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« La lutte antiterroriste en Tunisie n’est pas efficace » : Tunis frappée par deux attaques kamikazes

Alors que des kamikazes ont attaqué Tunis à deux endroits, visant les forces de l’ordre, le président Béji Caïd Essebsi, 92 ans, a été hospitalisé dans un état critique après un « grave malaise »
Des policiers à Tunis après les deux attaques kamikazes qui ont frappé la capitale le jeudi 27 juin (AFP)

« La menace terroriste en Tunisie n’a jamais été très élevée mais elle n’a jamais baissé. Et aujourd’hui, les foyers d’al-Qaïda au Maghreb islamique [AQMI] sont plus actifs en Tunisie qu’en Algérie. » Pour Akram Kharief, animateur du site menadefense.net, les deux attaques kamikazes qui ont frappé Tunis ce jeudi 27 juin, « très difficiles à anticiper », ne sont pour autant pas surprenantes.

En fin de matinée, à l’intersection des très fréquentées avenues Bourguiba et Charles-de-Gaulle, à quelques mètres de l’ambassade de France et du ministère de l’Intérieur, un kamikaze a foncé sur une patrouille de police. 

Au même moment, un autre kamikaze s’est fait exploser devant la porte arrière du complexe de Gorjani, où se trouve une unité de lutte antiterroriste dépendant du ministère de l’Intérieur. 

Un premier bilan officiel fait état d’un décès – un policier – et plusieurs blessés parmi les forces de l’ordre et des civils. « Un des deux agents de police blessés dans l’attentat suicide ce matin est décédé », a indiqué à l’AFP le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Sofiène Zaag.

Un important dispositif sécuritaire a été immédiatement déployé, rapportent plusieurs témoins.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, les médias locaux ont aussi rapporté une attaque à Gafsa (sud-ouest), où une station de télédiffusion a été ciblée par plusieurs hommes armés. 

« Des éléments terroristes ont tiré des coups de feu en direction de la station qui est protégée par des unités militaires, puis ont pris la fuite. Cette attaque n’a fait ni dégât matériel ni blessé », témoigne le site Mosaïque FM.

Le dernier attentat dans la capitale remonte au 29 octobre 2018 : une jeune femme de 30 ans qui avait prêté allégeance au groupe État islamique (EI) avait fait exploser une bombe artisanale, faisant 26 blessés. 

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La Tunisie est exposée, à l’est, aux infiltrations d’islamistes armés de Libye et, à l’ouest, à des infiltrations d’éléments radicaux en provenance d’Algérie, où la pression de l’armée est très importante.

Le groupe Ansar Charia, fondé en 2011 par deux prédicateurs emprisonnés sous Ben Ali, classé depuis comme organisation terroriste par la Tunisie, a vu ses membres se disperser avec la guerre en Syrie et la situation instable en Libye. Mais différentes cellules évoluent toujours en Tunisie. Celle d’Okba Inbn Nafaâ, active à l’ouest et reliée à al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), et celle de Rabiaa al-Madkhali, un prédicateur saoudien qui trouve des adeptes en Libye et, désormais, en Tunisie. 

« Un climat politique général plutôt délétère »

« Il ne faut pas non plus oublier que la Tunisie voit revenir de nombreux combattants de Syrie et d’Irak », ajoute Akram Kharief.  

Plusieurs instituts de recherche internationaux rapportent que, selon les chiffres de 2015 publiés par les Nations unies, environ 5 500 Tunisiens auraient rejoint les zones de combat au Moyen-Orient. 

En avril 2018, le ministère tunisien de l’Intérieur rapportait que 800 Tunisiens étaient revenus en 2016. 

À cette problématique se greffe aussi, selon Akram Kharief, « des doutes sur l’efficacité de la lutte antiterroriste menée par les autorités », ces dernières communiquant pourtant régulièrement sur le « démantèlement de cellules terroristes ».

« Leur dispositif de sécurité est assez perméable. Leur police est plutôt dans la démonstration et leur armée les combat de manière assez molle. Ils sont aidés par plusieurs partenaires, dont les Américains et les Algériens, mais on constate un manque de volonté politique », précise-t-il. 

Une accusation aussi entendue en Tunisie, où le cas de la commission parlementaire créée il y a un an pour enquêter sur les raisons des départs des jeunes en Syrie et en Irak, qui piétine, est citée en exemple. 

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Sur France 24, l’analyste politique Gauthier Rybinski note par ailleurs que « ce type d’action correspond à un climat politique général plutôt délétère ». « La sclérose du système politique tunisien n’est pas de nature à encourager ou à rassurer ceux qui veulent voir avec confiance l’avenir de la Tunisie », estime-t-il.

Un nouveau coup dur pour la Tunisie alors que se profile la saison estivale. En juin, la Fédération tunisienne de l’hôtellerie a estimé que le tourisme représentait 13,8 % du PIB tunisien. 

Le ministre du Tourisme, René Trabelsi, a déclaré en avril que le nombre de touristes enregistrés depuis début 2019 avait augmenté de 27 %, prévoyant une saison 2019 « exceptionnelle ». La Tunisie table sur 650 000 touristes russes en 2019 et compte également accueillir 400 000 Allemands ainsi que 250 000 Britanniques. 

En fin de matinée toujours, le président Béji Caïd Essebsi, 92 ans, a été hospitalisé « dans un état critique », « victime d’un grave malaise ». Il a été transféré à l’hôpital militaire de Tunis, a écrit la présidence sur sa page Facebook.

« La situation du président est critique » mais «  stable », a indiqué son conseiller Firas Guefrech, sur Twitter, démentant des rumeurs faisant état de sa mort.

Le président avait déjà été hospitalisé la semaine dernière. Les médias tunisiens avaient alors fait état de l’hospitalisation du président du Parlement, Mohamed Ennaceur, chargé selon la Constitution d’occuper la présidence par intérim en cas d’absence du chef de l’État.

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