JO de Tokyo : les grands moments de la région MENA
La cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Tokyo 2020 qui s’est déroulée dimanche a mis fin à une quinzaine sportive qui, pour beaucoup, aurait pu ne jamais avoir lieu.
Les JO ont été reportés d’un an et majoritairement disputés sans spectateurs en raison de la pandémie de COVID-19. Mais cela n’a pas empêché des millions de personnes à travers le monde de suivre l’événement à la télévision et de le célébrer.
Alors que des athlètes issus de onze pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ont remporté des médailles, certains ont apporté leur lot de surprise, d’exaltation ou de controverse.
Middle East Eye revient sur les grands moments de la région MENA aux Jeux olympiques de Tokyo 2020 :
« On peut avoir deux médailles d’or ? »
Le Qatari Mutaz Essa Barshim et l’Italien Gianmarco Tamberi ont offert l’un des moments les plus émouvants de cette quinzaine en décidant de se partager la médaille d’or du saut en hauteur masculin.
Les deux hommes avaient franchi toutes les hauteurs jusqu’à 2,37 m sans aucun échec, ce qui les plaçait tous les deux en première position. La barre a ensuite été élevée à 2,39 m, le record olympique, qu’aucun des deux n’est parvenu à égaler en trois tentatives.
Il n’y avait donc plus rien pour départager Mutaz Essa Barshim et Gianmarco Tamberi et un barrage allait probablement s’ensuivre pour déterminer le vainqueur.
L’athlète qatari s’est alors adressé à un officiel : « On peut avoir deux médailles d’or ? » Lorsque ce dernier lui a répondu par l’affirmative, les deux athlètes se sont instantanément pris dans les bras, laissant place à des scènes de liesse.
Les deux hommes sont des amis proches depuis plus de dix ans, ce qui rend ce moment encore plus spécial. Cette victoire complète la collection de médailles olympiques de Mutaz Essa Barshim, qui a remporté le bronze à Londres en 2012 et l’argent à Rio en 2016.
Peu après sa victoire, l’athlète âgé de 30 ans s’est entretenu avec le dirigeant qatari, le cheikh Tamim ben Hamad al-Thani.
« Il m’a dit que j’avais fait quelque chose de grand en partageant l’or avec mon ami italien », a-t-il déclaré. « Il m’a dit que cela entrerait dans l’histoire. »
Le Qatar a également obtenu l’or dans l’épreuve masculine d’haltérophilie chez les moins de 96 kg et le bronze en beach-volley masculin.
La première Égyptienne médaillée d’or
Lors du week-end de clôture, Feryal Abdelaziz a inscrit son nom dans l’histoire du sport égyptien en devenant la première Égyptienne à remporter l’or olympique.
La karatéka a battu l’Azerbaïdjanaise Irina Zaretska en finale de l’épreuve féminine de kumite +61 kg. L’Égypte a ainsi remporté sa première médaille d’or depuis le triomphe du lutteur Karam Gaber à Athènes en 2004.
Une vidéo massivement diffusée sur les réseaux sociaux montre la famille de Feryal Abdelaziz en train de suivre nerveusement son combat en demi-finale, avant d’exploser de joie après sa victoire.
Ce sacre a ponctué la quinzaine olympique la plus prolifique pour l’Égypte, qui a également remporté une médaille de bronze en lutte, une autre en karaté et deux en taekwondo.
Avec Hedaya Malak et Giana Farouk, Feryal Abdelaziz est l’une des trois Égyptiennes ayant reçu de nombreux éloges sur les réseaux sociaux pour avoir intégré le cercle fermé des hijabis médaillées aux Jeux olympiques.
Par ailleurs, Ahmed Elgendy a remporté la médaille d’argent en pentathlon moderne après avoir frôlé l’or. L’Égyptien a été dépassé dans les derniers instants de la laser run (l’épreuve finale du pentathlon, qui combine course et tir) par le Britannique Joe Choong.
Des frères syriens dans des équipes différentes
Il n’est pas rare de voir deux frères et sœurs participer aux mêmes Jeux olympiques, comme les sœurs Williams en tennis et les frères Brownlee en triathlon.
Mais les images de ces deux frères syriens qui se sont pris dans les bras lors de la cérémonie d’ouverture il y a deux semaines étaient particulièrement marquantes, puisque l’un représentait l’Équipe olympique des réfugiés et l’autre l’équipe officielle syrienne.
Traduction : « La plus belle image de la cérémonie d’ouverture est celle de ces deux frères syriens réunis à l’occasion des Jeux olympiques : Alaa Maso, membre de l’Équipe olympique des réfugiés, dans les bras de son frère Mohamad Maso. Irak, Syrie, Liban, Palestine, l’histoire des familles déchirées est la même. #RefugeesWelcome »
Sous la bannière de l’Équipe olympique des réfugiés, le nageur Alaa Maso a participé à l’épreuve de 50 m nage libre, tandis que son frère Mohamad Maso a pris part au triathlon masculin.
