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La politique d’Obama au Moyen-Orient pourrait finalement conduire à la sortie d’Assad

Les alliés régionaux pourraient être en train de renverser le cours de la guerre civile syrienne, ce qui pourrait forcer le Président Obama à intervenir pour éviter que les extrémistes ne s'emparent du pouvoir

 Au cours des trois dernières années et demie, la chute imminente du régime du Président syrien Bachar al-Assad a été régulièrement annoncée, et parfois de façon irresponsable.

Les résultats de cette pratique courante sont bien connus, peu importe de quel côté du débat politique on se range : création de faux espoirs parmi les activistes, excès de confiance et d’initiative de la part de beaucoup parmi les ennemis de Bachar al-Assad , ainsi qu’une pénible descente vers une guerre civile dévastatrice que quelques décideurs politiques ont considéré à tort comme une guerre qui pourrait être nettement atténuée par un effondrement à un moindre coût.

Néanmoins, avec les informations faisant état d’une série de défaites importantes sur le champ de bataille, de conflits internes éclatants, de l’épuisement généralisé de l’armée syrienne et d’une offensive militaire apparemment bien cordonnée, organisée par l’alliance assez improbable de l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, la sortie de Bachar al-Assad à court ou à moyen terme est finalement passé d’un espoir surdimensionné à être une vraie possibilité.

Malgré les critiques formulées à l’encontre du Président des Etats-Unis Barack Obama sur la guerre civile en Syrie, son prolongement extrêmement sanglant et les nombreuses et terribles conséquences engendrées, dont l’EI n’en est pas la moindre, il mérite quelque reconnaissance pour les mesures qu’il a adoptées.

Deux décisions stratégiques et la rhétorique récente de soutien des offensives militaires au niveau régional ont effectivement posé les fondations pour arriver à ce résultat : la sortie de Bachar al-Assad ne serait plus de nature à entraîner une guerre à grande échelle qui aurait pu faire intervenir des armes de destruction massive dans la région.

Bien entendu, c’est une mince consolation pour les victimes et les familles dévastées, tout comme pour ceux qui avaient appelé dès le début à une intervention militaire menée par les Etats-Unis, ou, comme moi-même, à la négociation d’un accord avec Bachar al-Assad, ce qui aurait pu éviter le désastre qui se déroule actuellement au cœur du Moyen-Orient et sauver un nombre incalculable de vies, au prix de l’ajournement de l’exercice du droit légitime des Syriens à être délivrés d’un dictateur impitoyable.

Il n’empêche que le succès du Président Obama afin d’éliminer la menace considérable des armes chimiques de Bachar al-Assad entre 2013 et 2014, et sa politique d’engagement progressif avec l’Iran, ainsi que le possible accord nucléaire cet été, soutiennent l’actuelle offensive militaire que les alliés des Etats-Unis dans la région sont en train de mener contre Bachar al-Assad.

En effet, ces deux décisions politiques ont transformé de dangereuses idées fantaisistes d’intervention en une option qui semblerait raisonnable, justement parce que les négociations de Barack Obama avec Bachar al-Assad et son allié le plus important, l’Iran, ne leur laissent que très peu d’options. D’un côté, Bachar al-Assad ne peut plus se servir raisonnablement de la menace de faire appel à « l’option Samson », qui aurait signifié que, face à la possibilité de l’effondrement du régime, lui ou son entourage proche auraient pu, par exemple, lancer le cortège d’armes chimiques qu’ils possédaient auparavant contre l’Israël ou contre tout autre ennemi de la région.

De l’autre côté, l’Iran, et par association, le Hezbollah du Liban (qui participe aussi aux combats sur le terrain en Syrie), entame maintenant les derniers mois de négociations sur son programme nucléaire, dont le succès représente un intérêt national vital.

Créer encore un nouveau scénario de conflit dans la région, en plus de ceux qui sont déjà en cours au Yémen, en Irak ou en Syrie, demanderait à l’Iran une grande dose de démesure et une mauvaise planification stratégique, d’autant plus si cela devait engager son associé cadet, le Hezbollah, à possiblement s’attaquer à Israël.

En fait, si les Iraniens et le Hezbollah (pour ne pas parler de la Russie) ont fait ce qu’ils auraient dû faire pendant leurs deux dernières années d’intervention sur le terrain en Syrie : développer un réseau solide et fiable parmi les élites militaires, politiques et les services de renseignements du pays, ils pourraient tout simplement trouver qu’un règlement négocié est la seule option acceptable qui reste. Cette option pourrait enfin remplacer le régime de Bachar al-Assad et son entourage proche par des dirigeants syriens efficaces, raisonnablement pro-résistance, qui pourraient négocier des trêves, combattre l’EI et commencer soit un processus politique crédible d’unification du pays, ou une partition de facto du pays.

Cependant, le plus important n’est pas de savoir si les partisans de Bachar al-Assad vont réagir à ces défaites militaires avec ce genre de flexibilité.

En fait, au moins dans des réunions avec des représentants du Hezbollah accessibles au public qui ont eu lieu ici, à Beyrouth, le discours qui préconise que seul Bachar al-Assad peut préserver l’unité de l’armée syrienne et doit donc être défendu s’est considérablement durci.

Obama doit décider sans tarder quoi faire si l’offensive militaire soutenue par l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie contre Bachar al-Assad et ses alliés devait réussir, en tenant spécialement compte du fait que des nombreux dirigeants et agents sur le terrain de cette alliance sont de violents extrémistes sunnites.

Sans les armes stratégiques de Bachar al-Assad, et avec les possibilités de représailles de l’Iran qui diminuent, la menace la plus importante, du moins pour le moment, est que l’EI et d’autres groupes extrémistes prennent la relève, détruisent davantage les institutions étatiques, et même commettent un génocide contre les minorités syriennes, notamment les alaouites, associés à Bachar al-Assad et sa famille.

Malheureusement, ni les Turcs, ni les Saoudiens ni les Qataris n’ont fait preuve de performances particulièrement bonnes par le passé en ce qui concerne le fait d’encourager pour ensuite réussir à contenir le extrémistes sunnites qu’ils ont motivés et soutenus au fil des décennies.

Ce qui revient à dire que, qu’il le veuille ou non, Barack Obama pourrait être contraint d’adopter un rôle actif, voir interventionniste, dans une Syrie qui s’effondre et qui pourrait se débarrasser du régime de Bachar al-Assad, mais en même temps se remplit de triomphantes milices anti-occidentales, ce qui pourrait être encore pire pour les Syriens, les Etats de la région et, fort possiblement, pour les Etats-Unis aussi.

- Nicholas Noe est le cofondateur de Mideastwire.com, basé à Beyrouth, et l’auteur du livre Voice of Hezbollah: The Statements of Sayyid Hassan Nasrallah.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : le Président américain Barack Obama (AFP)

Traduction de l'anglais (original) par María Baile Rubio.

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