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Une danseuse égyptienne condamnée à trois ans de prison pour « incitation à la débauche »

L’Égypte traque sur les réseaux sociaux les influenceurs qui abordent des sujets trop politiques ou jugés contraires aux mœurs de la société. Dernière victime en date : une célèbre danseuse orientale
Sama al-Masry, 42 ans, a nié les accusations, affirmant que le contenu ayant fait l’objet d’une enquête avait été volé et partagé depuis son téléphone sans son consentement (AFP)
Sama al-Masry, 42 ans, a nié les accusations, affirmant que le contenu ayant fait l’objet d’une enquête avait été volé et partagé depuis son téléphone sans son consentement (AFP)

Une célèbre danseuse orientale de haut niveau a été condamnée à trois ans de prison et une amende de 300 000 livres égyptiennes (16 500 euros) par la cour économique (juridiction spécialisée permettant une justice rapide) du Caire pour « incitation à la débauche et à l’immoralité ».

Sama al-Masry a été condamnée samedi pour avoir téléchargé des photos et des vidéos sur ses comptes de réseaux sociaux. Selon la justice, l’accusée voulait ainsi inciter à « l’immoralité » et aller à l’encontre des mœurs de la société égyptienne.

Un certain nombre d’internautes ont profité des réseaux sociaux pour dénoncer la condamnation et accuser le gouvernement d’être « contre les femmes ».

« Les hypocrites qui l’ont arrêtée [Sama al-Masry] adorent probablement regarder les danseuses orientales. Le statut des droits humains en Égypte est une honte », a tweeté un internaute.

« C’est pourquoi vous, l’Égypte, ne serez jamais respectée, pas de démocratie, pas de liberté d’expression ou de religion », a critiqué un autre.

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Le procureur Hamada al-Sawy a ordonné l’arrestation de Sama al-Masry en avril alors que des poursuites avaient été engagées contre la danseuse par l’animatrice de télévision égyptienne Reham Saeed et son avocat. Ces derniers l’ont accusée d’« actes honteux » invitant à la « prostitution ».

La danseuse de 42 ans a nié les accusations, affirmant que le contenu ayant fait l’objet d’une enquête avait été volé et partagé depuis son téléphone sans son consentement.

Sama al-Masry a déclaré qu’elle ferait appel de la décision. Le député égyptien John Talaat a appelé à une action en justice contre la danseuse et d’autres femmes utilisant la plateforme de réseaux sociaux TikTok, déclarant qu’elles détruisaient les valeurs et les traditions familiales, ce qui est illégal conformément à la loi et à la Constitution du pays.

Sama al-Masry s’est fait un nom en tant qu’actrice – elle est apparue dans un certain nombre de films – et sa chaîne YouTube s’est fait connaître pour avoir critiqué les Frères musulmans et s’être moquée du président américain de l’époque, Barack Obama, en 2013.

Des cuisses et des larmes

De nombreuses femmes en Égypte ont été confrontées à des critiques et à des accusations similaires d’« incitation à la débauche » pour des actes remettant en cause les normes sociales conservatrices du pays.

En 2018, l’actrice Rania Youssef a été poursuivie en justice pour avoir porté une tenue en dentelle transparente exposant ses jambes et ses cuisses lors du festival du film du Caire.

Ces derniers mois, les autorités égyptiennes ont intensifié leur répression contre les personnalités influentes sur les réseaux sociaux, en particulier des influenceuses sur TikTok, Instagram et YouTube qui ont également été accusées d’« incitation à la débauche » et de « prostitution ».

Une étudiante, Haneen Hossam, a ainsi été arrêtée en avril et accusée de promouvoir la prostitution pour avoir dit à ses 1,3 million de followers comment les filles pouvaient gagner de l’argent sur TikTok.

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Le mois dernier, la star des réseaux sociaux Menna Abdelaziz, âgée de 17 ans, a été arrêtée et inculpée de la même manière après avoir publié une vidéo où elle apparaissait en larmes, le visage tuméfié, affirmant avoir été battue et violée par un autre influenceur.

La loi égyptienne sur la cybercriminalité publiée en 2018 peut infliger au moins deux ans d’emprisonnement et une amende pouvant aller jusqu’à 300 000 livres égyptiennes à toute personne trouvée en train de créer et de gérer un compte sur internet qui enfreint la loi.

Depuis qu’Abdel Fattah al-Sissi a pris le pouvoir lors d’un coup d’État en juillet 2013, des centaines de journalistes, militants, avocats et intellectuels ont été arrêtés et les autorités ont bloqué divers sites internet au nom de la sûreté de l’État.

Dans la même veine, le Conseil supérieur de régulation des médias a annoncé début juin qu’il était interdit aux médias et aux utilisateurs de réseaux sociaux de s’exprimer sur plusieurs questions « sensibles », notamment le Grand barrage de la Renaissance éthiopienne, le coronavirus, la guerre en Libye et dans la péninsule du Sinaï.

Traduit de l’anglais (original).

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