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Selon les médecins, des aliments vendus à Alep contiennent des produits chimiques toxiques

Les médecins soupçonnent que la hausse de cas d’anémies soit liée au fait que des commerçants vendent des ingrédients mélangés à des produits chimiques que l’on trouve dans les bombes et les balles
Des Syriens déplacés à l’intérieur de leur pays attendant de la nourriture dans la campagne d’Alep (Reuters)

Suite à une augmentation de cas de patients souffrant d’un certain type d’anémie, des médecins soupçonnent que des produits chimiques toxiques habituellement utilisés pour des munitions apparaissent dans de la nourriture à Alep-Est  – potentiellement dans le cadre d’actes délibérés.

Trois pédiatres affiliés à l’Association indépendante des médecins (IDA) ont observé une augmentation de patients souffrant d’anémie hémolytique auto-immune idiopathique (AHAI) depuis le début du mois d’octobre.

Les patients perdent leurs cellules rouges plus rapidement qu’elles ne peuvent être produites. Les symptômes incluent un essoufflement, une accélération du rythme cardiaque, des nausées, des maux de têtes et des vomissements. « Idiopathique » signifie que la cause de ce trouble est inconnue.

Dans une déclaration publique, les médecins de l’IDA ont dit que les cas rapportés incluaient des familles entières. Gaith, pédiatre à l’hôpital pour enfants de l’IDA, le seul hôpital pour enfants de l’est d’Alep, a déclaré à Middle East Eye que l’hôpital avait traité 110 patients depuis le début de l’année. 

Les docteurs avec lesquels MEE s’est entretenu ont aussi avancé que les commerçants pourraient « couper » leurs produits avec des substances chimiques, bien que ces suspicions n’aient pas été confirmées.

Dans leur déclaration, les docteurs ont dit qu’ils étaient parvenus à cette conclusion après avoir observé que les patients ayant souffert de ces symptômes avaient mangé « de la nourriture contenant du sel au citron ».

La déclaration a également indiqué que des commerçants ont expliqué aux médecins qu’ils avaient vu d’autres commerçants « mélanger du sel au citron traditionnel avec du matériel de bombes à dispersion non explosées et d’autres explosifs ».

De son côté, Wissam Zarqa, professeur d’anglais dans l’est d’Alep, précise à MEE : « Dans les cas dont j’ai entendu parler, le sel au citron empoisonné n’était pas vendu dans des magasins mais dans des stands de rue. »

Par SMS, Gaith relève : « Nous soupçonnons le matériel mélangé avec le sel au citron d’être du nitrate d’ammonium, ainsi que d’autres substances chimiques toxiques trouvées normalement dans les bombes et les balles. »

Gaith craint que les commerçants fassent ceci « par besoin matériel, avec les prix  de tous les biens en augmentation suite au chômage et au siège ».

Yahya, un médecin qui travaille dans le même hôpital, estime que les commerçants « ont simplement essayé de gagner leur vie sans réaliser sans doute que ce qu’ils font nuit à la population». 

Cependant, Malika, infirmière-chef à l’hôpital pour enfants de l’IDA, se montre moins indulgente. Pour elle, les commerçants « manquent de scrupules et pourraient être des agents du régime envoyés pour empoisonner les habitants de l’est d’Alep ».

Les médecins de l’IDA ont averti que bien que l’augmentation du nombre de cas d’AHAI pourrait indiquer un empoisonnement, ils ne sont pas en mesure de le confirmer sans avoir accès aux dossiers médicaux familiaux.

MEE s’est également entretenu avec un expert médical indépendant, pour qui de telles substances chimiques peuvent causer l’anémie si elles sont ingérées, et endommager le fonctionnement des reins.

« En se basant sur les descriptions fournies dans la déclaration de l’IDA, il est possible que les substances chimiques mentionnées puissent causer la dégradation de globules rouges, ce qui peut aussi être associé à une toxicité rénale », précise par e-mail Maadh Aldouri, hématologue à l’hôpital maritime de Medway en Grande-Bretagne.

Plus de 300 000 personnes sont piégées à l’est d’Alep tandis que la pénurie de carburant et de nourriture persiste, et que les ressources en eau sont coupées pour 80 % de la population.

Des images filmées par des drones montrent que l’est d’Alep a été presque entièrement détruit par les bombardements incessants de la Russie et du gouvernement syrien.

Beaucoup d’hôpitaux dans l’est d’Alep ont été endommagés ou détruits lors des 23 attaques enregistrées depuis que le siège du gouvernement a commencé en juillet.

Plus tôt ce mois-ci, Adham Sahloul de la société américano-syrienne a confirmé à MEE que l’hôpital M10 avait été détruit.

MSF a rapporté la semaine dernière qu’il n’y avait plus que onze ambulances en service dans les quartiers est d’Alep.

Le ministère de la Défense russe a interrompu mardi les bombardements sur Alep, dans un geste « de bonne volonté » pour ouvrir la voie à une trêve de huit heures le 20 octobre.

L’ONU a cependant déclaré que huit heures ne suffisaient pas pour délivrer de l’aide humanitaire dans la zone assiégée, tandis que les ressources en nourriture et en médicaments continuent à s’épuiser dangereusement.

Traduit de l’anglais (original). 

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