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Après la victoire sur les Houthis, des divisions émergent dans la résistance à Aden

Des forces d’AQPA sont apparues dans les rues alors que les milices de la résistance exigent le paiement de leurs salaires par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et qu’Hadi a démis le gouverneur de ses fonctions
Le Premier ministre yéménite Khaled Bahah (au centre) prend la parole lors d’une conférence de presse le 17 septembre 2015, au lendemain de son retour dans la ville portuaire d’Aden avec d’autres membres en exil du gouvernement yéménite (AFP)

Après plus de quatre mois de guerre dans la province d’Aden, la Résistance du Sud, soutenue par les forces de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite, a expulsé les rebelles houthis d’Aden, laissant la province sous le contrôle de la coalition et de la résistance.

La vie revient peu à peu à la normale dans la ville. Cependant, moins de deux mois après la victoire de la résistance, les divisions s’avivent dans le camp anti-Houthi, al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) apparaissant ouvertement dans certaines parties d’Aden.

Les habitants de la ville espèrent vivement voir la reconstruction et le rétablissement des services après des mois de combats dévastateurs. Cependant, les écoles, les universités, les hôpitaux, les hôtels et toutes les institutions gouvernementales restent encore fermés dans la ville, qui n’a toujours pas de gouvernement efficace.

Mercredi, le gouvernement yéménite est retourné à Aden et les ministres y ont tenu leur première réunion le lendemain. Le Premier ministre Khalid Bahah, qui était à Riyad depuis que le gouvernement avait fui le pays en février, a promis que les services essentiels et de sécurité seraient rétablis à Aden.

Ce retour est survenu après le remplacement de trois ministres du gouvernement en trois jours et la destitution du gouverneur d’Aden par le président Abd Rabbo Mansour Hadi. Jusqu’à présent, seuls cinq ministres sont en ville, essayant de faciliter le rétablissement du gouvernement yéménite.

Divisions au sein de la résistance

Tous les combattants d’Aden qui ont participé à la guerre contre les rebelles houthis ont combattu sous le nom de la résistance. Pendant les combats, aucun différend n’existait entre les combattants, mais après le départ des Houthis et la prise de contrôle par les forces de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite, ces combattants ont commencé à se diviser en plusieurs groupes.

Le 15 septembre, des dizaines de membres de la Résistance du Sud ont bloqué la rue principale du quartier al-Cheikh Othman pour demander au gouvernement, entre autres choses, de payer leurs salaires et pour protester contre le remplacement du gouverneur d’Aden, Naif al-Bakri.

Nader al-Hawt, le chef de la résistance d’al-Cheik Othman, a déclaré à Middle East Eye tandis qu’ils manifestaient mardi : « Nous n’avons pas de quoi faire vivre nos familles car nous n’avons pas reçu nos salaires depuis trois mois. »

Il a accusé les ministres yéménites basé à Riyad de ne pas soutenir les combattants de la résistance sur le terrain. « Les responsables yéménites à Riyad passent leur temps dans des hôtels cinq-étoiles. Nous sommes ici sous le soleil brûlant pour protéger le pays, et le gouvernement ne nous aide pas. »

Il a déclaré qu’il devait payer les salaires des 400 membres de la résistance qui travaillent sous son autorité dans le quartier al-Cheikh Othman. « L’Aïd arrive et nous avons besoin d’argent pour acheter des vêtements et rendre nos enfants heureux. »

Une autre demande majeure des manifestants était d’envoyer à l’étranger les personnes blessées pendant la guerre pour y être soignées, au lieu de souffrir au Yémen. « Nous appelons le gouvernement à résoudre ces problèmes dès que possible, sinon ce sera l’escalade », a ajouté al-Hawt.

Nasr al-Yafei (25 ans), membre de la résistance dans le quartier de Khour Maksar, a participé à une manifestation jeudi exigeant que le président Hadi revienne sur sa déclaration annonçant le remplacement du gouverneur d’Aden.

« Il n’y a pas de raison de remplacer le gouverneur d’Aden. Il est le meilleur gouverneur possible et il est fidèle à Aden. Al-Bakri a participé à la guerre contre les Houthis et il n’a rien fait de mal », a déclaré al-Yafei à MEE.

