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Devoir de vérité : l’impossible défense de Tariq Ramadan

Une décision de justice qui contredit une plaignante. Un entretien sur BFMTV. Une comparaison avec le capitaine Dreyfus. La sortie du livre confessions de Tariq Ramadan est assortie d’un parfum de scandale
Tariq Ramadan s’adresse à un groupe de personnes alors qu’il quitte le palais de justice de Paris, le 30 août 2019, après une audience (AFP)

« Tariq Ramadan fait sa charia », titre l’hebdomadaire Marianne. « Un Tartuffe en toute liberté », chronique Le Point. « Tariq Ramadan ose la comparaison avec l’affaire Dreyfus », commente Le Figaro

La sortie, mercredi 11 septembre, du livre de l’islamologue suisse, Devoir de vérité, est, comme attendu, assortie d’un parfum de scandale, y compris sur les réseaux sociaux.

D’abord parce qu’une des femmes qui l’accusent de viol, et qui dénonçait la mention de son vrai nom dans l’ouvrage, n’a pas obtenu gain de cause de la part de la justice qui a autorisé la sortie de l’ouvrage. Cette plaignante, appelée Christelle dans les médias, avait assigné lundi l’auteur et son éditeur pour que le livre soit modifié avant toute commercialisation et que son patronyme en soit retiré.

Dans son livre, Tariq Ramadan relate la manière dont il a vécu l’affaire qui a éclaté à l’automne 2017 et a provoqué sa chute

Dans sa décision, le tribunal de grande instance de Paris a considéré que l’identité de cette plaignante avait déjà été rendue publique et que sa demande « porterait une atteinte excessive et disproportionnée à la liberté d’expression » de Ramadan. Il reconnaît toutefois que cette femme a subi un préjudice du fait de la diffusion de son nom sans son consentement et condamne l’intellectuel musulman à lui verser un euro symbolique.

Ensuite parce que son passage dans l’émission de Jean-Jacques Bourdin, « Bourdin Direct », sur BFMTV, où il a reconnu avoir « été en contradiction avec certains de [ses] principes » et avoir menti au sujet de ses relations intimes avec certaines plaignantes « pour protéger [sa] famille », a provoqué une polémique. 

« Que Tariq Ramadan choisisse de sortir de son silence pour s’exprimer, c’est son droit, son moment. Que Jean-Jacques Bourdin, qui l’invite depuis des années, s’empresse de lui tendre le micro en plein Grenelle sur les violences sexuelles, pour la sortie d’un livre sans mea culpa le 11 septembre, c’est son choix. Il ne me surprend pas », commente une de ses plus ferventes adversaires, Caroline Fourest. 

Lundi, la fédération Musulmans de France (MF, ex-UOIF) s’est dite « trahie par le comportement » du théologien suisse. 

« MF est choquée par l’écart béant entre les dires et le comportement de Monsieur Ramadan, écart qu’elle n’a jamais soupçonné. Elle n’en a jamais été informée, ni n’a observé un quelconque comportement de l’intéressé en désaccord avec l’éthique musulmane », lit-on dans le communiqué de Musulmans de France, qui s'étonne des révélations faites quant à ses liaisons extraconjugales multiples et répétées.

« MF tient à rappeler que les imams, les prédicateurs et les cadres religieux musulmans sont appelés à se sentir et à vivre sous le regard permanent de Dieu. C’est-à-dire avec une moralité cohérente avec ce qu’ils prêchent et à la hauteur de ce qu’attend d’eux leur public. »

Tariq Ramadan dénonce un « racisme d’État »

Dans son livre, Tariq Ramadan relate la manière dont il a vécu l’affaire qui a éclaté à l’automne 2017 et a provoqué sa chute, dans un texte teinté de méditations spirituelles. « Entre deux méditations mystico-spirituelles assommantes, il s’évertue à faire l’amalgame entre sa situation judiciaire et une prétendue islamophobie de la société française et de ses institutions », commente une chronique du Point.

Tariq Ramadan « nie en bloc les accusations de viol qui le visent. Et dénonce un ‘’racisme d’État’’ », écrit le quotidien français Le Figaro qui a lu l’ouvrage. 

Tariq Ramadan est toujours présumé innocent, jusqu’à preuve du contraire
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« ‘’Dieu sait et vous ne savez pas’’, écrit Tariq Ramadan, citant le Coran. ‘’Je révèle ici tout ce qu’on vous a caché’’, promet le bandeau rouge en couverture. Mais après lecture de son Devoir de vérité, on n’en sait pas plus sur ce qui s’est réellement passé entre l’islamologue suisse et les plaignantes. ‘’C’est moins instructif que la lecture du dossier !’’, raille Me Francis Szpiner, avocat d’Henda Ayari, la première accusatrice », poursuit le journal français.

Tariq Ramadan, 57 ans, est mis en examen (inculpé) depuis février 2018 pour les viols de deux femmes en France. Il a passé près de dix mois en détention provisoire avant d’être remis en liberté sous contrôle judiciaire en novembre. Il avait d’abord nié tout rapport sexuel avec ces deux femmes, avant d’être contredit par l’enquête et d’évoquer des « relations consenties ».

Il est également accusé par deux autres femmes de viols, dont l’un en réunion. 

Faisant aussi l'objet d'une plainte pour viol en Suisse, Tariq Ramadan doit être entendu cet automne à Paris par un procureur de Genève.

D’après le quotidien Libération, qui livre dans son édition du 8 septembre un autre témoignage d’une victime supposée du théologien en Suisse, Ramadan chercherait à redynamiser ses « réseaux » : il « devait organiser dimanche une réunion dans une librairie islamique, rue Jean-Pierre Timbaud à Paris, convoquant des cadres musulmans. Des imams 2.0, très actifs sur les réseaux sociaux, y auraient été conviés ».

Selon le journal, « sa garde rapprochée historique a rompu avec lui depuis le printemps 2018 après des révélations sur sa double vie, peu conforme aux valeurs qu’il prônait lui-même dans ses conférences ».

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