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Cinq films qui ont façonné la carrière de Riz Ahmed, l’acteur britannique musulman oscarisé

Alors que Riz Ahmed a remporté son premier Oscar pour le court métrage en prises de vues réelles The Long Goodbye, MEE revient sur les autres films marquants de la carrière de l’acteur
Riz Ahmed a remporté le 28 mars l’Oscar du meilleur court-métrage de fiction pour The Long Goodbye (AFP/Kevin Winter)
Riz Ahmed a remporté le 28 mars l’Oscar du meilleur court-métrage de fiction pour The Long Goodbye (AFP/Kevin Winter)

La récente victoire de Riz Ahmed aux Oscars pour le court métrage de fiction The Long Goodbye est la plus prestigieuse des distinctions reçues par l’acteur au palmarès de plus en plus impressionnant.

Riz Ahmed : la représentation des musulmans par Hollywood est « stéréotypée, toxique et bidimensionnelle »
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L’acteur britannique est entré dans l’histoire en 2021 en devenant le premier musulman à être nommé pour l’Oscar du meilleur acteur, finalement attribué à son compatriote Anthony Hopkins.

The Long Goodbye, dont Riz Ahmed est à la fois le coauteur et l’acteur principal, aborde le sentiment anti-immigration observé après la campagne pour la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne.

Ce film d’un peu moins de douze minutes fait partie de son album conceptuel éponyme de neuf titres qui explore les notions d’identité et d’appartenance. 

Centré sur la vie d’une famille britannique d’origine asiatique, le film met en garde contre le danger d’un avenir dystopique dans lequel les discours de haine et le racisme venaient à échapper à tout contrôle.

Le film se termine par un monologue rimé, dans lequel Riz Ahmed, rappeur accompli, évoque la place qu’occupent les personnes de couleur dans la société britannique.

Parmi les 100 personnes les plus influentes

Né de parents pakistanais, Riz Ahmed a grandi à Londres. Il a poursuivi des études en philosophie, politique et économie à Oxford avant de suivre une formation d’acteur à la Royal Central School of Speech and Drama. Il a fait ses débuts au cinéma en 2006. 

Devenu une star hollywoodienne reconnue après avoir notamment tenu des rôles de premier plan dans la saga Star Wars ou le blockbuster Venom, Riz Ahmed n’a pas renoncé à sa fibre militante malgré son succès. 

En 2017, l’acteur a prononcé un discours à la Chambre des communes pour dénoncer le manque de diversité à l’écran dans les médias et avertir que l’exclusion des jeunes musulmans des industries créatives pourrait les pousser vers des groupes tels que l’État islamique (EI).

La même année, il a fait la couverture du magazine Time, qui l’a classé parmi les 100 personnes les plus influentes.  

Traduction : « HISTORIQUE : Riz Ahmed est le PREMIER acteur pakistanais en une du TIME magazine. »

Sa campagne en faveur d’une meilleure représentation a abouti à la création du « Riz Test », qui est désormais utilisé par les réalisateurs pour évaluer la représentation des musulmans au cinéma et à la télévision et qui vise à sensibiliser le public à la question de l’attribution de rôles stéréotypés aux acteurs musulmans. 

Dans son premier film, The Road to Guantánamo, Riz Ahmed jouait le rôle d’un terroriste présumé. Le film a été salué pour la description tridimensionnelle de ses personnages principaux, inspirés d’un groupe réel de musulmans britanniques incarcérés dans la prison américaine située à Cuba.

Le film a été présenté en avant-première au Festival international du film de Berlin, où il a remporté l’Ours d’argent. « [Lorsque le film] a remporté un prix prestigieux au festival du film de Berlin, nous étions euphoriques », a déclaré Riz Ahmed dans une interview. « Pour ceux qui l’ont vu, les détenus ne sont plus de simples combinaisons orange et sont devenus des êtres humains. »

Après la fin de la production du film, Ahmed et les autres acteurs avec lesquels il a partagé l’affiche ont affirmé avoir été arrêtés et agressés physiquement à l’aéroport de Luton par des gardes-frontières britanniques.

Évoquant cet incident dans sa chanson de rap intitulée Post-9/11 Blues, Riz Ahmed confiait s’être « en quelque sorte trouvé dans ce cirque post-11 septembre ».

L’incident vécu à l’aéroport ne fut qu’un exemple parmi tant d’autres pour l’acteur.