Hadi a nommé al-Bakri gouverneur d’Aden fin juillet, après que la résistance et les forces de la coalition avaient expulsé les Houthis de la ville. Le 14 septembre, Hadi a nommé al-Bakri ministre de la Jeunesse et des Sports ; « il s’agit d’un ministère sans importance », selon al-Yafei.

Le directeur du bureau de la sécurité d’Aden, Mohammed Mosaed, a déclaré à MEE que la sécurité à Aden était sous le contrôle des forces émiraties de la coalition, précisant que ces dernières réhabilitaient les commissariats d’Aden.

« On recense quelques incidents négatifs à Aden et des hommes armés de la résistance sortent dans les rues avec leurs armes et leurs véhicules militaires, mais toutes ces choses sont normales après une guerre dans un pays et nous allons aborder ce problème prochainement », a annoncé Mosaed à MEE.

Il a ajouté que les forces de la coalition avaient un plan pour la réhabilitation des forces de sécurité à Aden et que les forces émiraties mettraient ce plan en œuvre. Au cours du dernier mois, 620 soldats ont été envoyés en formation aux Émirats et 310 autres sont déjà revenus à Aden, a-t-il expliqué.

« Nous attendons que les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite payent les salaires de la résistance et de l’armée puisque le gouvernement yéménite ne peut pas payer les salaires dans ces conditions. »

Les habitants d’Aden se plaignent

Lorsque les Houthis ont fui Aden, les habitants espéraient que les conditions s’amélioreraient rapidement et que la crise finirait, mais les problèmes demeurent.

« Quand les Houthis ont quitté Aden, je pensais que les problèmes ne tarderaient pas à être résolus, mais les problèmes persistent, puisque les milices de la résistance sont encore dans toutes les rues et leurs véhicules militaires sont encore présents dans tous les quartiers d’Aden », a déclaré Mazen Abdulghani, un habitant d’Aden.

Selon lui, il n’y a toujours pas de gouvernement à Aden et seules les milices contrôlent la ville, sous la supervision des forces de la coalition. « Je veux voir le gouvernement. Je ne veux pas voir les milices partout dans les rues », a ajouté Abdulghani.

La résistance affirme être présente dans les quartiers pour protéger la province contre toute attaque qui pourrait survenir.

Abdulghani a signalé que les prix des produits de base sont encore élevés à Aden et que même si la coalition fournit une aide, tout le monde n’y a pas accès. « Je pense que ce sont les mauvaises conditions à Aden qui ont amené le président Hadi à remplacer le gouverneur al-Bakri », a-t-il ajouté.

AQPA à Aden

Lorsque la guerre entre la résistance et les rebelles houthis s’est terminée à Aden, des combattants d’al-Qaïda dans la péninsule arabique ont fait leur apparition dans le quartier al-Tawahi.

Certains combattants d’AQPA faisaient partie de la résistance pendant la guerre. Une fois que les Houthis sont partis, ils se sont déployés librement dans la ville brandissant leurs slogans et leurs armes, mettant parfois en place des points de contrôle, et ne rencontrant aucune opposition de la part d’autres groupes de la résistance.

Yasser Ameen (33 ans), un habitant du quartier al-Tawahi, a déclaré que les membres d’AQPA sont soudainement apparus dans le quartier après que les Houthis ont quitté la ville. « C’est la première fois que je vois des membres d’AQPA déambulant dans notre ville avec leurs armes », a-t-il confié à MEE, précisant que personne dans son quartier ne sait d’où viennent ces combattants.

Ameen a souligné que les habitants d’al-Tawahi craignent une nouvelle guerre contre les combattants d’AQPA dans la région.

Bien que la présence de combattants d’AQPA à Aden soit notoire, le gouvernement yéménite ne l’a pas admise officiellement.

Fadhl al-Rabei, analyste politique et chef du Madar Strategic Studies Centre à Aden, a expliqué à MEE : « Aden n’est pas un bastion des combattants d’AQPA. Ces combattants sont venus à Aden depuis Abyan pour combattre les rebelles houthis et ils peuvent repartir s’ils estiment que les Houthis ne reviendront pas en ville. »
 

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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