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La milice privée de Ben-Gvir menace les Palestiniens et la sécurité d’Israël

Le ministre israélien de la Sécurité nationale va probablement utiliser la garde nationale que lui a accordée Netanyahou pour réprimer davantage les opposants et les Palestiniens, estiment ses détracteurs
Le député d’extrême droite Itamar Ben-Gvir près de la porte de Damas à Jérusalem-Est occupée, le 10 juin 2021 (Reuters)

La création d’une garde nationale en Israël placée sous le commandement du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir suscite des craintes concernant les risques pour les Palestiniens et l’avenir de la sécurité dans le pays.

Ce projet fait partie d’un accord conclu entre Benyamin Netanyahou et Ben-Gvir : ce dernier avait menacé de démissionner après la suspension par le Premier ministre du projet controversé de réforme judiciaire à la suite de semaines de manifestations de masse qui ont mis le pays à l’arrêt lundi dernier.

Ben-Gvir a accepté ce gel de la réforme en échange de la création d’une garde nationale loyale à son ministère. 

Le gouvernement israélien a approuvé dimanche la décision de former cette garde nationale. Un comité – composé de membres des « agences de sécurité israéliennes » – décidera si le chef de la police, ou d’une autre entité, dirigera cette garde, a indiqué le bureau du Premier ministre Benyamin Netanyahou.

Le périmètre d’action de cette garde sera établi par ce comité sous 90 jours, a ajouté cette source.

« La garde nationale s’occupera des situations d’urgence nationales à l’instar des troubles ayant eu lieu lors de l’opération Gardiens des Murs », a ajouté le bureau, faisant référence aux affrontements entre Israël et le mouvement palestinien Hamas en mai 2021.

En onze jours, 260 personnes (dont des combattants) côté palestinien – notamment dans la bande de Gaza – et 14 personnes en Israël, dont un soldat, avaient été tuées.

Un communiqué du bureau de Ben-Gvir avait affirmé auparavant que la garde nationale traiterait des « scénarios d’urgence, de la criminalité à caractère nationaliste [des agressions ou des attaques contre les juifs selon Ben-Gvir], du terrorisme, et du renforcement de la souveraineté [d’Israël] ». 

Opérant sous son ministère, elle sera constituée de 1 800 membres qui « ramèneront la sécurité » aux Israéliens, a déclaré le ministre d’extrême droite, selon un communiqué de son bureau.

« Fantaisie extrémiste de gens délirants »

« Il est clair que la situation politique de Netanyahou est extrêmement précaire », estime Yonatan Touval, analyste à l’Institut israélien des politiques étrangères régionales (Mitvim).

« Il est au plus bas dans les sondages, son propre parti lui en veut particulièrement », dit-il à Middle East Eye.

Un sondage publié mardi dernier révèle en effet que si des élections avaient lieu aujourd’hui en Israël, Netanyahou et sa coalition perdraient probablement. Le Likoud (son parti), le Sionisme religieux, Shas et le Judaïsme unifié de la Torah n’obtiendraient pas les 61 sièges nécessaires pour obtenir une majorité à la Knesset, qui en compte 120.

Ses détracteurs craignent que la création d’une garde nationale sous le contrôle direct du déjà puissant Ben-Gvir ne sape la sécurité dans le pays.

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À la suite de cette décision, l’ancien chef de la police israélienne Moshe Karadi a déclaré que Ben-Gvir avait « formé une milice privée pour ses besoins politiques ». « Il démantèle la démocratie israélienne », a-t-il ajouté.

Dimanche, le chef de l’opposition Yaïr Lapid a lui aussi critiqué la nouvelle initiative, estimant que le gouvernement réduisait le budget de tous les autres ministères « pour financer la milice privée de Ben-Gvir », la qualifiant de « fantaisie extrémiste de gens délirants ».

En juin 2021, le précédent gouvernement israélien avait approuvé un projet de création de garde nationale composé d’officiers en service et de réserve ainsi que de volontaires entraînés par la police des frontières.

Cette initiative avait été évoquée après les émeutes entre juifs et Palestiniens en Israël en mai de cette année, mais n’avait encore jamais vu le jour.

