Aller au contenu principal

Nil 2050 : un milliard de personnes confrontées aux risques d’inondations et de sécheresses

Alors que la population de la région du Nil ne cesse de croître, des scientifiques mettent en garde contre les conditions météorologiques extrêmes et imprévisibles qui seront engendrées par le réchauffement climatique. L’Égypte est-elle prête ?

Le Nil – source d’eau pour des millions de personnes – est soumis à une forte pression.

Selon les estimations de l’ONU, la population des pays du bassin du Nil devrait plus que doubler dans les années à venir pour atteindre près d’un milliard de personnes en 2050, augmentant la pression sur des ressources en eau déjà limitées.

« Ce n’est pas abstrait. C’est en train de se produire actuellement »

- Professeur Elfatih Eltahir

Maintenant, un nouveau rapport d’universitaires du Massachusetts Institute of Technology (MIT) indique que le changement climatique va aggraver une crise qui se développe rapidement le long du plus grand fleuve du monde.

Selon le rapport, le réchauffement climatique aura pour conséquence que les niveaux d’eau du fleuve deviendront de plus en plus imprévisibles, ce qui pourrait entraîner des cycles d’inondations dévastatrices et de sécheresses destructrices.

Une image satellitaire NASA Terra du delta du Nil en 2003. Le Caire est la petite tache grisâtre à l’endroit où le fleuve s’élargit (AFP)

La variabilité croissante des niveaux d’eau a déjà lieu : en 2015 et début 2016, de nombreux pays du bassin du Nil ont connu une sécheresse intense, suivie d’inondations généralisées.

« Ce n’est pas abstrait », explique le professeur Elfatih Eltahir, l’un des auteurs du rapport. « C’est en train de se produire actuellement. »

Un impact pas si pacifique

Eltahir et ses collègues affirment que la principale cause de cette variabilité croissante du niveau des eaux du Nil se trouve à des milliers de kilomètres, dans l’océan Pacifique.

Le réchauffement climatique aura pour conséquence que les niveaux d’eau du fleuve deviendront de plus en plus imprévisibles, ce qui pourrait entraîner des cycles d’inondations dévastatrices et de sécheresses destructrices

Le réchauffement climatique, qui résulte principalement des millions de tonnes d’émissions de dioxyde de carbone et d’autres gaz à effet de serre que nous rejetons dans l’atmosphère chaque année, entraîne une augmentation de l’intensité et de la durée du phénomène de l’océan Pacifique connu sous le nom de cycle El Niño/La Niña.

Ce cycle a une grande influence sur les précipitations annuelles dans les hauts plateaux d’Éthiopie et les zones adjacentes – des régions qui génèrent environ 80 % du débit total du Nil.

Ce nilomètre, situé sur l’île de Rhoda dans le centre du Caire, date du IXe siècle. Il était utilisé pour surveiller les niveaux d’eau et la clarté du Nil (Wikicommons)

Les inondations annuelles du Nil, qui apportent le précieux limon servant à fertiliser les terres du delta du Nil et d’ailleurs, rythment la vie de cette région depuis des millénaires. Jadis, les grands prêtres des temples égyptiens construisirent une série de dispositifs de mesure, ou nilomètres, afin de prédire et surveiller les niveaux d’eau.

Les changements climatiques perturbent à présent ces modes de vie ancestraux.

Le rapport du MIT indique que si le monde continue sur son mode « business as usual », sans réduire significativement ses émissions de gaz à effet de serre au cours des prochaines années, il est probable que l’évolution des précipitations entraîne une augmentation moyenne du débit annuel du Nil de 10 à 15 %.

Un Égyptien supervise les ouvriers agricoles chargés de récolter les pommes de terre dans le village de Shamma, province d’al-Minufiyah, dans le delta du Nil, plus tôt cette année (AFP)

Cela pourrait être une aubaine pour des pays qui manquent d’eau comme l’Égypte, avec ses 91 millions d’habitants complètement dépendants du Nil pour leur consumation d’eau. Le Nil est également vital pour soutenir les secteurs agricole et industriel du pays.

Toutefois, à moins que les niveaux d’eau ne soient correctement gérés et que le stockage et le lâcher d’eau par les différents barrages et réservoirs le long du Nil ne soient coordonnés, des inondations se produiront dans de nombreuses zones.

Au-delà du barrage

Le rapport du MIT avertit qu’il y aura beaucoup moins d’années « normales », où le Nil s’écoule conformément aux modèles traditionnels, et, à l’opposé, des extrêmes plus importants et davantage d’années de sécheresse.

Le professeur Eltahir et ses collègues espèrent que leurs résultats conduiront à des politiques de gestion de la rivière à long terme.

Or, les batailles pour le contrôle du Nil font rage depuis des années. Le fleuve, le plus long du monde, traverse dix pays. Le plus grand barrage africain, le barrage de la Renaissance d’Éthiopie, est en cours de construction à proximité de la frontière entre l’Éthiopie et le Soudan.

Le barrage de la Renaissance en construction près de la frontière soudano-éthiopienne en mars 2015 (AFP)

Ce barrage est une pomme de discorde entre l’Éthiopie – qui est en train d’émerger comme l’une des principales régions de croissance économique d’Afrique – et l’Égypte. Les agriculteurs égyptiens craignent pour leur avenir, affirmant que le barrage éthiopien réduira la quantité d’eau à leur disposition pour irriguer leurs récoltes.

Le rapport du MIT souligne qu’au lieu de se disputer au sujet du barrage, il est nécessaire d’accorder une plus grande attention aux impacts potentiels du changement climatique et de la croissance de la population le long du Nil.

« Nous pensons que les changements climatiques entraînent la nécessité de renforcer les capacités de stockage dans le futur », explique Eltahir. « Les vrais problèmes auxquels le Nil est confronté sont plus importants que la controverse entourant ce barrage. »

- Kieran Cooke, ancien correspondant à l’étranger pour la BBC et le Financial Times, collabore toujours avec la BBC et de nombreux autres journaux internationaux et radios.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : des Égyptiens se baignent dans l’une des branches du Nil dans le district de Menufiya, au nord de la capitale Le Caire, le 2 mai 2016, lors des célébrations de Sham al-Nessim, une fête pharaonique marquant le début du printemps (AFP).

Traduit de l’anglais (original).

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].