En réponse à Gaïd Salah, les Algériens promettent de manifester vendredi avec le drapeau berbère

« Il m’appartient d’attirer l’attention sur une question sensible, à savoir la tentative d’infiltrer les marches et porter d’autres emblèmes que notre emblème national par une infime minorité. L’Algérie ne possède qu’un seul drapeau, pour lequel des millions de chouhada [martyrs] sont tombés en martyrs. »
Mercredi à Béchar (sud-ouest), le chef d’état-major de l’armée algérienne, le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, considéré comme l’homme fort du pouvoir depuis le départ d’Abdelaziz Bouteflika le 2 avril, a mis en garde : seul le drapeau algérien sera désormais toléré lors des manifestations, excluant sans le désigner le drapeau berbère.
Le drapeau amazigh, constitué de trois bandes horizontales bleue, jaune et verte, et frappé au centre de la lettre Yaz de l’alphabet tifinagh, est régulièrement brandi lors des marches qui réclament depuis le 22 février un changement de régime et… le départ d’Ahmed Gaïd Salah lui-même.
L’identité amazighe est un sujet sensible en Algérie, où un quart de la population, soit dix millions de personnes, est berbérophone. Concentrés majoritairement dans la région de la Kabylie (nord), les Berbères sont également présents dans le centre, l’est et le grand sud.
Cette nouvelle déclaration a provoqué la colère des Algériens qui, malgré les coupures internet imposées toute la semaine pour empêcher la fuite des sujets du baccalauréat, ont submergé les réseaux sociaux de commentaires moqueurs et indignés, promettant de sortir vendredi 21 juin avec un drapeau berbère au mépris des menaces.
Car Ahmed Gaïd Salah a bien spécifié que « des instructions strictes » avaient été données aux forces de l’ordre « pour une application des lois en vigueur et faire face à quiconque tente encore une fois d’affecter les sentiments des Algériens à propos de ce sujet sensible et délicat ».
Pour le chef d’état-major, le drapeau national est « un emblème unique qui représente le symbole de souveraineté de l’Algérie, de son indépendance, de son intégrité territoriale et de son unité populaire », des thèmes chers au pouvoir algérien dès qu’il souhaite dénoncer les complots, en particulier ceux de la « main de l’étranger ».
« Il faut rappeler que c’est la deuxième fois, depuis le début du hirak, que le vice-ministre de la Défense nationale évoque cette question du drapeau », souligne le quotidien El Watan. « À la veille du neuvième vendredi, il avait parlé du ‘’respect des symboles de l’État, dont le drapeau national’’. Certaines personnalités connues pour leur aversion à la question amazighe, à l’image de la députée Naïma Salhi, avaient aussitôt affirmé que c’est le drapeau amazigh qui était ‘’indésirable’’. »
« Mais le soldat Gaïd Salah ignore sûrement qu’il n’y a aucune loi algérienne qui interdit de porter le drapeau amazigh et que les instruments internationaux et régionaux ratifiés par son pays reconnaissent et protègent les droits du peuple autochtone amazigh », rappelle dans un communiqué le Congrès mondial amazigh.
« Par ailleurs, Gaïd Salah outrepasse les limites de ses compétences puisque les services de sécurité intérieure dépendent du ministre de l’Intérieur et non du chef de l’armée [...] (…) M. Gaïd Salah, qui fait partie du régime honni de Bouteflika, sait que le peuple réclame son départ sans délai. Il cherche alors à faire diversion en s’attaquant cette fois-ci aux Amazighs qui n’ont de leçon de patriotisme à recevoir de personne. Le peuple ne veut pas d’un régime militaire et revendique la démocratie, la pluralité et l’État de droit dans lequel seront respectés les droits de tous. »
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