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Yémen : nouvelles accusations sur l’implication des Émirats arabes unis

Les forces armées émiraties recevraient des milliards de dollars d’armes provenant notamment de pays occidentaux et les détourneraient vers des milices non contrôlées et connues pour commettre des crimes de guerre
Un combattant séparatiste du sud du Yémen brandit son fusil sur les lieux d’une manifestation antigouvernementale à Aden (Reuters)
Par MEE

Un fournisseur majeur de véhicules blindés, de mortiers, de fusils, de pistolets et de mitrailleuses vendus illégalement à des milices agissant en dehors de tout contrôle et accusées de crimes de guerre et d’autres graves exactions : voilà comment la dernière enquête publiée ce mercredi 6 février par Amnesty International qualifie les Émirats arabes unis. 

« Les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et d’autres États européens ont été critiqués, à raison, parce qu’ils fournissent des armes aux forces de la coalition et l’Iran envoie des armes aux houthis. Cependant, une nouvelle menace se fait jour. Le Yémen est en train de devenir un repaire pour les milices soutenues par les Émirats arabes unis [EAU], qui ne sont généralement pas soumises à l’obligation de rendre des comptes », souligne Patrick Wilcken, chercheur sur le contrôle des armes et les droits humains à Amnesty International.

Selon des chiffres compilés par Middle East Eye, l’Union européenne et les pays européens ont approuvé la vente de plus de 86,7 milliards de dollars d’armes à l’Arabie saoudite et aux EAU.

Ce n’est pas la première fois que les Émirats arabes unis sont désignés pour leur implication dans la guerre au Yémen. En 2017, des sources proches de Abd Rabbo Mansour Hadi (le président du Yémen exilé en Arabie saoudite depuis 2015) confiaient à MEE que Mohammed ben Zayed, le prince héritier d’Abou Dabi et commandant en chef des forces armées émiraties, agissait à Aden comme « un occupant ».

Quelques mois plus tard, les membres de la quatrième brigade de protection présidentielle accuseront directement les Émirats arabes unis (EAU) d’avoir soutenu les séparatistes du sud du Yémen en leur fournissant couverture aérienne et armes lourdes alors qu’ils reprenaient Aden aux forces loyales au gouvernement.

« Les Émirats arabes unis ont financé et soutenu la création de forces armées qui ne sont subordonnées à personne remettant ainsi Aden entre les mains de milices », expliquait à l’époque à MEE Fahmi al-Sakkaf, un membre du Mouvement du Sud. « Tout le monde, y compris Hadi, a gardé le silence tandis que ces milices exploitaient le vide sécuritaire à Aden. »

Les groupes armés qui bénéficient de ces ventes d’armes douteuses, selon Amnesty International – les « Brigades des Géants », la Brigade al Hizam (Forces de la ceinture de sécurité) et les Forces d’élite – sont entraînés et financés par les Émirats arabes unis, mais ne sont placés sous le contrôle d’aucun gouvernement. 

Certains d’entre eux sont accusés d’avoir commis des crimes de guerre, notamment pendant la récente offensive contre la ville portuaire d’Hodeida et dans le réseau de prisons secrètes soutenu par les Émirats arabes unis dans le sud du Yémen.

Une grande variété de véhicules blindés

Selon les données publiques, les États occidentaux ont vendu aux Émirats arabes unis des armes classiques lourdes – comme des avions et des navires –, des armes de petit calibre, des armes légères, des pièces détachées et des munitions.

Amnesty International a analysé les éléments disponibles en libre accès au sujet de la bataille d’Hodeida et constaté que les véhicules militaires et les armes vendus aux Émirats arabes unis sont aujourd’hui largement utilisés par les milices sur le terrain.

Une grande variété de véhicules blindés d’origine américaine équipés de mitrailleuses lourdes, tels que les modèles M-ATV, Caiman et MaxxPro, ont été observés entre les mains de milices soutenues par les Émirats arabes unis.

La publication de ce rapport survient alors que la chaîne CNN a diffusé lundi une enquête selon laquelle de l’armement et des équipements fournis par Washington à l’Arabie saoudite et au Yémen avaient été utilisés par des milices au Yémen.

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La chaîne a montré des images de véhicules militaires anti-mines, de fabrication américaine, n'étant plus aux mains de la coalition, et affirmé que des armes pouvaient être commandées et achetées sur un marché.

Ces informations ont suscité la réaction du Pentagone. « Nous prenons les allégations de mauvais usage d'équipement de défense d'origine américaine très au sérieux, et lancerons des enquêtes promptement une fois reçues des preuves crédibles », a commenté Johnny Michael, porte-parole du Pentagone. En décembre, le Sénat américain, à majorité républicaine, avait approuvé une résolution, largement symbolique, appelant à mettre fin au soutien militaire américain à la coalition menée par Ryad au Yémen.   

L’implication des Émirats arabes unis ne fait en tout cas plus vraiment de doute : en octobre, des mercenaires américains avaient même raconté au média en ligne BuzzFeed.News comment ils avaient été recrutés pour mener des opérations au Yémen pour le compte d’Abou Dabi. 

Le conflit au Yémen a fait quelque 10 000 morts, en majorité des civils, et plus de 60 000 blessés depuis mars 2015, selon un bilan partiel de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais des ONG affirment que le nombre de morts est largement supérieur, certaines citant un chiffre cinq fois plus élevé.

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