus respectueux de l’environnement, il est produit à partir de gaz naturel, dont 90 % des émissions de carbone sont retenues à l’aide d’un procédé technologique de captage et de stockage du carbone (CSC). Le Golfe investit massivement dans l’hydrogène bleu : l’an dernier, l’Arabie saoudite a exporté la première cargaison au monde vers le Japon.

 Vert  Issu des énergies renouvelables, l’hydrogène vert représente seulement 1 % de la production. Selon les estimations, 24 pays développent actuellement des stratégies ou y travaillent, notamment l’ensemble des pays du G7, la Chine, l’Inde ainsi que l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Maroc pour la région MENA.

 Rose  Produit par électrolyse avec de l’énergie nucléaire, il peut également être désigné sous le nom d’hydrogène violet ou rouge.

 Jaune  Encore à ses débuts, cet hydrogène est produit par électrolyse via l’énergie solaire.

 Turquoise   Un procédé appelé pyrolyse du méthane est employé pour produire de l’hydrogène et du carbone solide. Malgré sa valeur en tant qu’hydrogène à faibles émissions, il n’est pas encore produit à grande échelle.

Pour parvenir à la neutralité carbone à l’échelle mondiale au cours des trente prochaines années, les investissements mondiaux dans la production d’électricité propre devront passer de 380 à 3 600 milliards de dollars.

De même, le nombre de voitures électriques dans le monde devra passer de 2,5 millions actuellement à 50 millions à l’horizon 2030, selon les chiffres de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

« C’est assez stupéfiant lorsqu’on observe les projections entre aujourd’hui et 2030 qu’il faudra suivre pour atteindre les objectifs », affirme Kate Dourian, chargée de recherche non résidente à l’Arab Gulf States Institute à Washington. « Nous aurons besoin de tout cela, de l’hydrogène vert et bleu, ainsi que des énergies renouvelables. »

Pour répondre à la demande, la production d’hydrogène vert devra passer de 90 millions de tonnes en 2020 à plus de 200 millions de tonnes en 2030, selon l’AIE. Jusqu’à présent, seuls 80 milliards de dollars ont été investis sur les 200 milliards nécessaires.

« Il y a un écart de 120 milliards de dollars entre aujourd’hui et 2030 », indique Kate Dourian. « Par conséquent, pour que l’hydrogène ait une plus grande part de marché, il faut des mesures incitatives gouvernementales, des cadres réglementaires et des investissements infrastructurels. Ce n’est pas beaucoup de bruit pour rien, mais compte tenu de l’enthousiasme suscité par l’hydrogène, il n’aura toujours qu’une petite part du marché de l’énergie [de demain]. »

Des obstacles 

L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis misent sur une augmentation de la demande d’hydrogène. Les Émirats arabes unis s’intéressent principalement à l’hydrogène bleu, les projets d’hydrogène vert étant destinés à l’industrie aéronautique.

L’Allemagne effectue des percées régionales : Berlin a signé des accords pour l’exploitation d’hydrogène avec le Maroc et Neom, respectivement en juin 2020 et en mars 2021, dans le cadre de sa sortie du nucléaire décidée à la suite de la catastrophe nucléaire de Fukushima survenue en 2011.

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Mais à court terme, l’hydrogène vert pourrait ne pas être totalement viable. « Nous sommes dominés par les combustibles fossiles, notamment l’énergie issue du charbon, et nous avons dans le même temps une politique climatique ambitieuse », explique Sonja Butzengeiger, associée directrice du cabinet de conseil Perspectives Climate Group en Allemagne.

« Si les capacités en matière d’énergies renouvelables se sont fortement développées depuis le début des années 2000, elles se sont heurtées au défi de l’intermittence. Récemment, le gouvernement s’est réveillé et a identifié l’hydrogène vert comme l’alternative à émissions de carbone faibles ou nulles de demain. »

« Le Golfe passera de l’hydrogène gris à l’hydrogène bleu puis vert », affirme Daniel Scholten. « Le gris n’est pas un problème, ils peuvent le faire tout de suite, tandis que le bleu ne produit pratiquement pas d’émissions [85 à 90 % du carbone est capté]. En revanche, pour ce qui est de l’hydrogène vert, je ne m’attends pas à trop d’investissements dans ce domaine avant 2030. Nous nous concentrons depuis une décennie sur le solaire, l’éolien et l’électrification, mais l’impact de l’hydrogène sera plus perceptible vers le milieu et la fin de la transition énergétique.

