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À la rencontre de l’artiste jordanien qui transforme le café en art

Le calligraphe Ahmed al-Quraan réalise des portraits et des calligraphies uniques en utilisant le café comme peinture et des soucoupes comme toiles
L’artiste Ahmed al-Quraan a dessiné avec du café des dizaines de portraits de personnages célèbres, comme ici le footballer Cristiano Ronaldo (avec l’aimable autorisation d’Ahmed al-Quraan)

AMMAN – En 2017, Ahmed al-Quraan savourait sa tasse matinale de café turc dans son bureau lorsque ses yeux se posèrent sur sa photo de carte de visite. À l’époque, il était directeur de mémoire en art à l’Université arabe ouverte du Koweït.

« J’ai décidé de jouer avec le café. J’ai pris mon stylo de calligraphie arabe et je me suis mis à dessiner mon propre portrait », a déclaré l’artiste jordanien de 45 ans à Middle East Eye.

Depuis lors, il a réalisé des dizaines de portraits de personnages célèbres avec du café, dont le poète palestinien Mahmoud Darwich, Charles Darwin, l’activiste palestinienne Ahed Tamimi, la chanteuse égyptienne légendaire Oum Kalthoum et bien d’autres encore.

« Quand je dessine, je communique avec le goût du café. J’essaie d’établir le lien entre le goût et l’esthétique avant de dessiner », explique-t-il. 

Trois nuances de café

« Mon travail avec le café est unique car je dessine des portraits détaillés sur de très petites surfaces », décrit Ahmed al-Quraan, qui travaille également comme bijoutier et possède deux bijouteries, l’une à Amman et l’autre au Koweït.

Ahmed al-Quraan utilise de petites surfaces telles que des pendentifs comme toiles pour ses peintures (avec l’aimable autorisation d’Ahmed al-Quraan)

Il utilise des soucoupes, des boucles d’oreilles et des pendentifs comme toiles. Celles-ci peuvent mesurer à peine un centimètre de large parfois.

« Quand je dessine, je communique avec le goût du café. J’essaie d’établir le lien entre le goût et l’esthétique avant de dessiner »

– Ahmed al-Quraan, artiste

« Cela nécessite parfois plus de huit heures de travail », précise-t-il.

Al-Quraan utilise trois nuances de café pour peindre. 

La première nuance, la plus claire, est extraite de la couche supérieure du café, une nuance plus foncée de marron provient du café même et, enfin, la nuance la plus sombre est issue des sédiments déposés au fond de la tasse de café turc.

Il mélange également le café avec différentes quantités d’eau pour créer diverses nuances, ce qui donne à son sujet un aspect distinctif.

Les œuvres d’Ahmed al-Quraan sont exposées chez lui, dans la capitale jordanienne Amman, et n’ont été mises en vente que récemment, principalement sur Facebook et Instagram. Il a également décidé d’accepter des commandes et de créer de nouveaux portraits de clients ayant exprimé leur intérêt.

« La plupart des demandes sont des cadeaux pour des anniversaires, des remises de diplômes, des mariages… [Les clients] me demandent de dessiner leurs amis ou de les dessiner, indique-t-il. Ils envoient la photo et je la dessine avec du café. »

Portrait de l’activiste palestinienne Ahed Tamimi réalisé par Ahmed al-Quraan (avec l’aimable autorisation d’Ahmed al-Quraan)

Selon le travail à fournir, al-Quraan vend ses portraits à partir de 200 dollars, mais certains se vendent jusqu’à 1 000 dollars au Koweït.

En octobre, à l’occasion de la Journée internationale du café, al-Quraan a participé à une exposition à Majnoon Qahwa, un café situé dans la ville de Koweït. L’artiste espère un jour exposer tous ses dessins à l’occasion d’une exposition d’art à Amman.

Adepte de la calligraphie arabe

Ahmed al-Quraan plonge également des stylos en bois dans du café pour écrire des calligraphies arabes et produire des pancartes reprenant de la poésie arabe ou des extraits du Coran.

Al-Quraan vend ses portraits à partir de 200 dollars, mais certains se vendent jusqu’à 1 000 dollars au Koweït (avec l’aimable autorisation d’Ahmed al-Quraan)

En 1998, al-Quraan a étudié la calligraphie arabe en Irak aux côtés du gourou de la calligraphie Khalil al-Zahawi. Là-bas, il a également découvert la relation entre la musique et la calligraphie arabe ; il avait commencé à jouer de l’oud en 1997.

« Cela nécessite parfois plus de huit heures de travail »

– Ahmed al-Quraan, artiste

« Ma capacité à créer des calligraphies arabes m’a aidé à dessiner. J’ai commencé à pratiquer le dessin sur du bois, ensuite sur du métal, puis sur du verre et des tasses à café [en 1998]. »

Le fait d’être musicien lui a également permis d’explorer ce lien et de fusionner son talent musical avec ses aptitudes en calligraphie arabe pour créer une rhapsodie colorée. Il a ensuite créé l’Organisation de la calligraphie et de la musique arabes en 2005 à Amman.

« J’avais l’habitude de dessiner des calligraphies en écoutant de la musique et c’est là que j’ai découvert que la calligraphie pouvait changer au rythme des variations de la musique. »

L’artiste affirme être capable de dessiner et de jouer de l’oud en même temps. À l’aide de sa main droite, il peint ses créations, tandis qu’avec sa main gauche, il gratte les cordes de l’oud. « La combinaison des deux se reflète dans mon travail », explique-t-il. 

Une œuvre populaire

Husni Abu Kareem, artiste et doyen des arts à l’Université de Zarka, en Jordanie, suit le travail d’al-Quraan sur les réseaux sociaux et s’est rendu à son domicile à Amman. Selon lui, al-Quraan contrôle merveilleusement son outil de communication. 

« L’une de ses œuvres les plus populaires est le portrait d’Ahed Tamimi, dont l’histoire pleine de bravoure est devenue un phénomène mondial », indique-t-il. « Il a commencé par la calligraphie, mais il a par la suite utilisé ce genre pour créer des portraits de personnages importants qui comptent dans le monde d’aujourd’hui. »

Ahmed al-Quraan a réalisé un portrait du roi Abdallah II quand ce dernier a condamné le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem en mai 2018 (avec l’aimable autorisation d’Ahmed al-Quraan)

Al-Quraan a notamment réalisé le portrait du roi Abdallah II de Jordanie. L’artiste affirme avoir dessiné le roi sur une assiette après que le monarque a condamné et rejeté le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem en mai, soulignant que cela aurait de graves répercussions sur la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient. « Je suis fier de la position de la Jordanie », a déclaré l’artiste.

« Le miroir de la main »

« Ma capacité à créer des calligraphies arabes m’a aidé à dessiner. J’ai commencé à pratiquer le dessin sur du bois, ensuite sur du métal, puis sur du verre et des tasses à café »

– Ahmed al-Quraan, artiste

À la fin de l’entretien, al-Quraan cite Une mémoire pour l’oubli (1986), le mémoire poétique en prose de Darwich, qui a été traduit en français. Le texte évoque une journée de bombardements intensifs menés par Israël à Beyrouth en 1982, après l’invasion israélienne du Liban.

« Le café, la première tasse de café, est le miroir de la main, de cette main qui tourne le breuvage. Le café est le déchiffrement ouvert du livre de l’âme, devin des secrets que le jour renferme », écrit Darwich. Comme le décrit le poète palestinien, Ahmed al-Quraan transforme le café en art et relaie les traits uniques de ses personnages.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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