Dans un essai, il a tourné en dérision cette expérience : « Ma “sélection aléatoire” lors de mes vols vers Los Angeles était si fiable que lorsque j’ai commencé à voyager davantage, j’ai été fouillé pendant six mois par ce même Sikh d’âge mûr».

« J’ai instinctivement commencé à l’appeler “mon oncle”, comme le veut la coutume pour les aînés asiatiques. Il s’est mis à m’appeler “beta”, ou “mon fils”, et il fouillait mes bagages en s’excusant. »

Le contraste entre ces expériences et sa popularité depuis doit être saisissant.

Middle East Eye se penche sur certains des films les plus marquants de l’acteur.

The Road to Guantánamo (2006)

Pour son premier grand rôle, Ahmed a incarné un véritable détenu de Guantánamo, Shafiq Rasul, qui y a été emprisonné pendant deux ans par les États-Unis.

Ce docu-fiction réalisé par Michael Winterbottom s’inspire des témoignages de trois hommes britanniques – Ruhal Ahmed, Asif Iqbal et Shafiq Rasul –, qui ont été capturés en Afghanistan puis transférés dans la tristement célèbre prison américaine située à Cuba.

Ils y ont été détenus deux ans sans procès avant d’être libérés sans inculpation en 2004.

Le film alterne entre des interviews des trois hommes et des scènes jouées où leurs expériences sont remises en scène pour raconter leur histoire.

Les trois hommes originaires de la ville anglaise de Tipton (connus sous le nom de « Tipton Three » dans les médias britanniques) se sont rendus au Pakistan pour le mariage d’Asif, juste après les attentats du 11 septembre, mais ont découvert à leur arrivée que le mariage avait été reporté. À l’occasion de leur séjour dans la région, les trois hommes âgés d’une vingtaine d’années ont décidé de franchir la frontière avec l’Afghanistan afin d’y apporter une aide humanitaire, selon leurs dires. 

Ils ont fini par se rendre à Kandahar et à Kaboul, mais se sont perdus en retournant à la frontière pakistanaise et se sont retrouvés à Kondoz, où des soldats de l’Alliance du Nord les ont capturés et remis aux forces américaines.

Dans une interview donnée à l’époque, Riz Ahmed a déclaré que les réalisateurs avaient dû adoucir leur traitement en rembourrant les chaînes utilisées.

« Lorsque nous tournions ensemble au Pakistan, Shafiq retroussait son pantalon et me montrait les marques que les chaînes avaient laissées sur ses chevilles. J’ai fini par comprendre que quand on porte ces chaînes et qu’elles appuient sur les tibias, c’est l’agonie. »

Riz Ahmed a décrit l’expérience qu’il a vécue en incarnant Shafiq Rasul et en travaillant avec lui et les autres ex-détenus comme « une leçon d’humilité ».

« Ils ont une telle force d’esprit. Dans le même temps, ce ne sont que des gars normaux, des gens ordinaires, des mecs super. »

We Are Four Lions (2010)

Après avoir lu le livre du journaliste Jason Burke sur l’histoire d’al-Qaïda, le satiriste britannique Chris Morris a commencé à travailler sur ce qui allait devenir un film culte primé.

Riz Ahmed avait initialement refusé le film, car il avait déjà joué dans The Road to Guantánamo et ne souhaitait pas renforcer « des stéréotypes faux et négatifs », a-t-il confié.

Mais au fur et à mesure que son amitié avec Chris Morris s’est développée, il a compris que son approche était différente et que le film serait une pure comédie. 

On y trouve tes personnages tels que Barry, un musulman converti, inspiré d’un ancien membre du Parti national britannique qui s’est converti à l’islam en essayant de se montrer plus malin que les musulmans auxquels il avait affaire, ou encore Waj, un personnage paumé qui veut devenir un kamikaze et vivre sa propre idée du paradis – faire « les bouées » sans jamais devoir faire la queue. 

Mais c’est le personnage incarné par Riz Ahmed, Omar, agent de sécurité le jour et chef d’une cellule terroriste dans son temps libre, qui fait l’unité du film.

Son désenchantement face à la vie occidentale l’entraîne dans la vie d’un islamiste radical en herbe et dans une série de mésaventures grotesques : avec sa bande, on le voit ainsi entraîner des corbeaux pour en faire des kamikazes ou faire détoner accidentellement des explosifs dans un pré rempli de moutons.

