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Des Saoudiennes rejoignent le mouvement « à l’envers » pour protester contre l’abaya obligatoire

Lassées que l’État leur dicte ce qu’elles doivent porter, des Saoudiennes publient des photos d’elles portant leur abaya à l’envers
Une femme utilise son ordinateur pendant la conférence Future Investment Initiative à Riyad (Reuters)

Dans un acte de défi et de subversion, des Saoudiennes retournent leur abaya imposée par le gouvernement en signe de protestation contre les réglementations en matière de tenue vestimentaire imposées par l’État.

Toute la semaine, des femmes ont partagé leurs photos sur Twitter portant ce vêtement ample, traditionnellement noir, à l’envers et montrant les coutures et la doublure, associé au hashtag #Abaya_Insideout.

Traduction : « Parce que les féministes saoudiennes sont infiniment créatives, elles proposent une nouvelle forme de protestation sous le hashtag « abaya à l’envers ». Elles publient des photos d’elles portant leur abaya à l’envers en public comme une objection silencieuse à la pression exercée sur elles pour qu’elles la portent. »

https://twitter.com/Howwwra/status/1061477325076881408?ref_src=twsrc%5Etfw

Traduction : « À compter d’aujourd’hui, je vais porter mon abaya à l’envers pour protester contre les règles des mœurs et de l’État qui nous menacent si nous osons montrer notre identité. Nous devons travailler à temps plein en portant le niqab et l’abaya, car nous travaillons dans un lieu de travail mixte. Ce fardeau est trop lourd pour un être humain. Je.ne.porte.pas.de.niqab. #ContrainteDeLaPorter »

Traduction : « Employant une méthode de protestation pacifique, nous sommes des femmes qui rejetons toutes les coutumes et les lois qui brouillent notre existence et notre identité »

https://twitter.com/Hammoon_s/status/1061380252126113792?ref_src=twsrc%5Etfw

Traduction : « J’EN SUIS »

Dans le royaume, chaque Saoudienne est censée porter une abaya et un hijab en public, conformément aux réglementations que la police religieuse fait appliquer dans les rues. Les étrangères doivent porter l’abaya mais pas le hijab.

L’application de ces règles diffère toutefois d’une région à l’autre.

Dans la ville de Djeddah au bord de la mer Rouge, par exemple, les autorités sont moins susceptibles de réprimer la tenue des femmes que dans la capitale ultra-conservatrice, Riyad.

En 2017, une mannequin saoudienne connue sous le nom de Khulood a été arrêtée après avoir été vue vêtue d’un t-shirt et d’une jupe alors qu’elle marchait dans un fort historique dans le village classé d’Ushaiqer, au nord de Riyad. Elle a depuis été libérée sans inculpation.

Promesses non tenues

Ces derniers mois, il est apparu que la réglementation sur la tenue vestimentaire des femmes serait assouplie à l’échelle nationale.

Depuis que le prince héritier Mohammed ben Salmane est devenu le dirigeant de facto de l’Arabie saoudite l’année dernière, le royaume a pris soin de donner l’impression que ses réformes sociales émancipent les femmes dans le pays.

Plus particulièrement, en juin, le royaume a enfin permis aux femmes de conduire. Les Saoudiennes réclamaient ce droit depuis les années 1990 mais, bien que leur souhait ait finalement été exaucé, bon nombre de celles qui ont fait campagne pour ce droit ont par la suite été arrêtées et détenues par les autorités, tout comme d’autres militantes des droits des femmes.

https://twitter.com/Nikkaal/status/1061480607929245696?ref_src=twsrc%5Etfw

Traduction : « En tant que femme saoudienne, je n’ai pas la liberté de m’habiller comme je veux. La loi m’oblige à porter une abaya (robe noire) partout sauf dans ma maison, ce. que.je.ne.supporte.plus.

#BrûlonsLeNiqab
#JourSansHijab
#MaFurtiveLiberté#ContrainteDeLaPorter#LeNiqabNeMeReprésentePas »

Les vêtements aussi ont été signalés comme faisant partie du « programme de réforme » du jeune prince héritier.

En mars, l’héritier du trône saoudien a répété lors d’une interview télévisée avec CBS que les femmes devaient s’habiller modestement en public. Cependant, il a laissé entendre que les autorités arrêteraient d’obliger les femmes à porter l’abaya noire.

« Les lois sont très claires et stipulées dans les lois de la charia [loi islamique] selon lesquelles les femmes portent des vêtements décents et respectueux, comme les hommes », a déclaré ben Salmane.

« Toutefois, elles ne désignent pas particulièrement une abaya noire ou un couvre-chef noir. Il appartient entièrement aux femmes de choisir le type de vêtement décent et respectueux qu’elles veulent porter. »

De même, le cheikh Abdullah al-Mutlaq, membre du Conseil des oulémas, a également déclaré : « Plus de 90 % des pieuses femmes musulmanes du monde musulman ne portent pas d’abaya, nous ne devons donc pas forcer les gens à en porter. »

En dépit de ces remarques, ces réformes n’ont pas encore été appliquées pour les femmes du royaume, qu’elles soient Saoudiennes ou étrangères, et cette dernière campagne en ligne est une protestation contre les promesses non tenues.

Si la campagne a débuté dans le royaume, des Saoudiennes vivant à l’étranger n’ont pas tardé à partager des photos en ligne par solidarité. 

Traduction : « Mieux vaut croire que les Saoudiennes peuvent déplacer des montagnes. Tandis que les femmes occidentales défilent pour avoir le droit de choisir quoi porter, les femmes du Moyen-Orient continuent de lutter contre un système qui les oblige à porter l’abaya.

Ne soyez pas hypocrite et soutenez seulement un discours populaire. »

Malak al-Shehri, une militante des droits des femmes arrêtée en 2016 après avoir publié des photos où elle enlevait son niqab sur Twitter, a également participé au mouvement de protestation en ligne.

« Personne ne comprendra ce que vous ressentez en protestant contre l’oppression, à l’exception de ceux qui le font », a-t-elle tweeté

« C’est un sentiment merveilleux que d’exprimer votre rejet ne serait-ce que par le plus simple des gestes pour provoquer ceux qui s’opposent à vos choix et à votre liberté. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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