Tous deux originaires d’Alep, ils sont partis en Allemagne en 2015 lorsque la guerre civile syrienne a menacé leur sécurité et que leurs installations d’entraînement ont été endommagées. Mohamad a terminé 47e du triathlon, tandis que son frère Alaa est arrivé quatrième dans sa série.
La Syrie a remporté une médaille à Tokyo grâce à l’haltérophile Man Asaad, qui a décroché le bronze.
L’équipe de réfugiés n’a obtenu aucune médaille : la taekwondoïste dissidente iranienne Kimia Alizadeh a manqué de peu la médaille de bronze, après toutefois avoir battu la double championne olympique Jade Jones.
Un haltérophile palestinien entre dans l’histoire
Mohammed Hamada est entré dans l’histoire en devenant le tout premier Palestinien à participer aux Jeux olympiques en haltérophilie.
Originaire de Gaza, il a quitté l’enclave assiégée plusieurs semaines avant le tournoi afin de s’assurer de ne pas être gêné dans ses déplacements par les autorités israéliennes.
Le jeune homme de 19 ans, qui a concouru dans la catégorie des moins de 96 kg, a soulevé au total 310 kg, terminant en cinquième position sur cinq dans le groupe B.
Par ailleurs, dans l’équipe palestinienne, Hanna Barakat a participé au 100 m féminin sur la piste d’athlétisme, tandis que Wesam Abu Rmilah a concouru chez les hommes en judo.
La natation palestinienne comptait deux représentants : Dania Nour en 50 m nage libre féminin et Yazan al-Bawwab en 100 m nage libre masculin.
La Palestine participe aux Jeux olympiques depuis 1996 mais n’a pas encore remporté de médaille.
Israël : boycotter ou ne pas boycotter
La participation d’athlètes israéliens et la décision de les affronter ou non ont suscité un débat majeur à Tokyo.
Le judoka algérien Fethi Nourine s’est retiré des JO pour éviter un affrontement potentiel avec l’Israélien Tohar Butbul dans la compétition masculine des moins de 73 kg.
« Nous avons travaillé dur pour nous qualifier pour les Jeux, mais la cause palestinienne est plus grande que tout cela », a-t-il déclaré.
« Ma position à l’égard du problème palestinien est cohérente et je rejette la normalisation et, si ça me coûte cette absence aux Jeux olympiques, Dieu le compensera. »
L’athlète et son coach ont depuis été suspendus par la Fédération internationale de judo et feront l’objet de mesures disciplinaires.
Un second judoka, le Soudanais Mohammed Abdalrasool, a lui aussi abandonné la compétition. Comme il était l’adversaire de Nourine, Abdalrasool aurait forcément affronté l’Israélien s’il ne s’était pas retiré lui aussi.
En revanche, la judoka saoudienne Tahani al-Qahtani a affronté l’Israélienne Raz Hershko dans la catégorie des plus de 78 kg après que des commentateurs saoudiens l’avaient exhortée à ne pas se retirer. Elle s’est finalement vu infliger un 11-0.
Le débat autour du boycott d’Israël a été ravivé lorsque la taekwondoïste Avishag Semberg a repris son service actif au sein de l’armée israélienne quelques jours seulement après avoir remporté une médaille de bronze.
Célébrée en grande pompe sur les réseaux sociaux par l’armée israélienne, elle a présenté sa médaille au quartier général de cette dernière à Alon, une colonie israélienne illégale en Cisjordanie occupée.
Israël a récolté au total deux médailles d’or et deux médailles de bronze.
Le sacre époustouflant d’un nageur tunisien
Les JO ont démarré en fanfare avec la médaille d’or sensationnelle du nageur tunisien Ahmed Hafnaoui dans l’épreuve du 400 m nage libre.
L’athlète de 18 ans s’est qualifié pour la finale avec le temps le moins rapide et seulement 14 centièmes de seconde d’avance. Il a donc hérité en finale de la ligne d’eau no 8, depuis laquelle peu s’attendaient à le voir monter sur le podium.
Ahmed Hafnaoui a pulvérisé son record personnel et remporté la course, battant au passage plusieurs athlètes plus expérimentés, pour ce qui restera certainement l’une des victoires les plus surprenantes de cette édition des JO.
« J’étais en larmes. Voir le drapeau de mon pays et entendre l’hymne en fond sonore, c’était génial », a-t-il déclaré. « Je suis très fier [de cette victoire]. Je la dédie à tout le peuple tunisien. »
Ahmed Hafnaoui, dont le sacre a apporté un moment de joie et de répit à un pays confronté à une troisième vague de la pandémie de COVID-19 et à une crise politique, a été reçu en héros à l’aéroport de Tunis la semaine dernière.