Dans une interview accordée à Vice, Riz Ahmed s’est dit fier de ce film : « Il tient toujours debout et il semble être un de ces films qui jouissent d’une réputation constante par le bouche-à-oreille depuis plus d’une décennie. Je ne pense pas que l’on aurait permis la réalisation de ce film aujourd’hui. » 

Night Call (2014)

Dans ce film, Riz Ahmed brise avec succès le stéréotype des rôles que les « acteurs musulmans de couleur » se retrouvent à jouer. 

Dans ce thriller psychologique, il incarne Rick, un sans-abri vivant dans les rues de Los Angeles qui sert d’assistant à Lou Bloom, un pigiste sociopathe interprété par Jake Gyllenhaal.

Lou Bloom découvre que les médias sont prêts à payer cher pour obtenir des images d’accidents, de crimes et d’autres événements dignes d’intérêt.

Armé d’une caméra et au volant de sa voiture, il entend arriver en premier sur les scènes de crime pour vendre les faits divers.

Ensemble, Lou et Rick commencent à manipuler les preuves et les cadavres pour rendre les informations plus spectaculaires. 

Le réalisateur du film, Dan Gilroy, a déclaré que son objectif était que les spectateurs quittent la salle de cinéma en comprenant qu’en acceptant cette couverture sensationnaliste, ils alimentent eux-mêmes un journalisme contraire à l’éthique.

Bien que le film n’ait pas été unanimement acclamé, il a braqué les projecteurs sur Riz Ahmed et lui a ouvert les portes d’Hollywood.

Venom (2018)

Personnage éponyme de l’univers Marvel, Venom est un symbiote, une créature extraterrestre amorphe qui se lie à un humain afin de survivre sur Terre. Dans le cas de Venom, il s’agit d’Eddie Brock, joué par Tom Hardy.

Riz Ahmed incarne Carlton Drake, un inventeur devenu fou qui, pour tenter de sauver l’avenir de l’humanité, commence à utiliser des cobayes humains. Carlton Drake se retrouvé lié à Riot, un fils symbiotique de Venom qui est également son ennemi juré. 

C’est après ce rôle que Riz Ahmed a décidé de rester fidèle à lui-même et de se concentrer sur les projets indépendants dans lesquels il excelle.

Il s’est ainsi confié dans une interview accordée au magazine Variety : « Je ne dis pas que je n’aime pas ces films à gros budget. Je dis que je n’ai pas encore appris à y apporter ma touche personnelle. Ces films vous apprennent l’endurance, la technique, et c’est une compétence de pouvoir faire ressortir son talent artistique dans ce cadre. »

« Regardez Javier Bardem dans Skyfall : je n’avais tout simplement pas développé les compétences à ce moment-là pour assurer le côté technique et le côté émotionnel. »

Sound of Metal (2020)

Ce film produit par Amazon, qui a valu à Riz Ahmed une nomination aux Oscars, raconte l’histoire de Ruben Stone, batteur et toxicomane en voie de guérison, qui commence à perdre l’ouïe.

Riz Ahmed a appris à jouer de la batterie ainsi que la langue des signes américaine pour jouer le rôle principal. Sa performance captivante lui a permis de devenir le premier acteur musulman et pakistanais à être nommé pour l’Oscar du meilleur acteur.

Son personnage, Ruben, apprend que son audition ne reviendra pas et commencera au contraire à décliner rapidement. Son médecin lui recommande de limiter son exposition aux sons de forte intensité jusqu’à ce qu’un programme thérapeutique adapté soit trouvé. Ruben, musicien passionné, va à l’encontre de ce conseil et continue de jouer de la batterie. 

On le voit perdre son audition mais aussi sa petite amie, Lou (Olivia Cooke), qui retourne dans sa famille à Paris pour traiter son propre problème mental.

Ruben commence à apprendre la langue des signes dans un centre communautaire local, mais se rend compte que cela ne lui suffit pas. Il vend alors tous ses biens pour se faire poser des implants auditifs cochléaires.

Les implants déçoivent Ruben, rien ne sonne correctement pour ses oreilles de musicien.

Riz Ahmed s’est confié au sujet de ce rôle : « Une grande partie de cette performance et de ce film porte en réalité sur l’abandon et le lâcher-prise, sur l’idée de laisser les choses se produire. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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