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Le régime d’Assad est-il soutenu par des drones de fabrication israélienne ?

Si la Russie utilise le « Forpost » en Syrie, cela signifie que les drones iraniens et israéliens combattent dans le même camp d’un conflit armé

En septembre dernier, les médias israéliens et russes ont fait état d’un accord entre l’entreprise aérospatiale russe Oboronprom et Israel Aerospace Industries portant sur la vente de dix drones IAI Searcher à la Russie.

Depuis la guerre de 2008 entre la Russie et la Géorgie, dans laquelle la Russie a perdu plus d’avions pilotés que prévu, un besoin urgent de moderniser la flotte obsolète de véhicules aériens sans pilote (UAV), ou drones, s’est fait ressentir du côté de Moscou. En 2010, la Russie a signé un accord de 400 millions de dollars avec Israël pour acheter plusieurs drones modernes produits par IAI.

Bien que l’accord de 2010 ait peu attiré l’attention, celui de 2015 aurait pu s’avérer extrêmement maladroit, puisqu’il est survenu alors que la Russie combattait un allié des États-Unis, l’Ukraine, et soutenait l’Iran, un ennemi d’Israël, avec une technologie militaire de pointe comprenant le système de défense anti-aérienne S-300.

Par le passé, la Russie et Israël se sont fréquemment confrontés au sujet de la technologie militaire qu’ils exportent à des tiers. En 2014, lorsqu’Israël réfléchissait à vendre des drones à l’Ukraine, la Russie s’est fâchée et est intervenue pour faire pression sur les autorités israéliennes et les pousser à annuler la proposition et à vendre des drones à la Russie à la place. Pendant la même période, Israël a appelé la Russie à prendre ses distances vis-à-vis de l’Iran et à mettre fin à la vente de missiles anti-aériens à la République islamique.

Alors que le ciel syrien accueille de plus en plus de forces aériennes, la prolifération des drones en Syrie a pris des tournures étranges. Il a été prouvé que la technologie de drones iranienne est employée par les forces du régime syrien depuis des années.

Bon nombre des modèles de drones pilotés par l’armée de l’air syrienne et ses alliés sont des imitations iraniennes de drones américains. Le 4 février, les médias iraniens ont montré des images qui semblent représenter un de leurs drones Shahed 129 en train de procéder à des frappes contre des rebelles dans un champ et de détruire une maison. Des drones Shahed 129 iraniens ont été précédemment repérés au-dessus de la banlieue de Damas et apparaissent depuis plusieurs années sur des images prises par des activistes ; toutefois, ils étaient jusqu’à présent uniquement connus pour effectuer des opérations de surveillance pour le régime du président syrien Bachar al-Assad.

La flotte perfectionnée de drones américaine chasse et frappe des cibles de l’État islamique depuis 2014, lorsque les États-Unis ont décidé d’affronter le groupe djihadiste à l’intérieur de la Syrie. L’intervention directe de la Russie en Syrie à la demande du régime Assad allait inévitablement ajouter un nouveau niveau de complexité : les forces aériennes russes suivent fréquemment les drones américains et ont publié en ligne des images d’une rencontre rapprochée.

Le gouvernement russe a déclaré auparavant qu’il déployait des drones au-dessus de la Syrie mais n’a pas précisé les modèles exacts utilisés, peut-être pour une bonne raison. Si la Russie utilise effectivement le « Forpost » en Syrie, cela signifie que les drones iraniens et israéliens combattent dans le même camp d’un conflit armé. 

Pour des raisons évidentes de fierté nationale et d’image anti-israélienne que la Russie s’évertue à promouvoir à travers ses médias de propagande, la Russie a rebaptisé sa petite flotte d’IAI Searchers de fabrication israélienne, la nommant « Forpost », ou « avant-poste » en russe. Au moins deux Forpost russes ont été abattus dans le ciel ukrainien, ce qui a suscité la colère du gouvernement de Kiev à l’égard d’Israël. Bloomberg News a conjecturé que la diplomatie en coulisses qui entoure le programme nucléaire de l’Iran et la vente de missiles S-300 à la République islamique était au centre de l’accord entre Israël et la Russie. Dans un article, Calev Ben-David et Ilya Arkhipov ont souligné qu’Israël s’était montré « manifestement neutre » au sujet de l’annexion de la Crimée par la Russie.

Au-delà de toutes les spéculations, de nombreuses preuves indirectes montrent que des drones israéliens sont utilisés contre l’opposition syrienne pour soutenir le régime d’Assad. Une photo publiée sur la page Facebook pro-régime « Syrian Military Capabilities », qui présente des images d’avions du régime et de la Russie, a suscité beaucoup de spéculations dans les médias israéliens et parmi les Syriens sur les médias sociaux. L’image est créditée au photographe syrien Ahmad al-Khayer et a manifestement été prise à Lattaquié, où se trouve la nouvelle base aérienne de la Russie. Dans le groupe Facebook, le drone est identifié dans les légendes comme étant un « Forpost ». En effet, l’appareil en question est identique aux drones russes de fabrication israélienne qui ont été abattus dans le ciel ukrainien.

Plusieurs autres images d’appareils russes survolant Lattaquié ont également été publiées sur cette même page par le même photographe, ce qui donne davantage de poids à la possibilité que cette image soit effectivement authentique. Des activistes à Lattaquié affirment également avoir vu des drones Forpost scruter des positions rebelles et que ces engins correspondraient aux images postées sur la page Facebook pro-régime « Syrian Military Capabilities ». La page elle-même comporte des spéculations sur l’origine du drone : un utilisateur a commenté que le drone devait être dérivé d’un IAI Searcher, tandis qu’un autre commentateur a affirmé avoir vu le même modèle de drone tourner autour de son université.

Les spéculations vont bon train dans les médias israéliens, Ynet, le Jerusalem Post et News24 ayant laissé entendre que des drones d’origine israélienne étaient potentiellement utilisés pour soutenir Assad. La possibilité que la technologie israélienne soutienne le prétendu « axe de la résistance » pourrait être une source majeure d’embarras pour Israël, la Russie et le régime d’Assad. Les médias officiels du gouvernement syrien ont sans surprise gardé le silence au sujet de ces allégations.

- Patrick Hilsman est journaliste indépendant. Il a produit des reportages directement depuis Alep (Syrie) en 2012, 2013, 2014 et 2015. Il a la double nationalité franco-américaine.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.  

Photo : présentation d’un système de mini-drone « Bird Eye-400 » développé par Israel Aerospace Industries (IAI) à l’occasion de l’International Conference on Unmanned Vehicles 2015, à Tel-Aviv, le 9 novembre 2015 (AFP).

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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