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EXCLUSIF : Les Émiratis agissent comme des occupants, déclare le président du Yémen

La querelle aurait commencé lors d’une dispute sur le contrôle de l’aéroport d’Aden
Le président du Yémen Abd Rabbo Mansour Hadi a licencié deux officiels proches des Émiratis (AFP)

Middle East Eye est en mesure de révéler que le président du Yémen Abd Rabbo Mansour Hadi a accusé Mohammed ben Zayed, le prince héritier d’Abou Dhabi et commandant en chef des forces armées émiraties, d’avoir agi comme un occupant au Yémen plutôt que comme le libérateur du pays.

La querelle entre les deux hommes menace de diviser l’alliance entre les forces qui se battent contre les Houthis, soutenus par l’Iran.

Des sources proches de Hadi ont déclaré à MEE qu’une vive confrontation a eu lieu entre les deux leaders lorsque Hadi s’est rendu à Abou Dhabi afin de tenter de s’entendre sur qui contrôle l’aéroport d’Aden, un axe d’approvisionnement essentiel pour les troupes soutenues par les Émirats arabes unis (EAU) et le président du Yémen.

La rencontre, qui a eu lieu fin février, a duré dix minutes et s’est déroulée dans une pièce annexe du palais – et non dans l’espace de réception officiel – puis s’est terminée dans la colère et les récriminations mutuelles, selon des sources.

Lorsque Ben Zayed a rappelé à Hadi combien les Émirats ont sacrifié lors du combat pour libérer le Yémen, Hadi a répliqué que les Émiratis se comportaient « comme un pouvoir d’occupation au Yémen plutôt qu’une force de libération ». Cela a encore plus enragé Ben Zayed, selon les sources.

Deux tentatives de médiation des Saoudiens n’ont pas mis fin à la dispute entre les deux dirigeants et Hadi a depuis licencié deux hommes proches des Émiratis.

Il s’agit du gouverneur d’Aden, Aydarus al-Zubaydi, et de Hani Ali ben Braik, un ministre d'État et commandant général des forces de la « Ceinture de sécurité », gérées par les EAU.

La confrontation à l’aéroport d’Aden

Le problème de l’aéroport d’Aden a fait irruption lorsque Hadi en personne n’a pas été autorisé à atterrir au début du mois de février et a dû de ce fait atterrir sur l’île yéménite de Socotra, avant de tenter à nouveau de retourner à Aden.

Hadi a répliqué en licenciant le directeur de l’aéroport, qui avait refusé d’obéir aux ordres.  

Le président yéménite a ensuite fait assiéger l’aéroport par les forces du Brigadier général Muhran Qabati, commandant de la quatrième brigade – qui fait office de garde du corps du président –, suite à quoi des affrontements entre les deux parties ont eu lieu.

Hadi n’a pas eu la permission d'atterrir à l’aéroport d’Aden en février (AFP)

Les Saoudiens ont tenté de servir d’intermédiaire en organisant une rencontre entre le ministre de la Défense saoudien Mohammed ben Salmane, Hadi et Ben Zayed à Riyad. La rencontre à Abou Dabi entre Ben Zayed et Hadi s’est déroulée deux semaines plus tard.

Hadi a menacé de mettre à exécution sa menace de licenciements, mais Riyad a tenté à une deuxième reprise d’intervenir.

La situation a eu l’air de se calmer jusqu’à la semaine dernière, lorsqu’un deuxième incident a eu lieu à l’aéroport.

L’avion de Qabati a atterri à l’aéroport mais les Émiratis, qui contrôlent l’infrastructure,ont refusé de le laisser partir.

Qabati a refusé de quitter l’aéroport dans l’avion par lequel il est arrivé. L’affrontement a pris fin lorsque les Saoudiens ont envoyé un jet privé pour ramener le brigadier général à Riyad.

Cet incident était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour Hadi, qui a par la suite licencié le gouverneur d’Aden et le ministre. Selon nos sources, d’autres licenciements vont suivre.

Un fossé grandissant entre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis

Les Saoudiens ont depuis été forcés de soutenir publiquement Hadi. Sa légitimité a été d’abord renforcée par une rencontre avec le roi saoudien Salmane, puis par une autre avec l’ambassadeur des États-Unis.

Selon Arabi 21, Ben Salmane aurait assuré l’appui de Riyad à « toutes les décisions, les mesures et les arrangements qui soutiennent la légitimité et mettent en ordre la situation sécuritaire et militaire à Aden et dans le reste des provinces. »

Personne ne sait réellement ce que Ben Zayed va faire. Mise à part la présence des forces spéciales émiraties au Yémen, les EAU étendent leur emprise sur le sud du Yémen en finançant des groupes qui leurs sont loyaux. L’un d’entre eux comprend 15 000 hommes.

Le ministre d'État des EAU pour les Affaires étrangères Anwar Gargash a critiqué le licenciement des deux hommes décrits comme étant proches des Émirats.

Dans un tweet effectué sur son compte personnel samedi, Gargash a déclaré : « Parmi les règles de l’action politique, il faut construire la confiance avec vos alliés, il ne faut pas les poignarder dans le dos, vos décisions doivent être proportionnelles à vos capacités et vous devez privilégier l’intérêt du public à votre intérêt personnel.  »

Un autre signe de la colère émiratie envers Hadi pouvait être aperçu dans un tweet du chef de la sécurité de Dubaï, Dhafi Khalfan Tamim.

Il y disait : « Remplacer Hadi est une demande du Golfe, arabe et internationale. »

Et d’ajouter : « Le premiers pas vers une solution au Yémen serait de mettre fin au règne d’Hadi, qui s’est dégradé avec le temps. »

Khalfan a également déclaré : « Ce que les EAU et la résistance ont réussi à faire est en train d’être détruit par Hadi. Est-ce un président qui mérite que nous traitions avec lui ? »

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La campagne soutenue par l’Arabie saoudite est en cours depuis deux ans et les rebelles houthis ne semblent pas être sur le point d’être délogés de la capitale Sana. Environ 10 000 personnes ont été tuées et plus de 40 000 blessées lors de cette opération.

Traduit de l’anglais (original).

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