Ben-Gvir souhaite depuis longtemps la création d’une garde nationale. Selon Yonatan Touval, il veut « une force paramilitaire directement sous son commandement et qu’il peut déployer dans les villes mixtes [composées de juifs et de Palestiniens] en Israël ». 

« Il va sans dire que cette force se concentrerait sur le maintien de l’ordre en visant les citoyens arabes dès l’apparition de tensions et de violences. »

Ben-Gvir a déjà demandé à la police de réprimer davantage les manifestations contre le gouvernement qui secouent le pays depuis janvier. 

« Agenda anti-palestinien »

L’Association for Civil Rights in Israel est également inquiète. « On a déjà constaté ce qui s’est passé lorsque Ben-Gvir a voulu réprimer les manifestations ; maintenant on ne peut qu’imaginer ce qui se passera lorsqu’il aura sa propre milice », a-t-elle déclaré.

Les citoyens palestiniens d’Israël et ceux qui vivent dans les territoires occupés redoutent également cette initiative car elle pourrait être utilisée contre eux.

« Donner une milice privée au ministre kahaniste Itamar Ben-Gvir, qui a été condamné par le passé, va probablement marquer un recul historique pour la sécurité des Palestiniens à travers les territoires occupés », indique Robert Andrews, responsable des relations publiques au sein de l’ONG de défense des droits de l’homme EuroPal Forum.

« On peut s’attendre à ce que la milice de Ben-Gvir poursuive les actes de violence et de terrorisme contre les Palestiniens, mais en portant des uniformes et en faisant officiellement partie de l’appareil d’État »

- Robert Andrews, EuroPal Forum

Le rabbin Meir Kahane était un Israélien d’origine américaine qui a dirigé un groupe d’extrême droite ayant donné naissance au kahanisme, une perspective sioniste religieuse extrémiste reposant sur la suprématie juive.

Par le passé, le parti Force juive de Ben-Gvir a embrassé l’idéologie kahaniste et il est aujourd’hui un important partenaire de la coalition au pouvoir présidée par Netanyahou.

« La décision d’accorder au fasciste Ben-Gvir une milice privée boostera sans aucun doute son agenda anti-palestinien », affirme Robert Andrews à MEE.

Ces derniers mois, Ben-Gvir a déjà introduit une série de mesures draconiennes contre les Palestiniens.

En février, le Parlement a adopté en première lecture un projet de loi présenté par le parti Force juive visant à mettre fin au financement des traitements médicaux non essentiels des Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes. 

Depuis qu’il a rejoint le gouvernement de Netanyahou à la fin de l’année dernière, le ministre de la Sécurité s’est juré de durcir le régime carcéral des prisonniers palestiniens, lesquels seraient, selon lui, trop bien traités.

Ben-Gvir a également ordonné la fermeture des boulangeries gérées par les détenus palestiniens dans les prisons israéliennes et a limité les douches à 4 minutes.

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« Avec une milice privée désormais sous son contrôle absolu, il apparaît déjà clairement – conformément à ses déclarations jusqu’ici – que Ben-Gvir utilisera cette organisation pour légitimer davantage la violence des colons contre les communautés palestiniennes au prétexte de “préserver le maintien de l’ordre” », estime Robert Andrews. 

« Les Jeunes des collines [organisation de colons nationaliste et religieuse extrémiste] terrorisent déjà les civils palestiniens, s’en prenant à eux et à leurs biens en toute impunité », poursuit-il. « On peut s’attendre à ce que la milice de Ben-Gvir poursuive les actes de violence et de terrorisme contre les Palestiniens, mais en portant des uniformes et en faisant officiellement partie de l’appareil d’État. »

Néanmoins, Yonatan Touval prédit que la décision de former cette garde nationale sera probablement combattue devant les tribunaux et qu’il est loin d’être acquis que Ben-Gvir la contrôlera.  

« La mise en place d’une telle force est susceptible de rencontrer des obstacles légaux, en particulier si [...] cette garde nationale est séparée et indépendante de la police et soumise directement au ministère de la Sécurité nationale et à son ministre, Ben-Gvir lui-même », conclut l’analyste.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation

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