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Sortons de l’impasse, réparons ce qui doit l’être entre l’Arabie saoudite et l’Iran

Ce qui suit est l’ébauche d’une tribune écrite début 2018 par le journaliste saoudien assassiné Jamal Khashoggi en collaboration avec un activiste iranien des droits de l’homme
Le président iranien Hassan Rohani (à gauche) et le roi saoudien Salmane (AFP/MEE)

Tout le monde sait que la tension entre l’Arabie saoudite et l’Iran n’a fait que s’accroître cette année, engendrant une plus grande instabilité et un plus grand danger pour nos sociétés respectives.

On entend souvent les points de vue opposés des responsables gouvernementaux saoudiens et iraniens concernant le responsable de la crise qui se joue sur les champs de bataille loin de nos pays ; toutefois, on entend rarement des propositions sensées, encore moins venant des spécialistes des sociétés civiles saoudienne et iranienne, sur la façon de sortir de l’impasse qui a causé tant d’incompréhension, de querelles et de souffrance dans notre région.

Pas d’ingérence

Cessons de nous immiscer dans les affaires internes d’autres pays : les gouvernements saoudien et iranien s’accusent mutuellement d’ingérence dans les affaires internes des autres pays de la région afin de gagner en influence et en contrôle et d’élargir leur sphère d’influence.

L’Iran a envoyé des troupes et apporté un soutien financier pour venir en aide à un tyran meurtrier en Syrie, lequel est responsable du massacre de centaines de milliers de ses propres citoyens, tandis que l’Arabie saoudite soutient divers groupes armés dans le pays.

Les deux pays devraient cesser leur ingérence pour apaiser la situation politique dans la région

L’Arabie saoudite a mené une campagne de bombardement inconsidérée et aveugle au Yémen, aggravée par un siège cruel du pays tout entier, soi-disant pour prévenir l’influence iranienne dans le pays dont les liens avec les obscures forces houthies se sont renforcés.

Ce sont les Syriens et les Yéménites qui ont largement payé le prix de ces guerres. Celles-ci n’ont fait qu’accroître l’instabilité dans la région.

Voilà seulement deux exemples des efforts visant à contrôler les situations politiques d’autres pays, on pourrait également citer des développements moins désastreux au Liban, par exemple, ou en Irak.

Les deux pays devraient cesser leur ingérence pour apaiser la situation politique dans la région.

Respect des droits des peuples

Commençons à respecter les droits de nos peuples et à investir dans leur futur : l’Iran et l’Arabie saoudite ont le pire bilan en matière de droits de l’homme parmi les pays du Moyen-Orient qui ne sont pas en guerre actuellement.

Il est notoire que tous deux ne respectent pas le droit de leurs citoyens d’exprimer des opinions critiques, emprisonnant ceux qui osent s’exprimer ; tous deux discriminent les minorités religieuses dans leur pays ; tous deux privent les femmes de l’égalité des droits, notamment en matière de mariage, de divorce et de garde des enfants.

Iran-AS

Les deux pays ont connu de vives manifestations contre la défaillance des dirigeants de leur pays.

En Iran, les récentes manifestations reflétaient en grande partie la frustration de la classe laborieuse iranienne, qui n’a pas réussi à tirer des avantages satisfaisants du relâchement des sanctions ou de son investissement dans l’enseignement supérieur.

En Arabie saoudite, les discriminations chroniques à l’encontre de la minorité chiite ont conduit à des manifestations il y a quelques années.

Plutôt que de gaspiller le trésor de nos nations dans des achats d’armes inutiles et des jeux de pouvoir dans la région, commençons à investir dans le riche capital humain de nos peuples – en leur accordant la liberté de prospérer et de s’épanouir en devenant des citoyens capables de contribuer à la communauté mondiale.

Compréhension mutuelle

Instaurons un dialogue, un apprentissage et une compréhension entre nos peuples : hormis le pèlerinage annuel extrêmement restreint [de centaines de milliers ?] d’Iraniens en Arabie saoudite, il n’y a pratiquement pas d’interaction entre nos peuples.

Quelles que soient les divergences politiques de nos gouvernements, il n’y a aucune raison pour que nous ne puissions pas construire un minimum de dialogue, d’apprentissage et de compréhension entre nos sociétés civiles

En dépit de notre frontière commune, de notre religion commune, de nos coutumes communes et de notre histoire commune, pratiquement aucun Iranien n’a d’amis saoudiens – ni même de connaissances – et vice versa. Nous ne parlons pas lors de conférences conjointes ; nous n’apprécions pas la nourriture et la culture de nos pays respectifs ; nous ne rompons pas le pain et ne récitons pas nos prières ensemble.

Quelles que soient les divergences politiques de nos gouvernements, il n’y a aucune raison pour que nous ne puissions pas construire un minimum de dialogue, d’apprentissage et de compréhension entre nos sociétés civiles.

Nos gouvernements campent sur leurs positions dans un dangereux duel de regards qui pourrait bientôt dégénérer ; il revient à nos peuples d’être la voix de la raison et de la modération – chose dont nos deux peuples sont fiers.

Cela ne peut se produire que si nous sommes capables de nous parler, de nous entendre et d’apprendre les uns des autres. La société civile devrait être le fer de lance de cet effort de compréhension mutuelle entre nos peuples.

[Fin]

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Jamal Khashoggi was a Saudi columnist and the former general manager of Alarab News Channel. He was also a regular columnist for the Washington Post. On 2 October 2018, Khashoggi entered the Saudi consulate in Istanbul and vanished. On 19 October Saudi authorities admitted that he had been murdered. Khashoggi's body has yet to be found.
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