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La lutte contre le racisme anti-noirs, un combat dans tout le Maghreb

Le parlement tunisien pourrait être le premier en Afrique du nord à adopter un loi contre le racisme. Pourtant le phénomène n'est pas nouveau : depuis des années, les associations du Maghreb dénoncent les actes racistes envers la communauté subsaharienne
Manifestation le 26 décembre à Tunis après l'agression de trois étudiants congolais (Facebook)
Par MEE

Qu’un gouvernement – en l’occurrence celui de Youcef Chahed en Tunisie – appelle à accélérer l'adoption du projet de loi contre les discriminations raciales est une première au Maghreb.

« Il faut une stratégie nationale afin de changer les mentalités », a déclaré le chef de gouvernement après l’agression de trois étudiants congolais le 24 décembre qui a poussé des associations d’étudiants africains à manifester à Tunis.

« Deux ont eu la gorge tranchée et le troisième a été poignardé. Nous réclamons justice », a rappelé Rachid Ahmad Souleimane, président de l’Association des étudiants et stagiaires africains en Tunisie (AESAT).

Ces agressions ne sont pas les premières. Il y a un an, un étudiant camerounais avait déjà été agressé à Tunis et à l’époque, plusieurs associations s’étaient unies pour rappeler que « des dizaines d’autres [étudiants] avaient été molestés dans plusieurs villes après l’élimination de la Tunisie de la Coupe d’Afrique des nations en février ».

Vous vous souvenez peut-être même de cette vidéo en noir et blanc où des jeunes hommes et femmes se succédaient pour dire « Stop au racisme ». Elle avait été diffusée en 2015 avant la marche du 21 mars dont le mot d’ordre était « Je dis non au racisme en Tunisie ».

En juin dernier, un collectif d'associations composé du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), le réseau euro-méditerranéen des droits de l'Homme (REMDH) et le Comité pour le respect des libertés et des droits de l'Homme (CRDHT) s’était mobilisé pour proposer un projet de loi contre la discrimination racial aujourd’hui à nouveau à l’ordre du jour.

Au Maroc aussi, où plusieurs crimes racistes ont été dénoncés par les associations, le Parti authenticité et modernité (PAM) avait bien proposé une loi contre le racisme envers les Subsahariens en proposant notamment des condamnations de 3 mois à 2 ans de prison et jusqu’à 1000 euros d’amende. Mais le PAM étant dans l'opposition, la loi n'avait pas été adoptée.

Consciente que le racisme est un problème plus général dans la région, la société civile tunisienne, algérienne, marocaine et mauritanienne avait lancé en mars dernier une campagne transmaghrébine contre racisme « Ni esclave, ni azzi (nègre), stop, ça suffit ».

« Le racisme est enraciné dans nos sociétés. Le noir est pour beaucoup un nègre, un être inférieur. Beaucoup réagissent différemment envers les immigrés selon leur couleur de peau », expliquait à l’époque Saadia Mosbah, président de l’association M’nemty, en Tunisie.

En Algérie, où le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme, Farouk Ksentini, a déclaré au début du mois que les Algériens était « exposés au risque de propagation du sida et d’autres maladies sexuellement transmissibles à cause de la présence de migrants », Amnesty International a appelé les autorités algériennes à adopter « une loi contre les propos racistes anti-subsahariens ».

Caricature de Dilem dans le quotidien Liberté du 7 décembre

Dans un communiqué diffusé à l’occasion de la journée internationale des migrants, le 18 décembre, la branche algérienne d’Amnesty International rappelle aussi que « de graves abus » ont été enregistrés à l’encontre de centaines de ressortissants du Mali, du Cameroun, de Côte d’Ivoire, du Bénin… détenus dans un camp à l’ouest de la capitale avant d’être expulsés à la frontière avec le Niger. 

Un contexte difficile où la société civile essaie parfois et sans grande visibilité, de faire des choses pour sensibiliser l’opinion publique. Le 24 décembre dernier, à Oran (ouest), le collectif Solidarité Migrants Algérie et des associations locales ont organisé un match de football amical pour « briser la glace et faire la connaissance de la communauté des migrants d'Oran ».

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