« Une fois que le charbon et le pétrole puis le gaz naturel auront été éliminés dans une large mesure, l’hydrogène deviendra un facteur important dans le mix énergétique. »

L’Arabie saoudite et les Émirats misent sur des développements technologiques majeurs pour rendre l’hydrogène vert viable sur le plan commercial – et écologique. « Le coût de l’hydrogène vert pourraient baisser, le prix du kilogramme pourrait passer d’environ 5 dollars actuellement à 1,50 dollar », estime Justin Dargin.

Les producteurs du Golfe disposent de plusieurs avantages concurrentiels. L’un d’eux est qu’ils peuvent facilement produire de l’hydrogène. Ils présentent également les coûts de production d’énergie solaire les plus bas au monde

Son attrait réside en partie dans le fait qu’il rend possible le stockage d’énergies renouvelables, un problème qui touche la production d’énergie solaire et celle d’énergie éolienne, qui nécessitent des batteries. 

En revanche, l’hydrogène peut être transformé en ammoniac pour le transport ; ce composé est ensuite converti en énergie dans le marché de destination. 

« Transformer l’électricité verte en hydrogène permet de la stocker, ce qui constitue un avantage considérable par rapport aux énergies renouvelables traditionnelles », souligne Sonja Butzengeiger. « Cependant, il faut vraiment de grandes quantités d’énergies renouvelables pour alimenter l’économie de l’hydrogène. »

Les producteurs du Golfe disposent de plusieurs avantages concurrentiels. L’un d’eux est qu’ils peuvent facilement produire de l’hydrogène. Ils présentent également les coûts de production d’énergie solaire les plus bas au monde, en raison de l’ensoleillement abondant, une ressource qui sera nécessaire dans le cadre de l’extraction.

Toutefois, la production d’hydrogène vert s’accompagne elle aussi de quatre problèmes fondamentaux :

1. Les terres 

L’énergie solaire a besoin de parcs énergétiques pour capter la lumière du soleil. 

Si l’hydrogène vert est appelé à égaler les revenus actuels du pétrole et du gaz, cela nécessitera de vastes étendues de territoire, selon un rapport de Strategy& intitulé « L’aube de l’hydrogène vert ». 

Les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite pourraient ainsi devoir y consacrer jusqu’à 20 % de leurs terres inutilisées, telles que les étendues désertiques, s’ils veulent répondre à la demande d’exportation d’hydrogène vert à l’horizon 2050.

2. L’utilisation d’eau 

La création d’hydrogène vert repose sur l’électrolyse de l’eau, un procédé par lequel l’électricité décompose l’eau en hydrogène gazeux et en oxygène. 

Mais même si Strategy& indique que « les pays du CCG ont facilement accès à l’eau de mer » qui peut être utilisée pour l’électrolyse, cette eau doit être dessalée puis déionisée, c’est-à-dire purifiée par l’élimination des minéraux et des contaminants. La production d’un kilogramme d’hydrogène vert nécessite neuf litres d’eau purifiée ou déionisée.

3. La toxicité 

En plus d’être énergivore, le processus de dessalement produit 1,5 litre de saumure pour chaque litre d’eau douce, selon un rapport publié en 2019 dans la revue Science of the Total Environment

Le sous-produit à base de sel qui en résulte est rendu toxique par les produits chimiques utilisés pour le dessalement. La saumure, qui ne peut pas être réutilisée, est ensuite généralement déversée dans la mer, ce qui augmente la température des eaux côtières et diminue les niveaux d’oxygène, créant ainsi des « zones mortes » environnementales, d’après le rapport.

Chaque année, le processus de dessalement produit 50 milliards de mètres cubes de saumure dans le monde, soit suffisamment pour recouvrir d’une couche de boue de 30 cm d’épaisseur l’ensemble des Émirats arabes unis ainsi qu’un tiers d’Oman.

L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Koweït et le Qatar représentent à eux seuls 55 % des activités mondiales de dessalement. Sans une amélioration des technologies, la poursuite du dessalement en vue d’atteindre les objectifs de production d’hydrogène du Golfe aggravera la situation en mer d’Arabie, privée d’oxygène, qui forme la plus grande zone morte marine au monde. 

4. La dépendance vis-à-vis des combustibles traditionnels 

Le dessalement repose à l’heure actuelle sur les hydrocarbures. « L’Arabie saoudite utilise environ 20 à 25 % de sa production de pétrole pour le dessalement, ce qui représente une quantité d’énergie ridicule », explique Sonja Butzengeiger.

Des efforts sont actuellement déployés dans le but de réduire la consommation nécessaire d’énergie. La société saoudienne Saline Water Conversion Corporation (SWCC) a reçu en mars une distinction de la part de Guinness World Records pour avoir « établi un record mondial de la consommation d’énergie la plus faible pour le dessalement ». 

