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La répression du putsch en Turquie était préparée à l’avance selon l’UE

Après l’arrestation de 6 000 personnes depuis la tentative de putsch, un commissaire européen affirme que des listes de personnes à arrêter devaient avoir été préparées au préalable
Le président Recep Tayyip Erdoğan (au centre) et l’ancien président turc Abdullah Gül (à droite) prient pendant les funérailles d’une victime de la tentative de coup d’État, à Istanbul, le 17 juillet 2016 (AFP)

Un haut responsable de l’Union européenne a suggéré ce lundi que la Turquie s’était préparée à arrêter des milliers de personnes avant la tentative ratée de coup d’État militaire de vendredi soir.

Selon le ministre de la Justice de la Turquie, plus de 6 000 personnes ont été arrêtées dans le cadre de la tentative de coup d’État que le président Recep Tayyip Erdoğan a attribuée à son rival, le religieux vivant aux États-Unis, Fethullah Gülen.

Parmi les personnes arrêtées figurent 103 généraux et amiraux, ont rapporté ce lundi les médias publics turcs.

Le commissaire de l’UE chargé de la candidature depuis longtemps au point mort de la Turquie a déclaré qu’il semblerait que le gouvernement eût déjà préparé une liste de personnes à arrêter avant le coup d’État.

« Je veux dire que le fait que les listes soient déjà prêtes, immédiatement après l’événement, indique que cela a été préparé et devait servir à un moment donné », a déclaré aux journalistes le commissaire européen à l’élargissement Johannes Hahn.

Des juges et des commandants de l’armée comptent parmi ceux qui ont été arrêtés ce week-end alors qu’Erdoğan promet d’éradiquer le « virus » des comploteurs.

Plusieurs militaires de haut rang ainsi qu’un juge de premier plan ont été arrêtés et plus de 2 500 autres juges à travers le pays ont été révoqués.

Le gouvernement a également déclaré que près de 3 000 soldats avaient été arrêtés dans une grande purge des forces armées. Ce lundi matin, le quotidien turc Hürriyet a rapporté que 7 850 policiers avaient également été renvoyés.

Toujours ce lundi, les autorités saoudiennes auraient arrêté l’attaché militaire turc au Koweït, qui tentait de s’embarquer pour l’Allemagne depuis la ville de Dammam, à l’est de l’Arabie saoudite, en raison de son implication suspectée dans le putsch.

Vendredi soir, Erdoğan a tenu tête à une tentative de coup d’État fomentée par des éléments de l’armée mécontents de ses treize années au pouvoir. Cependant, les alliés de la Turquie l’ont mise en garde contre un châtiment excessif tandis que les autorités rassemblent les auteurs du putsch raté.

Tôt ce lundi, des unités spéciales de la police anti-terroriste d’Istanbul ont attaqué la prestigieuse académie militaire de l’armée de l’air à la recherche de nouveaux suspects, a rapporté l’agence de presse officielle Anadolu.

La responsable de la diplomatie européenne Federica Mogherini a également déclaré ce lundi matin que la Turquie doit respecter l’État de droit dans sa réponse à la tentative de coup d’État.

« Nous disons aujourd’hui que l’État de droit doit être protégé dans le pays. Il n’y a aucune excuse pour que la Turquie prenne des mesures pour s’en éloigner », a affirmé Mogherini en arrivant à une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE à Bruxelles.

« Comme nous avons été les premiers à le dire au cours de cette tragique nuit [de la tentative de putsch vendredi], les institutions démocratiques et législatives doivent être protégées », a-t-elle insisté.

« Aujourd’hui, nous allons dire ensemble avec les ministres [des Affaires étrangères] que cela ne signifie évidemment pas que l’État de droit et le système de contrôle et d’équité dans le pays ne comptent pas. Au contraire, cela doit être protégé pour le bien du pays. Nous allons envoyer un message fort en ce sens à la Turquie », a-t-elle averti.

Les tentatives de la Turquie pour rejoindre les 28 pays de l’UE ont été entravées ces dernières années par les inquiétudes concernant la dérive autoritaire d’Erdoğan en matière de droits de l’homme et de liberté de la presse.

L’UE a néanmoins décidé d’accélérer sa demande d’adhésion et d’accorder aux Turcs la possibilité de voyager sans visa dans le cadre d’un accord conclu au regard de la crise des réfugiés ; en contrepartie, Ankara a accepté d’accueillir les migrants qui débarquent dans les îles grecques.

Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault a déclaré que « l’État de droit doit prévaloir ».

« La France condamne le coup d’État, on ne peut accepter que des militaires prennent le pouvoir », a-t-il déclaré. « Nous devons également être vigilants pour que les autorités turques ne mettent pas en place un système politique qui se détourne de la démocratie. »

Le ministre belge des Affaires étrangères Didier Reynders a également exhorté à la retenue : « Il est normal de sanctionner ceux qui sont impliqués dans le coup d’État, mais il est normal de demander le respect de l’État de droit. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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