Son compatriote Mohamed Khalil Jendoubi a décroché l’argent en taekwondo dans la catégorie des moins de 58 kg.
Parmi les autres membres du contingent nord-africain, le Marocain Soufiane el-Bakkali a remporté l’or sur le 3 000 m steeple.
« Comment un terroriste peut-il remporter l’or ? »
Tous les médaillés n’ont pas été chaleureusement applaudis par leurs pairs. Après le sacre de l’Iranien Javad Foroughi dans l’épreuve masculine de pistolet à air comprimé 10 mètres, le tireur sud-coréen Jin Jong-oh a déclaré : « Comment un terroriste peut-il finir à la première place ? C’est absurde et ridicule. »
Sextuple médaillé olympique, Jin Jong-oh a estimé que la décision du Comité international olympique (CIO) d’autoriser Javad Foroughi à concourir était un « non-sens pur et simple » compte tenu de son appartenance au Corps des Gardiens de la révolution islamique (GRI), une branche de l’armée iranienne considérée comme une organisation terroriste par les États-Unis depuis 2019.
Javad Foroughi a expliqué avoir servi en Syrie en tant qu’infirmier entre 2013 et 2015 et s’être essayé au tir au pistolet près de l’hôpital dans lequel il travaillait.
Le groupe d’action United for Navid, créé après l’exécution du lutteur iranien Navid Afkari, a condamné cette victoire.
« Nous considérons l’attribution d’une médaille d’or olympique au tireur iranien Javad Foroughi comme une catastrophe pour le sport iranien mais aussi pour la communauté internationale, en particulier pour la réputation du CIO », a déclaré le groupe dans un communiqué.
« Le Corps des GRI est connu pour sa violence et ses meurtres qui visent non seulement le peuple iranien et les manifestants en Iran, mais aussi des innocents en Syrie, en Irak et au Liban. »
L’Iran est la nation de la région MENA la mieux placée au classement final, avec trois médailles d’or, deux médailles d’argent et deux médailles de bronze.
La Turquie bat des records
Au niveau du nombre total de médailles remportées, la Turquie a réalisé de loin la moisson la plus importante de la région MENA avec treize podiums (presque deux fois plus que l’Iran, deuxième avec sept médailles).
Le pays a ainsi obtenu deux médailles d’or, deux médailles d’argent et neuf médailles de bronze.
Les deux médailles d’or sont des premières importantes pour la Turquie : la victoire de la boxeuse Busenaz Sürmeneli dans la catégorie poids welters est la première médaille d’or de son pays en boxe olympique, tandis que le triomphe de Mete Gazoz dans l’épreuve individuelle masculine de tir à l’arc est également le premier sacre de la Turquie dans ce sport.
Ces treize médailles constituent le plus grand total de l’histoire de la Turquie, dépassant les douze médailles glanées à l’occasion des Jeux olympiques de Londres en 1948.
L’Arabie saoudite privée de sa médaille d’or
L’Arabie saoudite n’a remporté qu’une seule médaille lors de ces JO, une médaille d’argent dans l’épreuve masculine de kumite +75 kg.
La finale s’est cependant terminée par une controverse : le karatéka iranien Sajad Ganjzadeh s’est vu attribuer la victoire après la disqualification du Saoudien Tareg Hamedi pour une attaque non contrôlée.
Tareg Hamedi menait 4-1 face à Sajad Ganjzadeh avant de lui asséner un coup de pied au niveau du cou à peine une minute après le début du combat : l’Iranien est alors resté immobile et le combat s’est arrêté brutalement.
Le karatéka saoudien de 23 ans a été officiellement disqualifié pour une attaque non contrôlée, un geste interdit par le règlement olympique du karaté.
Croyant d’abord avoir gagné son combat, Tareg Hamedi a laissé exploser sa joie pendant plusieurs minutes avant d’être informé, après discussion entre les officiels au bord du tatami, que la victoire revenait finalement à son adversaire.
Traduction : « Tareg Hamedi, star du karaté saoudien, a été accueilli en grande pompe à son arrivée à Djeddah après avoir remporté la deuxième médaille d’argent de l’histoire du royaume aux JO de Tokyo. »
Tareg Hamedi a déclaré par la suite qu’il n’était pas d’accord avec la décision, mais qu’il l’acceptait et qu’il était satisfait de sa performance.
Il a été reçu en héros à son retour à Djeddah, tandis que sur les réseaux sociaux, de nombreux Saoudiens l’ont considéré comme le médaillé d’or.
La médaille de Tareg Hamedi est la deuxième médaille d’argent de l’histoire de l’Arabie saoudite et la quatrième médaille du pays au total. La nation du Golfe n’a jamais décroché l’or olympique.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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