Par ailleurs, l’usine de dessalement à « dôme solaire » de Neom, annoncée en janvier 2021, vise à produire de l’eau à un prix inférieur à celui des usines conventionnelles et à réduire la production de saumure.

« Il y a de nouveaux développements dans la technologie de l’électrolyse qui pourraient ne pas nécessiter d’eau purifiée », précise Sonja Butzengeiger. « Cependant, aucun n’a encore atteint la maturité commerciale. À plus long terme, de telles solutions pourraient permettre aux pays désertiques de ne pas avoir à utiliser d’eau purifiée. »

Il est essentiel que la technologie nécessaire à la production d’hydrogène vert soit actualisée. Ensuite, les producteurs du Golfe seront confrontés à une autre question clé : ils devront choisir entre utiliser l’énergie produite pour leur propre production d’électricité – ce qui réduira leur facture énergétique et libérera des hydrocarbures pour l’exportation –, et encaisser les exportations de ces nouvelles ressources en hydrogène et ne rien changer à l’échelle nationale.

« L’Arabie saoudite pourrait monopoliser le marché de l’hydrogène »

Pour Sonja Butzengeiger, l’Arabie saoudite pourrait utiliser l’hydrogène vert sur son territoire avant de l’exporter d’abord par voie maritime, puis par un pipeline dédié. 

« Si j’étais [à] Riyad, j’utiliserais d’abord l’hydrogène vert sur mon propre territoire, compte tenu de l’énorme demande nationale. En cas d’excédent, ils peuvent envisager un pipeline vers l’Europe. »

Justin Dargin estime cependant que l’accent sera mis sur les exportations. « L’Arabie saoudite est déterminée à redorer son blason à travers une image de fournisseur mondial d’hydrogène vert. »

Si Riyad suit cette seconde voie, il lui faudra s’attaquer à différentes problématiques, notamment investir dans une chaîne de distribution mondiale pour répondre à la demande et réaliser des économies d’échelle afin que le prix de l’hydrogène vert devienne compétitif par rapport aux autres formes d’énergie.

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« L’Arabie saoudite a l’avantage du précurseur, elle pourrait donc très bien monopoliser le marché de l’hydrogène si elle joue bien ses cartes », affirme Justin Dargin. 

« Elle pourrait devenir une puissance absolue si elle réussit ce saut dans le monde post-pétrole. Mais si les décideurs saoudiens ne parviennent pas à appliquer rigoureusement leurs stratégies en matière d’énergies renouvelables dans l’esprit de leur projet Vision 2030, ils ne pourront pas atteindre leurs objectifs de réforme macroéconomique à grande échelle, ce qui pourrait avoir des conséquences imprévues sur la stabilité socio-économique future. »

La production d’énergie dans la région est cependant confrontée à un problème beaucoup plus fondamental. Les puissances du Golfe, en particulier Riyad, ont souvent semblé tièdes dans leur engagement en faveur des énergies renouvelables : en 2018, par exemple, Riyad a annoncé son intention d’investir 200 milliards de dollars dans l’énergie solaire, avant d’abandonner le projet six mois plus tard.

« Si l’on considère le passé comme un modèle pour l’avenir, on constate que leur taux de réussite dans la mise en œuvre de nombreux projets ambitieux n’est pas très élevé », concède Justin Dargin.

« Ils disent qu’ils vont générer telle quantité d’énergies renouvelables, puis ils se rétractent, ils annulent ou retardent les projets. Cela étant dit, le gouvernement a clairement affirmé son soutien à la transition énergétique et à l’hydrogène vert dans le cadre de Neom. »

Selon les analystes, les Émirats arabes unis sont plus susceptibles de faire progresser des projets liés aux énergies renouvelables, notamment parce qu’ils possèdent actuellement 70 % de la capacité de la production d’énergies renouvelables du Golfe.

« Les Émirats arabes unis ont pris une longueur d’avance sur le terrain des énergies renouvelables et de l’énergie nucléaire », souligne Kate Dourian. 

« Parmi les projets de production d’hydrogène prévus dans la région du CCG, les Émirats arabes unis vont probablement poursuivre leurs projets d’hydrogène bleu et vert, et en temps normal, ils ont l’habitude de mener à bien les projets qu’ils annoncent. Le projet d’hydrogène vert de Neom est présenté comme le plus grand de ce type, alors même que les partenaires n’ont pas encore donné le coup d’envoi de ce projet chiffré à cinq milliards de dollars. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation et actualisé.

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