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Un prêche à La Mecque interroge sur une possible normalisation saoudienne avec Israël

L’imam de la grande mosquée de La Mecque est accusé de justifier la normalisation au lendemain de l’accord entre Israël et les Émirats arabes unis
Abdul Rahman al-Sudais prononce le prêche du vendredi dans le lieu le plus saint de l’islam à La Mecque, le 4 septembre 2020 (Twitter/capture d’écran)
Abdul Rahman al-Sudais prononce le prêche du vendredi dans le lieu le plus saint de l’islam à La Mecque, le 4 septembre 2020 (Twitter/capture d’écran)

Un prêche d’Abdul Rahman al-Sudais, l’imam de la grande mosquée de La Mecque, a provoqué un vif émoi sur les réseaux sociaux après avoir été interprété par certains comme un prélude à une normalisation entre Israël et les Saoudiens. 

Al-Sudais a prononcé vendredi un prêche dans lequel il prônait le dialogue et la bonté envers les non-musulmans, en faisant spécifiquement référence aux juifs. 

Ces propos surviennent moins d’un mois après l’annonce par les Émirats arabes unis (EAU) et Israël du projet de normalisation de leurs relations diplomatiques, dans un contexte de spéculations quant au fait que l’Arabie saoudite leur emboîterait le bas. 

L’imam a rappelé aux fidèles que les croyances différentes, si elles sont sincères, ne doivent pas être un frein aux relations interpersonnelles et aux relations internationales

L’imam a rappelé aux fidèles que les croyances différentes, si elles sont sincères, ne doivent pas être un frein aux relations interpersonnelles et aux relations internationales. 

Il a poursuivi en mentionnant plusieurs histoires de la vie du prophète Mohammed dans lesquelles il entretenait de bonnes relations avec des non-musulmans. 

Parmi ces histoires, il raconta celle du prophète qui fit ses wudhu (ablutions) avec une bouteille appartenant à une non-musulmane, qui conclut un accord de paix avec les habitants juifs de la région de Khaybar et dont le voisin juif, avec qui il avait de si bonnes relations, finit par se convertir à l’islam. 

« Lorsque le cours du dialogue humain sain est négligé, des pans entiers des civilisations des peuples s’effondrent et le langage qui prévaut est alors celui de la violence, de l’exclusion et de la haine », a affirmé al-Sudais. 

Il a poursuivi en soulignant l’importance de continuer à obéir aux dirigeants et aux autorités et d’être conscient de l’existence de « factions et groupes malavisés ». 

Sur le statut de Jérusalem

Ces remarques ont suscité des critiques sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes accusant al-Sudais d’avoir fait mauvais usage de la chaire de la plus sainte mosquée de l’islam. 

https://twitter.com/d_iplo/status/1301928122602971137?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1301928122602971137%7

Traduction : « Abdul Rahman al-Sudais prononce son prêche du vendredi aujourd’hui dans le Noble sanctuaire pour nous préparer à une normalisation entre les Saoudiens et les Israéliens. Les al-Saoud ont toujours répété : gardez le hadj et les deux saintes mosquées à l’écart de la politique. Mais s’ils en ont besoin, ils y consacrent les chaires des deux saintes mosquées. »

Traduction : « L’exploitation par al-Sudais du forum d’al-Haram al-Sharif pour promouvoir la normalisation et appeler à l’obéissance envers des dirigeants meurtriers est une preuve de plus que le futur de l’islam est en danger si les deux lieux saints continuent à se retrouver aux mains de dirigeants impies et de prêtres sans conscience. »

Al-Sudais a également utilisé son prêche pour évoquer le statut de la mosquée al-Aqsa à Jérusalem, qui a été selon lui « faite prisonnière ». 

« C’est un problème qui est de la plus grande importance pour le peuple de l’islam et que les nouvelles luttes émergentes ne doivent pas faire oublier », a-t-il déclaré aux fidèles. « Il faut garder cela à l’esprit, mais sans exagération dans les médias ou batailles sur internet. »

L’accord de normalisation entre Israël et les EAU a suscité des inquiétudes à propos du statut sensible d’al-Aqsa, troisième lieu saint de l’islam. 

Accord Émirats-Israël : la normalisation fait craindre un changement de statut d’al-Aqsa
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La semaine dernière, un rapport suggérait que la formulation ambiguë du communiqué conjoint des États-Unis, d’Israël et des EAU était une tentative délibérée d’ouvrir le complexe al-Aqsa à la prière juive et, en fin de compte, de changer le statu quo.

Si les juifs sont présentement autorisés à accéder au site, ils ne sont pas autorisés à y prier conformément à un accord entre Israël et la Jordanie, gardienne officielle des lieux saints chrétiens et musulmans à Jérusalem.

À la fin de son prêche, al-Sudais a prié Dieu de « secourir la mosquée al-Aqsa des griffes de ses agresseurs » et de l’autoriser à être un « lieu révéré jusqu’au jour du jugement ».

Une position jugée contradictoire

Sa position a été jugée contradictoire par les internautes sur les réseaux sociaux, beaucoup l’ont accusé de trahir la cause palestinienne. 

https://twitter.com/be4after/status/1302223008199774209?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1302223008199774209

Traduction : « Les contradictions d’al-Sudais à propos de l’occupation :

- il appelle Dieu à sauver la mosquée al-Aqsa de l’abomination des agresseurs, à soutenir la population de Gaza et à leur accorder l’émancipation, et pleure le martyr d’Ahmed Yassine. 

- il justifie la normalisation et les échanges avec Israël, citant des récits du prophète dont le contexte historique ne correspond pas à la réalité actuelle. »

https://twitter.com/kuwait_rd/status/1302160593961574405?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E130216059396157440

Traduction : « Al-Sudais, dans son prêche sur l’importance de la normalisation, nous a prouvés que les chaussures des enfants palestiniens peuvent être plus propres que certaines barbes… »

Ce n’est pas la première fois qu’al- Sudais est source de controverse. 

En 2017, il a été critiqué pour avoir déclaré dans une interview télévisée que le président américain Donald Trump, les États-Unis et l’Arabie saoudite « menaient le monde vers la paix ». 

Il a également été interpellé lors d’une conférence qu’il a donnée dans une mosquée de Genève en 2018, un membre de l’assemblée lui avait demandé : « Comment pouvez-vous nous sermonner sur la paix tandis que vous boycottez et affamez vos frères au Yémen et au Qatar ? »

EXCLUSIF : Mohammed ben Salmane se retire d’une réunion prévue à Washington avec Netanyahou
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L’Arabie saoudite n’a pas de relations diplomatiques officielles avec Israël, mais les États arabes du Golfe affichent ces dernières années de plus en plus leurs relations avec Israël, stimulés par leur rivalité partagée avec l’Iran et les avantages à lier leurs économies.

Middle East Eye avait précédemment révélé que le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, s’était retiré d’une visite prévue à Washington DC afin de rencontrer le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, par crainte que cette information ait été révélée et que sa présence dans la capitale américaine ne tourne au « cauchemar ».

Des sources ont déclaré à MEE que Trump et son gendre et conseiller Jared Kushner encourageaient cette rencontre afin de redorer l’image de MBS en tant que jeune pacificateur arabe et de consolider le soutien régional à l’accord entre les EAU et Israël.

Cependant, le père de Mohammed ben Salmane, le roi Salmane, reste sur sa position : tout accord de paix avec Israël doit être conditionné à un accord entre Israël et les dirigeants palestiniens établissant un État palestinien.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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