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Sahel : prochain déploiement de 3 000 soldats des forces africaines

L’Union africaine s’apprête à mobiliser une force militaire au Sahel alors que les différents dispositifs en opération semblent dépassés par la poussée des groupes armés
Smaïl Chergui, commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine (AFP)
Smaïl Chergui, commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine (AFP)

Le commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine (UA), l’Algérien Smaïl Chergui, a annoncé mardi 23 juin le déploiement de 3 000 soldats des forces africaines au Sahel avant la fin de l’année, dès que les préparatifs nécessaires seraient en place.

« Décidé février dernier lors de la réunion des chefs d’État et de gouvernement, le déploiement de 3 000 soldats au Sahel, sur demande des pays de la région, à mettre en place en juin, a accusé un retard du fait des mesures de riposte au COVID-19 qui a freiné tout progrès en matière de planification sur le terrain », a précisé Smaïl Chergui dans une déclaration à l’agence d’information algérienne APS.

Les concertations entre les différents acteurs, à l’instar de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et des pays du G5 Sahel, ont débuté immédiatement après le sommet des chefs d’État en février pour mener à bien le concept opérationnel du déploiement de ces forces. Celui-ci devant être présenté au Conseil de paix et de sécurité de l’UA pour approbation avant la fin de 2020, a-t-il expliqué.

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Ce déploiement des forces intervient en réponse à la fréquence croissante de la violence au Sahel, notamment après les derniers attentats perpétrés dans la région, auxquels s’ajoutent les défis écologiques, la sécheresse et ses répercussions sur la sécurité alimentaire dans la région. Ce qui complique davantage la situation.

Selon les statistiques de l’ONU, le nombre de personnes tuées par les extrémistes armés au Burkina Faso, au Mali et au Niger a même été multiplié par cinq en trois ans, passant de 770 morts en 2016 à 4 000 en 2019. Rien qu’au Burkina Faso, le nombre de personnes tuées est passé de 80 en 2016 à plus de 1 800 en 2019.

Smaïl Chergui a déploré le fait que « des groupes terroristes, des extrémistes, et des groupes de contrebande et criminels profitent de l’absence des autorités pour étendre leur influence et compenser les services de l’État de façon à déployer davantage leurs éléments et élargir les activités terroristes en dehors du Sahel ».

Preuve à l’appui, les récentes attaques en Côte d’Ivoire illustrent « l’expansion du foyer de ce fléau dans les pays du golfe de Guinée », a-t-il déploré.

Au sujet des solutions définitives aux problèmes et défis de l’Afrique, le diplomate algérien a expliqué qu’elles ne pouvaient « émaner d’ailleurs », mais s’imposaient par « le respect du principe de la solution nationale et sa concrétisation sur le terrain selon les spécificités locales et les conceptions de chaque pays ».

Il est selon lui hors de question d’impliquer, dans ce contexte, des parties étrangères, sauf à travers « le rôle d’accompagnateur de la mission avant-gardiste nationale, dans le but de garantir la polarisation des peuples africains pour qu’ils soient aux côtés de leurs dirigeants ».

En février, Smaïl Chergui avait déploré l’« insuffisance » de la mobilisation internationale face à l’aggravation de la menace au Sahel

Compte tenu de « l’adhésion politique » dont bénéficie l’UA, cette organisation est, d’après Smaïl Chergui, prioritaire en matière de réinstauration de la sécurité au Sahel, eu égard à ses expériences réussies dans la lutte contre l’islamisme armé.

Preuve en est, les résultats atteints par la mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) en 2007, grâce à laquelle le pays a récupéré le pouvoir qui était sous l’hégémonie du mouvement des Chebab.

En février, Smaïl Chergui avait déploré l’« insuffisance » de la mobilisation internationale face à l’aggravation de la menace au Sahel, appelant à un sursaut similaire à celui qui a permis de vaincre le groupe État islamique (EI) en Irak et en Syrie pour éliminer tous les groupes extrémistes armés en Afrique « rapidement ».

Exécutions extrajudiciaires

Il s’était aussi demandé pourquoi la mobilisation vue en Irak et en Syrie n’était pas la même en Somalie et au Sahel. « Est-ce qu’on n’a pas la volonté d’en finir rapidement ? », en avait-il déduit.

L’annonce de cette force africaine qui sera déployée au Sahel intervient au moment où l’ONU s’inquiète des exactions des armées du Mali, du Burkina Faso et du Niger, engagées contre les islamistes armés.

Début juin, le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les opérations de paix, Jean-Pierre Lacroix, déclarait : « J’exhorte la force conjointe du G5 Sahel et ses États membres à ne ménager aucun effort » pour respecter les droits humains.

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Début avril, la mission de l’ONU au Mali (MINUSMA) a dénoncé la « multiplication » des méfaits imputés aux armées nationales. L’ONU a dénombré 101 exécutions extrajudiciaires par l’armée malienne entre janvier et mars, et une trentaine d’autres par l’armée nigérienne sur le sol malien.

Cinq déploiements et missions militaires, régionales ou internationales, opèrent dans la région sahélienne : Barkhane, la plus importante opération extérieure de l’armée française (5 100 militaires) ; la mission de l’ONU au Mali (MINUSMA), avec environ 13 000 Casques bleus, une des missions les plus importantes de l’ONU ; la force G5 Sahel, qui doit compter 5 000 hommes à terme ; la Mission européenne de formation de l’armée malienne (EUTM Mali), qui réunit 620 militaires de 28 pays européens ; et enfin la force européenne Takuba (épée en targui), qui débutera ses opérations cet été avec une centaine de militaires, un groupement de forces spéciales destiné à accompagner les soldats maliens au combat.

Le 18 juin, la ministre française des Armées Florence Parly a estimé qu’il était « encore trop tôt pour crier victoire » au Sahel, où la situation sécuritaire « reste profondément fragile », alors que les chefs d’État sahéliens et français doivent faire un point d’étape au sommet de Nouakchott fin juin ou début juillet.

« En de nombreux endroits, la population commence à reprendre confiance et donne plus facilement du renseignement à nos forces », s’est félicitée la ministre en vantant « des progrès indéniables ».

Toutefois, « les forces locales progressent mais elles restent fragiles comme nous l’avons encore vu dimanche dernier à Diabaly », dans le centre du Mali, où au moins 24 soldats maliens ont été tués dans une embuscade imputée aux islamistes armés.

« Tant que les forces des pays sahéliens n’auront pas pris le relais, tant que les groupes terroristes conserveront une capacité de recrutement, le terrorisme n’aura pas été vaincu dans la région », a prévenu la ministre.

Le 3 juin, le chef d’al-Qaïda au Maghreb islamique, Abdelmalek Droukdel, a été tué dans une opération des forces Barkhane au nord du Mali.

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