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Trump suggère de construire un mur géant au Sahara… or celui-ci existe déjà

Le président américain, pourtant adepte de murs, semble ignorer que le Sahara occidental est déjà traversé par l’une des plus longues barrières de séparation au monde
Le « mur de la honte », comme l’appellent les habitants de la région, traverse le Sahara occidental sur plus de 1 000 kilomètres (AFP)

Il s’étend sur près de 3 000 kilomètres sous le soleil saharien, est patrouillé par des militaires et entouré de mines.

Le mur du Sahara occidental marocain est l’une des plus longues barrières de séparation au monde d’après certaines mesures – seule la Grande Muraille de Chine serait plus longue – et il s’agit sans aucun doute de la plus longue en Afrique du Nord. 

Toutefois, son existence a échappé à l’attention du président américain Donald Trump, qui a suggéré, selon les articles des médias espagnols cette semaine, que Madrid devrait « construire un mur » à travers le Sahara pour empêcher les réfugiés d’atteindre l’Espagne continentale.

Un Sahraoui brandit un drapeau du Front Polisario près de soldats marocains en février 2017 (AFP)

Josep Borrell, le ministre espagnol des Affaires étrangères, a déclaré que Trump avait fait ses commentaires à une délégation espagnole aux États-Unis en juin, affirmant : « La frontière du Sahara ne peut pas être plus grande que notre frontière avec le Mexique. »

Il est curieux que le mur du Sahara occidental marocain ait échappé à l’attention de Trump.

Le président américain, adepte de murs de séparation, s’est engagé lors de sa campagne électorale en 2016 à construire un « grand et beau mur frontalier » le long de la frontière de 1 100 km que les États-Unis partagent avec le Mexique. Le travail sur ce projet a été compliqué par des litiges concernant son financement et l’opposition à laquelle il a fait face au Congrès.

Qu’est-ce que le « mur de la honte » ?

Le Sahara occidental est une ancienne colonie espagnole, connue à l’époque impériale sous le nom de Sahara espagnol. La présence de cette nation européenne dans la région a pris fin en 1975, aux derniers jours de la vie du général Franco. 

Le mur du Sahara occidental marocain a été construit à la suite du conflit entre le peuple sahraoui, qui s’est battu et a fait campagne pour son autodétermination, et le Maroc, qui a revendiqué les deux tiers du Sahara espagnol lors de la Marche verte de novembre 1975 et insiste sur le fait que sa souveraineté ne peut être contestée (l’Espagne ne s’implique plus du tout dans les affaires de la région).

La structure s’étend sur 2 700 km, séparant les régions du Sahara occidental occupées par le Maroc des zones contrôlées par le Front Polisario, soutenu par l’Algérie, qui veut l’indépendance et qui a pris à la Mauritanie le territoire qu’il contrôle lors de la guerre qui a suivi la sortie de l’Espagne de la région.

La barrière, qui a coupé des communautés et séparé des familles, est qualifiée par ceux qui vivent à proximité de « mur de la honte ».

La structure, composée de six barrières de sable géantes, ou bermes, a été construite entre 1980 et 1987. Elle est gardée par les troupes marocaines et, selon le projet d’action antimines de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), jonchée de mines antipersonnel. Les habitants rapportent que plusieurs habitants ont été tués depuis le cessez-le-feu conclu entre le Maroc et le Polisario en 1991. 

À la suite de ce cessez-le-feu, l’ONU avait estimé qu’elle serait en mesure de superviser un référendum sur l’indépendance du Sahara occidental dans un délai de six mois. Près de trente ans plus tard, les Sahraouis, qui vivent presque tous sous le joug de mesures répressives au Sahara occidental occupé par le Maroc ou dans des camps de réfugiés en Algérie, attendent toujours.

Le conflit entre le Polisario et le Maroc a été qualifié de « guerre oubliée » ou de « guerre froide ». Le Sahara occidental est souvent appelé « la dernière colonie d’Afrique ».

Manuel Devers, le conseiller juridique du Front Polisario, a déclaré à MEE en février : « Je veux souligner que le Sahara occidental n’est pas une région disputée, c’est un territoire qui a une frontière avec le Maroc. Il n’est pas disputé, il est occupé ».

Espagne : nous n’avons pas peur

Est-ce que l’Espagne suivra les suggestions de Trump et construira un mur dans le Sahara ?

Selon l’Organisation internationale pour les migrations, 33 000 personnes auraient débarqué sur les côtes espagnoles via la Méditerranée occidentale cette année – trois fois le nombre d’arrivées constatées durant la même période l’année dernière – suite à la répression à laquelle ont été confrontés ceux qui empruntaient la route centrale entre la Libye et l’Italie 

Cependant, il est peu probable que l’Espagne retienne la suggestion de Trump.

Josep Borrell, qui s’inscrit en faux contre le sentiment anti-immigration en Europe, a déclaré aux médias espagnols qu’il ne soutenait pas l’idée de Trump de construire un mur le long de la frontière américano-mexicaine.

« Tout le monde en Europe est touché par ce virus, la peur de l’immigration… Ce n’est pas le cas en Espagne »

- Josep Borrell, ministre espagnol des Affaires étrangères

Trump ne semblait pas non plus au courant de la logistique pratique et diplomatique à laquelle Madrid pourrait être confronté, s’il décidait de mettre en pratique son idée.

Le Sahara s’étend sur quelque 4 800 km, couvrant des régions de onze pays sur lesquels l’Espagne n’a aucune juridiction, notamment le Maroc, l’Algérie, la Libye, la Mauritanie, le Tchad, l’Égypte, le Niger, le Soudan, le Mali, l’Érythrée et la Tunisie. 

Ses seuls territoires régionaux sont les deux minuscules enclaves de Ceuta et Melilla, sur la côte nord de l’Afrique, encerclées par le Maroc. Elles mesurent moins de 30 km² et sont considérées comme des points d’entrée vers l’Europe pour ceux qui cherchent désespérément à atteindre le continent.

Des barbelés entourent les deux enclaves. Le nouveau ministre espagnol de l’Intérieur, le socialiste Fernando Grande-Marlaska, a déclaré que le pays ferait désormais « tout son possible » pour éliminer les barrières « anti-migrants ».  

Cela reflète un changement de position à Madrid. Comme l’a indiqué Borrell au Washington Post en juin : « Tout le monde en Europe est touché par ce virus, la peur de l’immigration… Ce n’est pas le cas en Espagne ».

Traduit de l’anglais (original).

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